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vendredi, 19 mai 2006

Black and White

À la terrasse de "La Taverne créole" :
un grand noir commande une blanche.
"Bien f'aîche", précise-t-il.

Courir les rues

À Lille : grève de la faim des salariés d'ESTERRA. On pense à Queneau : "Les boueux sont en grève", naturellement, quoique le texte de certaines banderoles fasse penser plutôt à "Vaugelas bouquiniste". Ainsi :
"STOP a L'héMORRAGIE des acquis Par des NÉGOCIATIONS Préarrangé"
La plupart des occasions des troubles du monde, etc.

lundi, 15 mai 2006

Les grandes lectures

Extrait d'une étude consacrée à quelques "classiques du XXe siècle" [sic] :
"Pour comprendre et aimer l'œuvre de Roger Bésus, il faut la lire entière, à la file, sans perdre souffle, de manière à se bien imprégner de l'atmosphère très particulière dans laquelle il baigne."

(Pierre Cogny, Sept romanciers au-delà du roman, Nizet, 1963)

Les autres auteurs présentés dans cette laborieuse monographie sont André Billy, Hervé Bazin, Luc Estang, Roger Ikor, Armand Lanoux et Paul-André Lesort. Classiques ? Vous avez dit classiques ?

dimanche, 14 mai 2006

"Le portrait du Maréchal n'a jamais figuré chez moi qu'aux cabinets"

Trouvé cette semaine, chez un bouquiniste du marché de Wazemmes, Mon journal depuis la libération, de Galtier-Boissière (La jeune Parque, 1945). Comme tous les moralistes, le fondateur du Crapouillot est raisonnablement pessimiste, ironique, désinvolte et amer. Capable de dire avec émotion et pudeur son admiration pour Jean Prévost, son amitié pour Desnos — dont il évoque la mort en termes d’une poignante simplicité —, il sait aussi se montrer cinglant avec les imposteurs de tout acabit :
"Qui donc lancera la première pomme cuite sur la face de M. Aragon qui dit ses fables et distribue ses prospectus, hissé sur un tréteau de cadavres ?"
Un esprit véritablement libre, qui, tout en refusant le prêt-à-penser ou le conformisme bêlant, ne recherche ni le scandale, ni l’originalité à tout prix. Espèce aujourd’hui en voie de disparition.

Le vain travail de voir divers pays

Les W., qui ont du temps et — à défaut de dromadaires — une confortable retraite, courent le monde et l’admirent. Ils envoient à leurs amis, purotins sédentaires, des cartes postales en couleurs du Grand Canyon ou de Rio de Janeiro.
W., retour de Chine, livre ses impressions d’Asie : "Ben, y’en a, du monde !"

Pour ma part, moi qui pâlis au nom de Vancouver, faisant de nécessité vertu, je photographie avec un enthousiasme médiocre les champs de colza du pays d'Othe ou les croix de pierre du Bourbonnais.

dimanche, 07 mai 2006

Animal on est mal

Entendu ces jours-ci à la radio : la réintroduction d'ours dans les Pyrénées porterait atteinte "à la vie privée des bergers". Sic ! Je l'ai déjà dit ? Oui, mais c'est parce que je l'avais déjà entendu... Non seulement on profère des âneries, mais on s'en gargarise. Il est vrai que l'exemple vient de haut...

Les "anti-ours" auraient, paraît-il, disséminé dans la nature, la semaine dernière, des pots contenant du miel et du verre brisé. Cela rappelle très vaguement la méthode qu'emploient les Esquimaux pour piéger les ours blancs. Que je ne vous indiquerai pas : certains seraient capables d'essayer avec le rottweiler du voisin. 

Une pensée de Cioran, sur laquelle je suis tombé tout à l'heure, par hasard : "La disparition des animaux est un fait d'une gravité sans précédent. Leur bourreau a envahi le paysage ; il n'y a plus de place que pour lui..." (Le Mauvais Démiurge).
Comme toujours, Cioran est pessimiste : il y a tout de même les chevreuils et les sangliers, dont la population est "gérée" par les chasseurs, ces vrais amis de la nature.

L'art du bonheur 2

Bonnard, Denis, Vuillard : "Le bonheur de contempler un bonheur". La formule est de Kundera, dans les Testaments trahis. Un des tableaux que j'ai préférés : "La Tarte aux cerises", avec les jeux de la lumière rose sous les feuillages et les yeux jaunes du chien convoitant la part qui reste au fond du plat. Était-ce ce chien-là que Bonnard avait baptisé "Ubu" ?

samedi, 06 mai 2006

Chacun sa madeleine

"Mon seau, qu'est-ce que ça puait dedans quand j'enlevais le couvercle pour le vider, c'était un seau blanc en émail avec une bordure bleue sur le couvercle, pour le porter il y avait une anse en fer avec une petite poignée en bois, tiens même aujourd'hui je ressens encore cette poignée dans ma main comme une expérience de mémoire involontaire..."
(Raymond Federman, La Fourrure de ma tante Rachel, éditions Al Dante, 2003)

"Gaudet in effossis habitare cuniculus antris"

À l’entrée de cette bourgade bourbonnaise, non loin de l’autoroute A 71, il y a un vaste rond-point gazonné que rien, pendant la journée, ne distingue des carrefours giratoires qu’on voit un peu partout. Mais, à la nuit tombée, tout un peuple de lapins, qui a établi là ses souterrains séjours, y broute, y trotte, y fait tous ses tours, indifférent au carrousel des automobiles et au fracas des poids-lourds. Tous ces lapins qui pullulent, vivent et meurent sur cet îlot de quelques mètres carrés, cernés par le béton et le bitume, ont un destin ballardien. Un littérateur pas trop maladroit en ferait un conte philosophique.

L'art du bonheur

Avant-hier, visite de l’exposition Bonnard au musée d’Art moderne.

Le charme de cette peinture est tel qu’on a vite oublié l’attente à l’entrée, le brouhaha des groupes — retraités ou potaches — agglutinés autour de leur cicerone, les commentaires ineptes ou superfétatoires proférés à voix haute, d’un ton sentencieux. Une peinture heureuse et lumineuse, un art du bonheur, du carpe diem — au sens littéral de l’expression —, de l’intime et du familier. dans cette apparente insouciance, un peu de mélancolie, forcément, et, pour le spectateur, une vague incomplétude, le sentiment confus que ce bonheur révolu n’a jamais été pour lui. On est ému et l’on se sent indiscret, comme lorsqu’on pénètre dans la chambre de parents disparus ou qu’on regarde de vieilles photographies… Ce bonheur-là s’est enfui, mais il nous reste un peu de lumière et de couleur ; comme aux doigts cette poudre irisée, après qu’on a pris dans sa main un papillon mort…

Avant de quitter la grand-ville, passage chez Mona Lisait, rue Saint-Martin, dont le sous-sol recèle toujours de petites merveilles. Il y a là à peu près tous les titres de raymond Federman, que je cherche en vain depuis des mois dans les rayons des FNAC, Furet et autres bazars qui débitent du livre au quintal ("Raymond comment, vous dites ? Comment ça s’écrit ? Vous pouvez me donner un titre ? Ah ! non, on n’a pas ça. Il faut le commander"). J’achète encore un recueil de Vittorio Sereni dans la belle collection "Terra d’altri" de chez Verdier, Les Cigognes d’Aquilée, de Bence Szabolcsi — pour le titre et le nom de l’auteur — et de très minces Prolégomènes à un système politique prochain, de Jean Demélier. Pour la couleur mauve de la couverture.