vendredi, 11 novembre 2005
11 novembre
À la fin du XIXe siècle, Alphonse Allais notait avec morosité que ceux qui avaient connu Napoléon se faisaient de moins en moins nombreux. Ainsi de nos poilus, plus que centenaires, intransportables et, de surcroît, déjà tous décorés. Donc, sans grand intérêt. Fort peu de chose dans nos journaux sur les cérémonies commémoratives de l'armistice. À la radio, une journaliste, qui a dû lire les ouvrages de la professeure Marina Yaguello, fait le mot féminin. Mais peut-être est-ce par coquetterie archaïsante : armistice est également féminin, pour le dictionnaire de l'Académie, jusqu'en 1798.
On relève pourtant dans Le Figaro un intéressant article sur les fusillés pour l'exemple.
"... je serai peut-être là-bas pour la St Martin..." écrivait, à la fin de la guerre, mon grand-père, gazé, en convalescence au Tréport. La carte montre la "vue sur le Musoir et la falaise". Au verso, le texte au crayon est à présent presque effacé...
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Un avis autorisé 6
Dans le Nouvel Observateur de cette semaine, entretien avec Christian Bourgois. Interrogé sur la littérature française actuelle, celui-ci déclare : "Je n’arrive pas à croire que Houellebecq soit aussi important que Céline ou Proust. Je le dis sans mépris." Avis à considérer, si l'on songe aux auteurs que Bourgois a découverts et fait connaître en France...
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jeudi, 10 novembre 2005
L'anti-phébus 2
Chez Richard Millet, comme chez Quignard, l'importance du "sentiment de la langue", l'attachement au "classicisme", c'est-à-dire à "une langue forte et belle [pouvant] apaiser la peur de mourir, nous [restituer] à une innocence perdue".
"La haine du classicisme : l'éternel procès fait à la langue par ceux qui, ayant perdu la leur, n'ont de cesse qu'ils ne se soient avec elle perdus dans des vertiges et des flamboiements douteux." ("Notes sur le classicisme", in Le Sentiment de la langue, La Table Ronde, 1993, p. 193)
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L'anti-phébus
L'eau parfaitement limpide de certaines fontaines paraît, quand on se penche au-dessus d'elles, noire et profonde. Ainsi de ce style quasi janséniste qui est la marque propre des auteurs difficiles — aux deux sens du terme : exigeants avec eux-mêmes et réclamant du lecteur un effort particulier. Je pense à Pascal Quignard. Cette très belle page, et très simple, par exemple, sur le silence :
"Quand la mémoire fait ressortir de l'abîme où le réel s'est effondré les souvenirs, ils ruissellent de silence.
Des morts reviennent des scènes d'autrefois qui sont nettoyées de tout bruit.
Immobiles au centre de ces scènes, comme dans les photographies, comme dans les peintures de l'Occident chrétien, ils regardent en silence ceux qui les voient.
Des vivants, la remémoration ne restitue que des instants où toute rumeur est arrachée.
Tous les moments de nos songes sont aussi silencieux que les instants où le désir écarte le tissu et découvre à notre attente et pour notre confusion ce qui est nu dans toute la pénombre que font les plis qui se rebroussent." (Sur le jadis, XCII, "Le silence", Folio, 2004, p. 303)
21:26 Publié dans Mes inscriptions | Lien permanent | Commentaires (0)
Le style Dantec
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Paresse
"Le travail m'ennuie énormément, je suis plus paresseux qu'un vieux singe et triste comme un cercueil."
10:35 Publié dans Mes inscriptions | Lien permanent | Commentaires (6)
mardi, 08 novembre 2005
"Un jour d'automne, l'ermite Yuen m'envoie trente bottes d'échalotes..."
"... une pleine corbeille d'échalotes, encore humides de rosée
est arrivée, sans même que j'écrive pour en demander !"
(Du Fu, Il y a un homme errant)
Ce n'est pas un panier d'échalotes que m'envoie mon ami P.G., mais un vénérable exemplaire des œuvres de Rabelais, dans l'édition de Paul Lacroix — le "bibliophile Jacob" — publiée chez Charpentier en 1850. La préface du "bibliophile", nourrie d'une érudition boulimique et peu scrupuleuse, compile allégrement anecdotes apocryphes et clés douteuses. On ne la mettra pas entre les mains des rabelaisants novices, qui risqueraient de tout prendre pour argent comptant, mais elle reste d'une lecture fort réjouissante pour les amateurs et les curieux.
Voilà un cadeau qui me réchauffe le cœur, mieux que les échalotes d'arrière-saison ne stimulaient l'estomac blasé du vieux poète...
16:40 Publié dans Mes inscriptions | Lien permanent | Commentaires (1)
Trous et portes 2
15:52 Publié dans Mes inscriptions | Lien permanent | Commentaires (0)
Considérations inactuelles 4
Origine des citations :
"Considérations inactuelles" : Léon Daudet, Le Stupide XIXe siècle, chap. IV, "Affaissement progressif de la famille, des mœurs, des académies et des arts", in Souvenirs et polémiques, Bouquins, 1992, p. 1286.
"Considérations inactuelles 2" : Maxime Du Camp, Paris, ses organes, ses fonctions et sa vie jusqu'en 1870, chap. VII, "Les rêves et le péril", Rondeau, 1993, p. 740.
"Considérations inactuelles 3" : Victor Hugo, Choses vues — 1849-1869, Folio, 1972, p. 241.
09:16 Publié dans Mes inscriptions | Lien permanent | Commentaires (7)
Petite anthologie portative 12
Amore, gioventù, liete parole,
cosa splende su voi e vi dissecca ?
Resta un odore come merda secca
lungo le siepi cariche di sole.Amour, jeunesse, mots joyeux,
quoi donc brille sur vous et vous dessèche ?
Reste une odeur comme de la merde sèche
le long des haies lourdes de soleil.
(Sandro Penna, Croce e delizia, trad. Bernard Simeone, in Une ardente solitude, Orphée/La Différence, 1989)
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