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jeudi, 20 octobre 2005

Petite anthologie portative 10

LETTRES, LIGNES

 

Mériterait une mort paisible
tout scribe qui dans la nuit
prend plume et se penche sur le papier.

 

(Janos Pilinszky, Même dans l'obscurité, trad. Lorand Gaspar et Sarah Clair, Gallimard, 1982)

Prophylaxie

Alors que la grippe aviaire menace l'Europe, on méditera ce conseil dicté par le bon sens :
"Nous répéterons, à propos de l'espèce galline, ce que nous avons dit ailleurs pour les pigeons, savoir : que le plus souvent il est préférable de tuer et manger ou vendre l'animal que l'on soupçonne de maladie..."
(A. Gobin, Traité des oiseaux de basse-cour, d'agrément et de produit, Audot, ca 1890)

mercredi, 19 octobre 2005

Colère de la souris

Dans les Aventures d'Alice au pays des Merveilles, la souris se fâche pour une question d'homophonie — un malentendu, au sens littéral du terme... Montaigne l'avait déjà fait observer : "La plupart des occasions des troubles du monde sont Grammairiennes." (Essais, II, 12) — et avant lui Confucius : "Si les noms ne sont pas ajustés, le langage n'est pas adéquat. Si le langage n'est pas adéquat, les choses ne peuvent être menées à bien." (Confucius, Entretiens du Maître avec ses disciples, XIII, 3, Mille et une Nuits, 1997)
Ainsi, les imperfections et les ambiguïtés de notre langage nous conduisent, pour notre malheur et pour notre plaisir, à discuter à tout propos, à perte de vue...

Un avis autorisé 5

"Il faut lire le mauvais et le sublime, pas de médiocre."
(G. Flaubert, lettre à Louise Colet, 2 mai 1852) 

Contre les Poètes

"Pourquoi enfin n'y a-t-il rien de pire, en fait de style, ni rien de plus ridicule, que la manière dont les Poètes parlent d'eux-mêmes et de leur poésie ?"

(W. Gombrowicz, Contre les Poètes, éd. Complexe, 1988)

Toute ressemblance desdits poètes avec des bloggeurs existant ou ayant existé, etc.

mardi, 18 octobre 2005

Météo 7

Chronique de La Montagne du 18 octobre 1970, consacrée au Général de l'armée morte. Vialatte conclut :
"L'histoire de l'homme est une histoire de pluie ; qui bat du tambour dans sa tête.
Et c'est ainsi qu'Allah est grand."

La cognizione del dolore 4

"Les pansements, les onguents, les coups de lancette dans les abcès, tout cela va son train, je souffre toujours plus, mais on me dit toujours que je vais souffrir moins, et je m'y laisse toujours attraper. C'est une bonne chose que la bêtise, sans elle le genre humain périrait par un suicide général..."
 
(Lettre du chevalier de Boufflers à madame de Sabran , 1787)

Polars 2

Ce qui frappe dans le "polar" : l'importance accordée aux notations et aux codes vestimentaires, aux nourritures et aux préparations culinaires, aux goûts musicaux de tel ou tel personnage.
Ainsi, chez John Harvey :
 
"Quant à Resnick, ses propres costumes avaient été faits sur mesure par un oncle tailleur, selon des modèles jugés élégants à Cracovie vers 1939 : veste croisée, aux revers larges, et coupés, fort heureusement, de façon généreuse ; au cours des années, leur style avait retrouvé, puis reperdu, les faveurs de la mode d'innombrables fois. Celui qu'il portait aujourd'hui était encore passable, si ce n'était cette tache indélébile de goulasch au paprika et la présence d'une épingle de nourrice qui empêchait — de justesse — la doublure rayée de tomber plus bas que le poignet de la veste."
"Il y avait de la soupe à l"aneth et au concombre dans le freezer, et ils la mangèrent avec du pain de seigle que Resnick avait acheté en sortant de chez Aldo. Ensuite, une salade composée assaisonnée au miel et à l'huile d'olive, un morceau de Wensleydale comme fromage, et des parts modestes de tarte aux prunes."
"Quand, pas tellement plus tard, Resnick monta se coucher, il laissa la chaîne allumée, Lester en pleine gloire et au mieux de sa forme lançant sur son saxophone des notes légères au rythme sinueux qui le suivirent jusqu'en haut de l'escalier : I Never Knew, If Dreams Came True, I've found a New Baby, The World Is Mad, première et deuxième partie."
 
(J. Harvey, Eau Dormante, Rivages/Noir, 2003)

lundi, 17 octobre 2005

La cognizione del dolore 3

Demain, clinique. Je pense à ce poème de Boris Vian :

"J'ai mal à ma rapière
Mais je l'dirai jamais
J'ai mal à mon bédane
Mais je l'dirai jamais
J'ai mal à mes cardans
J'ai mal à mes graisseurs
J'ai mal à ma sacoche
Mais je l'dirai jamais, là
Mais je l'dirai jamais."

 

On est ici dans le registre de la prétérition. Le seul possible.

Le grand style 5

"Il vient de m'arriver un petit accident. J'étais allé me promener autour d'une grande pièce d'eau sur laquelle il y a des cygnes. Ces oiseaux sont si jaloux de leur domaine, qu'aussitôt qu'on en approche ils viennent à vous au grand vol. Je m'amusais à les exercer, et quand ils étaient arrivés à un des bouts de leur empire, aussitôt je leur apparaissais à l'autre. Pour cet effet il fallait que je courusse de toute ma vitesse. Ainsi faisais-je, lorsque je rencontrai devant un de mes pieds une barre de fer qui servait de clef à ces ouvertures qu'on pratique dans le voisinage des eaux renfermées et qu'on appelle des regards. Le choc a été si violent que l'angle de la barre a coupé en deux ou peu s'en faut, la boucle de mon soulier ; j'ai eu le cou-de-pied entamé et presque tout meurtri. Cela ne m'a pas empêché de plaisanter sur ma chute qui me tient en pantoufle, la jambe étendue sur un tabouret."
(Diderot, lettre à Sophie Volland du 17 septembre 1760)
Tout ici nous séduit : la facilité de l'épistolier, l'aisance du conteur, la simplicité de l'homme et cette aptitude rare à l'auto-dérision. De tous les "Philosophes", celui qui suscite le plus de sympathie et qu'on relit avec un réel bonheur...