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lundi, 20 février 2006

La cognizione del dolore 6

Ce matin, clinique.

Pendant que l'on m'instille dans les veines d'obscurs poisons réputés salutaires, je lis La Mort du vin, de Raymond Dumay (Stock, 1976, rééd. La Table Ronde — "La Petite Vermillon", 2006). J’ai un peu de mal à partager l’enthousiasme de Jean-Claude Pirotte, qui préface cette réédition. Plus que les thèses de Dumay sur l’histoire de la vigne et du vin, les considérations politico-économiques renvoyant à l’allégorisme étiologique d’une triade Arès-Dionysos-Ploutos, trop systématiques pour être parfaitement convaincantes, c’est le style qui me dérange. je n’aime guère que la truculence s’autorise des raccourcis péremptoires, se fasse pontifiante ou, à l’inverse, se dégrade en facilités de chansonnier. Comme dans cette péroraison qui clôt le deuxième chapitre :

"En 1917, le général pershing mit le pied sur le territoire français à la tête d’un petit commando d’agriculteurs : "La fayette, nous voilà! dit-il. Nous venons chercher les cépages." Le 6 juin 1944, Eisenhower abordait les côtes de la Manche, d’où le vin français partit jadis à l’assaut de l’Angleterre. "C’est encore nous, dit-il. Il nous faudrait aussi les clients !""
En revanche, on souscrit sans réserve aux propos de Dumay lorsqu’il nous met en garde contre les ennemis du vin, "ceux qui se reconnaissent comme tels, ceux dont les pattes d’ours sont pavées de bonnes intentions : morale, hygiène…" "Pour peu qu’ils réussissent à mettre Dieu de leur côté, leurs ravages ne se comptent plus."

dimanche, 19 février 2006

Dimanche à la campagne

Lointain intérieur :

Jarrettes et Jarnetons s'avançaient sur la route débonnaire.
Darvises et Potamons folâtraient dans les champs.
Une de parmegarde, une de tarmouise, une vieille paricaridelle ramiellée et foruse se hâtait vers la ville.
Garinettes et Farfalouves devisaient allégrement

Extérieur proche :

Une famille de cons passe dans la rue ;
Grands-parents, poussette et chien-chien.

Cynégétique 8

Chez Vaneigem, encore, à propos des chasseurs, "dont l'existence est un affront à la beauté du paysage" :
"Ce qui me répugne chez le chasseur — je ne parle pas ici du solitaire qui prend le fusil pour s'offrir un lièvre en dégustation —, c'est moins son côté militaire et prédateur que cette inversion du désir qui l'incite à rechercher l'excitation sexuelle en tuant, en détruisant la vie, au lieu de la propager et de s'en émerveiller. C'est son goût de la mort." (Le Chevalier, la Dame, le Diable et la mort, p. 73)
Mais y a-t-il encore de ces solitaires ne rêvant que d'un honorable civet ? Guère plus que de lièvres, on peut le craindre ! 

Vocabulaire 4

En feuilletant Le Chevalier, la Dame, le Diable et la mort, de Raoul Vaneigem, je relève cette phrase : "Que de pesantes arguties, que de cavillations dans l'étirement kilométrique des volumes consacrés à Dieu, au platonisme, à l'aristotélisme, au marxisme, au biologisme, au psychologisme, au scientisme, aux mécanismes de l'univers !" (Folio, 2005, p. 154)
Le dictionnaire de l'Académie (édition de 1762) nous confirme que le mot cavillation "n'a guère d'usage dans le discours ordinaire" et le glose en ces termes : "sophisme, raisonnement captieux, fausse subtilité".
On voit que Vaneigem, dont la sensibilité, l'intelligence et le style procurent au lecteur un bonheur constant, ne manque ni de verve ni de vocabulaire. Rien d'étonnant à ce qu'il se réfère aussi fréquemment à Rabelais et le cite toujours fort à propos.

vendredi, 17 février 2006

Dans une cabine téléphonique, après la fin du monde...

