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vendredi, 08 janvier 2021

”Sistimus hic tandem nobis ubi defuit orbis...” 2

On ne meurt que deux fois… Il y a cinq ou six ans, j'annonçais la clôture de ce blog — décision que je disais dictée par la paresse et une certaine lassitude ; la crainte, ou plutôt la conscience que j'avais de me répéter, de ressasser les mêmes obsessions, de remâcher les mêmes rancœurs… Il y avait aussi — surtout, devrais-je dire — la solution de facilité offerte par Facebook, cette foire aux stupidités, où quelques bonnes pages se perdent dans la vulgarité, le kitsch : c'est-à-dire, non pas "l'art du bonheur", comme le définissait Abraham Moles, mais bien la "merde" que dénonçait Kundera.
Constantin a eu un peu de mal à renoncer à son journal extime et brouillon, à cette chronique en miettes "de jours qui, le plus souvent, n'étaient rien d'autre que des jours". Ce furent donc ces dernières années, années de notes maigres et plus que jamais sporadiques, mais c'était, d'une certaine manière, du "temps de paradis", du temps gagné sur l'inéluctable : un sursis, qui arrive à expiration. Constantin n'ira pas en personne sur Facebook. Il compte sur Marie Maguenot pour prendre le relais. Les hétéronymes meurent aussi, mais ils croient à la métempsycose…

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vendredi, 13 novembre 2020

Remembrances du vieillard idiot 21

J'ai appris à lire sur les genoux de mon grand-père, dans une brochure vantant les produits vétérinaires Ménard Frères. Je crois me souvenir d'une couverture grenat — ou couleur d'aubergine. J'avais alors quatre ans.

jeudi, 29 octobre 2020

La balade parmi les tombes

Naguère, je considérais avec une indifférence vaguement méprisante le rituel de la Toussaint — le mot renvoyant évidemment aux Trépassés, aux chrysanthèmes, à nos morts obscurs, voués à l'oubli et au purgatoire, plutôt qu'aux élus du martyrologe, à la turba sanctorum, aux bienheureux, aux vénérables, jouissant de "l'immarcescible couronne de gloire".
Depuis quelques années, je sacrifie, presque furtivement, à la tradition — par nostalgie, remords tardif ou simplement parce que — pour citer Vialatte — l'approche de la mort rend le vieil homme mélancolique. Dans les derniers jours d'octobre, je me rends dans le petit cimetière de mon coin de Sologne bourbonnaise et dépose quelques discrètes pensées sur la tombe de famille où les noms des parents, des aïeuls s'effacent, comme leur souvenir… La campagne alentour est paisible. Des bœufs blancs paissent dans les pâtures, vertes sous un ciel bas et gris, sans oiseaux.

samedi, 22 août 2020

Lentilles vert émeraude 6

Mise en épigraphe à la première partie du libelle de Léon Bloy, J.-K. Huysmans de l'Académie Goncourt, cette phrase, tirée de L'Abandon à la Providence divine, du père de Caussade :
"Les âmes qui marchent dans la lumière chantent des cantiques de lumière..."
Je lis d'abord : "Les ânes qui marchent dans la lumière..."
Et je me souviens qu'on relève, chez Rabelais, ce lapsus blasphématoire — qui n'est peut-être qu'une coquille imputable à l'imprimeur...

lundi, 10 août 2020

Memento mori

De la fenêtre des lieux, vue sur le cimetière.
"Escoutez que dict nostre retraict aux fianteurs :
A galan, galan,
Que tu es fringan,
S'il te faut-il meure..."

mardi, 04 août 2020

"Allons cueillir la salade..."

En cette fin de matinée plutôt fraîche pour la saison, mon ami J. m'apporte une salade verte et un bouquet de persil plat de son jardin. Il sait que mon potager est livré aux herbes folles et que son offrande ronsardienne nous donne prétexte à causer un moment en vidant un verre.
Connaissant ses goûts — et contrairement à mes principes : pas de whisky à l'apéritif, et toujours sec —, je sors une bouteille de Knockando et une poignée de glaçons. Conversation mélancolique : nous évoquons nos morts récents, amis ou proches, simples connaissances, partis grossir la troupe des fantômes familiers qui hantent nos rêves.
On couche toujours avec des morts. On boit toujours avec des morts...

samedi, 01 août 2020

"Et un estront de chien, c'est un tronc de ceans, où gist l'amour de m'amye..."

