vendredi, 23 décembre 2005
Le grand style 10
Calaferte, encore :
"Atterrantes conneries verbales qu'a pu déchaîner chez des personnes apparemment censées cette boucherie dégueulasse que fut la guerre de 1914. (Soldat écrivant à sa fiancée qu'il attend fébrilement l'instant où sera commandé d'attaquer à la baïonnette, pour la France et pour ses mamans ! Que souhaiter à des pareils corniflots, sinon d'en ramasser un bon coup dans le bide.)
Quand on pense que parmi ces excités, il y avait un Péguy — l'esprit dérape."
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"La plus exaspérante liberté"
"Quitte à passer pour un utopiste, il ne faut pas cesser de s’indigner, de protester, de crier haut et fort que le roi est nu. Les cloportes savent d’instinct s’infiltrer dans la moindre faille de l’édifice ; leur objectif étant son effritement, sa ruine, sur laquelle ils triomphent.
Il ne faut pas se lasser de les identifier ni de dire que ce sont des cloportes, non des oiseaux de haut vol, comme leur puissante confrérie tente de le faire accroire à une multitude mal informée.
Voilà qui vaut aussi bien pour les arts que pour la politique — au reste, il est à présent fréquent d’assister à leur amalgame dans une espèce de bouillon de culture qu’on dirait concocté par des diablotins.
La géniale formule de Shakespeare à propos du pourrissement du royaume — bien entendu, il s’agit également du royaume intérieur de chacun de nous — prend en l’occurrence toute sa valeur.
Quant à prétendre que le sens de l’Histoire nous conduit irrésistiblement vers les dominations de la masse, voilà qui ne sera démontré que dans le siècle à venir. Nous sommes dans un système où l’équilibre ne perd que passagèrement ses droits, ce dont il convient de se souvenir, car, quoi qu’il advienne, un homme en vaudra toujours trente mille."
22:07 Publié dans Mes inscriptions | Lien permanent | Commentaires (0)
jeudi, 22 décembre 2005
Vocabolario
Camauro [ca-màu-ro] — Dal lat. mediev. camauru(m), di orig. incerta.
Selon La Croix du 21 décembre, le pape Benoît XVI a remis à l'honneur le port du "camauro", délaissé par les successeurs de Jean XXIII. Il ne manque plus au souverain pontife que la hotte et le traîneau pour concurrencer sur son propre terrain un bonhomme Noël pas très... catholique !
16:11 Publié dans Mes inscriptions | Lien permanent | Commentaires (6)
mardi, 20 décembre 2005
Petite anthologie portative 17
"— Tu aimes qui ?
— Les bites."
(Louis Calaferte, La Mécanique des femmes, Gallimard, 1992)
22:58 Publié dans Mes inscriptions | Lien permanent | Commentaires (2)
Mécomptes du lundi
Lu très rapidement Catherine, de Pierre Bergounioux. Déprimant, poisseux, une impression de malaise presque physique. Quelques écrivains laissent ainsi une vague nausée, un mauvais goût dans la bouche : Jouhandeau, Luc Dietrich... Leur style a des relents de vase et de cendre.
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dimanche, 18 décembre 2005
Blogorrhée 4
"Personne n'intéresse personne. On fait semblant. Chacun parle de soi. On écoute les autres pour pouvoir leur parler de soi. Mais au fond on s'en fout."
(Georges Hyvernaud, La Peau et les os)
Merci à L.S. Sans son récent commentaire, je n'aurais certainement pas relu Hyvernaud en cette grise après-midi dominicale.
22:30 Publié dans Mes inscriptions | Lien permanent | Commentaires (5)
La littérature à petit bruit
François Bott, lui-même "échanson" ou "vivandier" des lettres, a consacré une belle série de portraits à ces écrivains "notoirement méconnus" — selon la formule désormais usée de Vialatte —, dont les œuvres sont le plus souvent absentes des catalogues des grands éditeurs et des rayons des librairies : André Beucler, Louis Brauquier, Olivier Frébourg, André-Pierre Roché, Léon Werth... Et à d'autres, un peu moins secrets : Emmanuel Bove, André Hardellet, Jean-René Huguenin, Jean Prévost... Un ouvrage à ranger à côté de l'Histoire de la littérature française de Kléber Haedens. Cela s'appelle La Planète des sentiments (Le Cherche Midi éd., 1998). Je l'ai trouvé — et ce n'est sans doute pas un hasard... dans une solderie !
21:06 Publié dans Mes inscriptions | Lien permanent | Commentaires (0)
samedi, 17 décembre 2005
Révérence parler
La zédille de politesse
Fopas condise queul paralloïdre cètun langorge grassier de malocru.
Oci, poréviter l’incongruite des motriviaux è des syllaboscènes, dans la grammare martélique issusage la zédille de politèse.
Esemple :
— En Borgogne ilya des souffloçuls ;
— Les chinges izont le çulpelé ;
— Jeun suisouvert l’avançuisse en çulbutant surun çul de boutaille;
— La Mièvre apour capolieu Maçon ;
— Le çonçombre è dune digeste diffiçultueuse ;
— Le versassoye ifile son çonçon porqueu les beldames elzaient des bobas ;
— La gourge cètun çuçurbitassé ;
— Méphistophel ilè çonçupissant.
Cépor les gendistingues queul paralloïdre idiça.
(André Martel, in Cheval d'attaque, n° 10-11-12, 1974)
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vendredi, 16 décembre 2005
Puissance des mouches
Près de la moitié du livre est consacrée à une douloureuse fugue pascalienne sur l'humiliant ravalement à l'animalité à quoi nous condamne l'urgence d'une défécation inopinée : "Je m'étais senti vraiment misérable. Moins que rien. Le dernier des parias. Dépouillé de toute dignité. Brusquement, plus rien n'avait d'importance, d'intérêt. C'était la démission totale devant l'orage de merde déferlant..." En contrepoint, de chapitre en chapitre, la succession des épigraphes stercoraires renvoie à l'histoire familiale, à l'univers du Lager, dans lequel l'omniprésence de la merde et de la souillure s'inscrivent dans un processus concerté de déshumanisation. Rien ici de Rabelaisien. Contrairement à ce qu'affirmait le père Ubu, la "merdre" est mauvaise, la chiasse tragique se mue en métaphore du mal débondant dans le monde... Autre jeu d'isotopies, vers la fin du livre : étant posé que la diarrhée peut être une manifestation du choléra, "la police, l'esprit policier, c'est une maladie épidémique s'apparentant au choléra. Reste la peste." La place, décidément, n'est pas près d'être propre.
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jeudi, 15 décembre 2005
Que lirons-nous par ces desers ?
Évidemment, quand je dis "plus rien à lire", je ne prends pas en compte les livres qu'on ne peut que feuilleter, pour la centième fois, à la billebaude : fragments, aphorismes, journaux, poèmes... Sur ma table de non-travail : Le Gai Savoir, Journal des signes, de Cristóbal Serra, les Mémoires du cardinal de Retz, Exister de Follain ou la Correspondance de Debussy. Livres où l'on picore avec bonheur, sans véritablement s'y oublier...
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