Je termine La Possibilité d’une île. il me semble toujours préférable d’attendre, pour lire les romans à succès — surtout lorsque ce succès est de scandale — que le tumulte qu’a suscité leur parution soit un peu retombé. Les articles que j’avais parcourus au moment de la sortie du livre me paraissent, avec le recul, parfaitement creux et bavards, leurs auteurs s’étant le plus souvent contentés de relever quelques "petites phrases" provocatrices ou vachardes, sans jamais s’interroger sur la valeur littéraire du texte.

Ce qui me frappe aujourd’hui, ce sont les côtés — ou les à-côtés — balzaciens de Houellebecq — son regard sur la compétition sociale, son pseudo-scientisme assaisonné d’illuminisme, ses maladresses emphatiques, ses fautes : "Ce n’est que bien plus tard, à l’issue de plusieurs conversations avec lui, après que je lui eusse longtemps expliqué l’apaisement réel mais faible, la sensation de lucidité partielle que m’apportait cette narration, qu’il eut l’idée de demander à tous les aspirants à l’immortalité de se livrer à l’exercice du récit de vie, et de le faire de manière aussi exhaustive que possible ; mon propre projet, par contrecoup, en subit l’empreinte, et en devint nettement plus autobiographique." (p. 347-348)

jeudi, 16 février 2006

Météo 12

Temps incertain, venteux ; brèves giboulées de nielle — "petite pluie froide qui tombe en menus grêlons", selon le dictionnaire de Trévoux.
"C’est par l’effet d’une ancienne appartenance animale que les gens ont tant de conversations au sujet de la météorologie et du climat, par l’effet d’un souvenir primitif, inscrit dans les organes des sens, et relié aux conditions de survie à l’époque préhistorique. Ces dialogues balisés, convenus, sont cependant toujours le signe d’un enjeu réel : alors même que nous vivons en appartement, dans des conditions de stabilité thermique garanties par une technologie fiable et bien rodée, il nous reste impossible de nous défaire de cet atavisme animal."
(Michel Houellebecq, La Possibilité d'une île)

mercredi, 15 février 2006

Pour les nuls

Interviewé ce matin sur Europe 1, un monsieur Julaud, auteur de La Littérature pour les nuls, nous apprend que Voiture était "un poète du XVIIIe siècle". On veut bien croire que le parachronisme n'est imputable qu'à un lapsus malencontreux, toutefois la suite de l'entretien laisse craindre le pire : le chapitre dans lequel il est question de "maître Vincent" est fort spirituellement intitulé "L"amour en Voiture" ! Il est peu vraisemblable, pourtant, que M. Julaud — qui n'a retenu de Balzac que la robe de chambre et le café — ait lu le marquis de Bièvre ou Commerson, qui auraient pu lui fournir d'aussi consternantes astuces

lundi, 13 février 2006

Excuses

À propos de l'affaire des caricatures : en tapant le mot clef excuses sur la page de Google News France, on obtient quelque 1790 réponses.

Par on ne sait quelle association d'idées saugrenue, je ne peux m'empêcher de penser à Marie-Antoinette marchant sur le pied du bourreau : "Pardon, monsieur, je ne l'ai pas fait exprès." 

dimanche, 12 février 2006

Griche-dents

Sur le site de Libération, sous le titre "Les politiques font discrètement appel à la chirurgie esthétique", on nous apprend, entre autres révélations palpitantes, que "l'été dernier, Ségolène Royal a fait modifier sa dentition en l'espace de quelques semaines". On suppose que le folliculaire a voulu parler de la denture de la dame. Littré nous le rappelle : "C'est une faute de dire une belle dentition pour une belle denture". Quoi qu'il en soit, on peut s'interroger sur le succès de l'opération : l'intéressée a toujours les dents bien longues et il paraît qu'on l'aurait vue dernièrement rire jaune. À Arras.

samedi, 11 février 2006

Obtusion

Je termine la lecture des Hommes jaunes, d'Urs Widmer (10/18, 2006) et je reste perplexe : soit je n'ai rien compris (ce qui, après tout, est fort possible), soit le rédacteur de la quatrième de couverture n'a pas lu le livre (ce qui n'est pas impossible non plus). À quoi comparer cela ? On peut évoquer Bruno Schulz, Gombrowicz ou même Paul Auster... On n'en est guère plus avancé.