"Mais pourquoy, demanda quelqu'un, est-ce que les jours ardens sont les plus dangereux, et que communement les chiens enragent quand la Canicule ou petit Chien se leve ?"' (Guillaume Bouchet, Serées, VII)
L'affreux roquet camard des voisins vient déposer ses chiches étrons dans le jardin roussi par les chaleurs caniculaires. N'est-ce pas Saint-John Perse qui parle quelque part de "fèces torréfiées" ?
Je vais finir par trouver poétique ces privautés stercoraires.

mercredi, 01 juillet 2020

Solderie 8

La solderie est une sorte de conservatoire éphémère du "goût des autres", du rebut et des errements de la marchandise.
"Il y a un peu de tout
le choix est difficile..."
Parmi cent brimborions, gadgets hideux, improbables vistemboirs, nourritures étranges, oripeaux pour carême-prenant, parfois, la bonne surprise. L'autre hier, un carton de bonnezeaux et, à peine défraîchi, Le Mangeur de brumes — l'œuvre de Han-shan poète et vagabond de Patrick Carré (Phébus, 1985).
Le vin liquoreux de Bonnezeaux est, de l'avis d'un connaisseur, "d'une rare élégance. Il est peut-être, au nez, le plus parfumé des vins d'Anjou. C'est l'inimitable vin de dessert" (Dr Paul Maisonneuve, L'Anjou, ses vignes et ses vins, Angers, 1925). On peut, dit-on, le garder plus d'un quart de siècle ; eu égard à mon âge, je ne prendrai toutefois pas le risque de vouloir m'en assurer.
L'ouvrage de Patrick Carré — dont je possède déjà Les Saisons bleues — l'œuvre de Wang Wei poète et peintre (Phébus, 1989) —, apparemment épuisé, ne se trouve qu'en occasion à des prix exorbitants. Il ne m'en aura coûté ici que deux euros et quatre-vingt-dix-neuf centimes. Je pouvais donc, sans trop de remords, m'offrir les six bouteilles de bonnezeaux.

samedi, 27 juin 2020

Descendons encore au jardin...

Chaque année, la nature autour de la maison se fait plus exubérante, plus envahissante la verdure, et notre lassitude plus grande. Le combat est trop inégal. Nous laissons une végétation folle coloniser le minuscule potager qui ne connaît plus la bêche, livré désormais au buissonnement anarchique de la citronnelle, de la sauge bleue, de la sarriette et de l'origan. Quelques fraisiers subsistent au pied des pêchers de vigne, entre ciboulette, aneth et romarin ; à l'ombre d'un prunier épineux et stérile on trouve la menthe, la rhubarbe ou le cerfeuil, une clématite accroche ses vrilles à un piquet vermoulu. Les grands arbres — chêne, frêne, bouleau, sapins —, les tilleuls, le vieux pommier, le noyer, l'arbre à perruques, le jeune saule, les haies hirsutes sont pleins d'oiseaux...
Que deviendra, après nous, "ce jardin que nous aimions", ce modeste éden où l'on aimerait que le temps s'attarde un peu, dans la quiétude des matinées, lorsque une brise tiède apporte des odeurs de lessive fraîche, ou dans la torpeur des après-midi d'été ? Plus que jamais, avec l'âge et son lot de misérables misères, nous prenons toute la mesure de ce bonheur qui nous est donné, au quotidien, ici et maintenant. "Deus nobis haec otia fecit..."

mardi, 02 juin 2020

Petites perambulations hexagonales 8

"Quel admirable lieu ! C'est ici la pente de l'Auvergne. Le pays change, la terre s'élève, forme un vaste seuil en avant des montagnes, et de ce seuil penché la vue découvre Berry et Bourbonnais, une France rurale immense, étale jusqu'à la Loire..." (Daniel Halévy, Visites aux paysans du Centre, IV, 10 : "Les visites de 1934 - Rougeron dans ses vignes", Grasset, 1934)
C'est, au-dessus de Montluçon, la Combraille bourbonnaise, pays de bocage et, naguère, de vignobles modestes dont ne subsistent guère, aujourd'hui que quelques arpents enclavés dans le patchwork des champs et des pâtures. Domérat, village vigneron, n'est plus qu'un gros bourg cerné de lotissements pavillonnaires et de zones d'activités industrielles ou commerciales. Le vin de Courau, ne doit qu'à sa médiocre réputation de n'avoir pas été totalement oublié : on connaît encore, par ici, le dicton local assurant qu'il ne faisait "ni bien ni mau".
C'est du côté d'Huriel et de La Chapelaude qu'il faut aller pour trouver le dernier paysan viticulteur du coin, qui ouvre sa cave au public une fois la semaine — lorsqu'il n'a pas mieux à faire. Bien décidés, l'autre hier, à lui rendre une visite, nous passons une bonne partie de l'après-midi à nous perdre sur les routes étroites du secteur avant d'arriver au domaine, que nous trouvons silencieux et désert. Un vieil épagneul nous accueille, vaguement intrigué par notre intrusion. Nous cognons aux portes, heurtons aux vitres de la cuisine. Personne... Du linge sèche, à peine agité par une brise chaude et paresseuse, qui apporte des odeurs d'herbe fraîchement fauchée et le lointain bourdonnement d'engins agricoles.
Un coup de téléphone me livre la clé du mystère : la cave est exceptionnellement fermée — "On est en plein dans les foins !" Nous aurons donc le plaisir de revenir un peu plus tard, un autre jour, pour savoir enfin si le vin d'Huriel vaut mieux que celui de Courau. Pour ne pas rentrer les mains vides, nous rapportons de notre escapade un fromage de Chambérat — commune toute proche. Acheté tout de même, par précaution, au supermarché du coin, au cas où les fromagers seraient, eux aussi, occupés à retourner du foin en batifolant dans les prairies...