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lundi, 24 octobre 2005

Quasi filii obedientiæ...

L'essai d'Abraham Moles sur le kitsch (Psychologie du kitsch, Mame, 1971) est sous-titré "L'Art du bonheur". La formule pourrait s'appliquer assez justement à la peinture de Maurice Denis : scènes d'intérieur, maternités, mais aussi compositions religieuses.
Il s'agit moins, dans ce dernier cas, de "récupérer" une "émotion esthétique" au "profit " de "la religion séculière" — démarche caractéristique, selon Moles, du "kitsch religieux" — que de satisfaire à une fascination intime et nostalgique, celle de l'innocence d'avant la chute, d'avant la "mue périlleuse" et la conscience du péché.
Merveilleux visages de fillettes, si purs, si confiants, dans cette Vierge à l'enfant... On s'attend à entendre s'élever les notes du Pie Jesu de Lili Boulanger...

Politique 2

En 1900, Laurent Tailhade rassemblait un choix de textes polémiques — liés pour la plupart à l'Affaire Dreyfus — sous le titre Imbéciles et gredins. Aujourd'hui encore, ces deux termes suffisent à esquisser une typologie fort acceptable de la classe politique.

dimanche, 23 octobre 2005

Smoking / No smoking

Autrefois, les Craven "A" avaient un bout de liège — "cork tipped", était-il précisé sur le paquet. Les cigarettes Week-end, commercialisées par le SEITA dans les années 60, présentaient la même particularité. "C'est pour ne pas se salir les lèvres", précisait un des clochards du film Porte des Lilas...

Aujourd'hui, comme tout le monde, je m'efforce de renoncer au tabac. L'embout de pseudo-liège ("plain-tipped") se révèle, paraît-il, d'une faible efficacité pour prévenir le cancer du fumeur.

Béotisme 2

France Musique, ce matin. Un musicologue fort savant — ou peut-être un interprète — pontifie et nous assène une explication de texte musicale, illustrations au piano à l'appui. Ce pédantisme satisfait ! Quel ennui pour l'auditeur qui n'a jamais su déchiffrer une partition !
Faut-il, pour goûter Proust, connaître la définition de l'hyperhypotaxe, les règles d'accord du participe passé des verbes pronominaux ? Je pense à Cadou :
"La sémantique ? connais pas !
Je me ris de l'anacoluthe
Dites-moi quels sont ces gravats
Qui dégringolent sur mon luth !"
 
("Le portrait fidèle", in Les Biens de ce monde, 1949-1950)

samedi, 22 octobre 2005

Vocabulaire

Au hasard de la toile, je tombe sur une page d'invectives adressées au "Stalker". Je n'ai pas retenu l'identité du cacographe auteur de ce torchon virtuel, ni cherché à démêler les motifs de sa hargne. Me frappe, en revanche, qu'il puisse reprocher à son adversaire — et en tirer argument à charge — la richesse de son vocabulaire. Que celle-ci amène le clabaudeur à prendre conscience de sa propre indigence lexicale l'autorise-t-il à ricaner de ceux qui possèdent un dictionnaire et savent l'utiliser ? L'ignarerie satisfaite ignore toute vergogne.

Ectoplasme

J'ai cru un moment que Marc-Édourd Nabe existait vraiment !

vendredi, 21 octobre 2005

Scatologie 3

À propos de "l'opacité sémiotique de l'étron" — ou de la légèreté qu'il y aurait à réduire la scatologie à la grosse et grasse plaisanterie :
"L'excrément, tant qu'il est dans le corps, est accepté : il n'est pas séparé de l'unité du microcosme ; isolé, il épouvante et répugne, à cause de l'odeur d'âme dénudée et anonyme qu'il exhale."
(Guido Ceronetti, Le Silence du corps, Poche, 1988)

La bonne peinture

Je crois me rappeler que, dans l'une des nouvelles réunies sous le titre Le Vin de Paris, Marcel Aymé développe l'idée cocasse de tableaux ayant la particularité de rassasier le badaud famélique qui les contemple : des "croûtes" nourrissantes, en quelque sorte.
La réalité, une fois de plus, dépasse la fiction, comme en témoigne une dépêche de l'A.F.P. en date du 17 octobre. Mieux que la peinture nutritive, c'est la peinture laxative que vient en effet de découvrir une chercheuse suédoise de l'université Ersta Sköndal. Pris pour cobaye, un groupe de vieilles dames à l'intestin paresseux, invitées régulièrement à admirer et à commenter des œuvres d'art, a permis de mettre en évidence les effets bienfaisants de l'imprégnation esthétique sur le transit.

Meilleures ventes

Qu'un livre figure sur la liste des "meilleures ventes" du moment semble constituer aujourd'hui un argument publicitaire de poids. L'utilisation de ce type d'argument sophistique — tout aussi inepte que le "Vu à la télé", figurant sur l'emballage de tel coupe-œuf ou telle moulinette universelle — est révélatrice du mépris dans lequel on tient le lecteur — pardon : le client potentiel. Celui-ci est supposé suivre le troupeau, ne pas vouloir être en reste. Le succès commercial, érigé par un tour de passe-passe en critère de qualité, lui désigne le bon choix, lui évite l'erreur et le souci d'avoir à se faire une opinion personnelle. La littérature ou, plus modestement, le plaisir du texte n'ont pas grand-chose à voir là-dedans...
Il y a presque un demi-siècle, déjà, Gombrowicz nous mettait en garde : "C'est sans doute un malentendu complet que de faire entrer l'art authentique dans les catégories du marché, du nombre de lecteurs, de l'offre et de la demande. Il n'y a aucun rapport. L'art de n'est pas de fabriquer des romans minables pour les faire lire ; c'est un commerce spirituel..." (Journal, IX, 1961)
Il faudrait peut-être relire Gombrowicz...

Scatologie 2

Hier, au courrier, le numéro 22 d'Humoresques, daté de juin 2005 et consacré aux "rires scatologiques". L'illustration de couverture, signée Charb, esquisse une typologie fécale d'un mauvais goût réjouissant : ainsi l'étron "crétin" se présente-t-il sous la forme d'un ouvrage de B.-H. L. Pour le reste, beaucoup de ces "commentaires trop savants imprimés en caractères trop petits" (selon l'expression d'Audiberti) et quelques raccourcis axiomatiques à méditer : "... dès que s'impose l'opacité sémiotique de l'étron, le rire du lecteur se fige." (Gilles Bonnet et Lionel Verdier, "Telle merde, tel chien")