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mardi, 11 septembre 2007

Rassotez mastins

De tous les prétendus spécialistes de l’œuvre de Rabelais — à qui nous devons chaque année des douzaines d’exégèses et de commentaires nouveaux —, combien eussent été admis à franchir les portes de Thélème ?

mercredi, 05 septembre 2007

"Pourquoi tant s’émerveiller du chameau ?"

J'ai reçu ces jours-ci la volumineuse Anthologie des humanistes européens de La Renaissance, que Jean-Claude Margolin vient de publier en "Folio classique". On devine que cette compilation érudite a dû demander des heures de travail et d’innombrables lectures ; on mesure également, en feuilletant cette somme, l’étendue de notre ignorance, les limites de notre culture. Que savons-nous d’Elio Antonio de Nebrija, de Willibald Pirckheimer, de Beatus Rhenanus, de tant d’autres dont les noms nous sont un peu plus familiers — Castiglione, Cardan ou Mercator ? À peu près rien, ou tout juste de quoi n’être pas complètement ridicule à "Questions pour un champion"… L’intérêt de cette anthologie est de nous faire découvrir un grand nombre d’auteurs ignorés ou méconnus à travers quelques très brefs extraits : cela se parcourt sans ennui, avec un bonheur constant. On y apprend mille choses admirables : que « le figuier sauvage posé au cou des taureaux sauvages tempère leurs pulsions sexuelles » ou que « le chameau saute au son de la trompette »...
Autre lecture, non moins instructive que réjouissante, les Aventures d’un gourmand vagabond de Jim Harrison, dont la truculence et la verve m’enchantent. Verve parfois brutale, qui pourra choquer ceux qui ont le goût délicat : Harrison n’a-t-il pas déclaré un jour, comme il le rappelle avec un soupçon de vergogne, qu’il était "devenu écrivain pour éviter de chier par la bouche comme un politicien" ? On imagine mal le personnage collant aux basques d'un candidat pour écrire une "chronique littéraire" de sa campagne !

vendredi, 31 août 2007

J'aime pas les autres

Il arrive que l’insupportable Pierre Assouline parle d’un bon livre ou d’un auteur rare. Même si ce n’est pour lui qu’une façon passablement hypocrite de se faire mousser, soyons-lui reconnaissants de rendre hommage parfois à des talents trop discrets. Ainsi, dans sa note du 28 août dernier, fait-il l’éloge de l’excellent Jacques A. Bertrand, écrivain qu’on pourrait qualifier de "notoirement méconnu", selon la formule galvaudée de Vialatte — et d’ailleurs assez proche de celui-ci par l’esprit, sinon par le style. Bon point donc pour Assouline, dont nous feindrons oublier un moment la bavarde suffisance… En revanche, force est de constater que les innombrables commentaires déposés sur son blog sont toujours d’une aussi vertigineuse imbécillité.

mercredi, 29 août 2007

Petite anthologie portative 41

"Défense.
Un mur plus très jeune. En lettres noires, avec pleins et déliés : Défense d'afficher. Loi du 29 juillet 1881.
Sous juillet, une main écolière a tracé avec un clou : Le cul de Josyane P.
Dans un cœur."
 
(André Hardellet, "Répertoire" in Les Chasseurs, Livre de poche, 1977)

Autofiction

Titre dans La Montagne : "Charles Dantzig livre un roman sur l'ambition et l'imposture".
Toute ressemblance, etc., etc.

lundi, 27 août 2007

Actualité littéraire 2

Dans les pages littéraires du Figaro, il y a quelques jours, on présentait L’aube le soir ou la nuit, de Yasmina Reza, comme "l’événement de la rentrée éditoriale". Pourquoi pas événement ou rentrée littéraire ? Ce n’est pas que l’auteur de l’article ait voulu manifester la moindre réserve quant à la valeur du livre : c’est simplement qu’il avait déjà utilisé l’épithète dans la même phrase pour qualifier cette "chronique de la campagne présidentielle". "Chronique littéraire", donc. Scrupule stylistique qui dénote le sérieux de la recension.

Marie Darrieussecq change de registre animalier. Après le succès de ses Truismes, elle poursuit, depuis quelque temps semble-t-il, dans la veine de la singerie (Littré : "Imitation gauche ou ridicule"). D’autres récrivent les faits divers… C’est peut-être mieux que de pomper sur ses petites camarades, mais on peut tout de même préférer Félix Fénéon à Mazarine Pingeot. C’est un peu, disons, comme Eric Satie et Richard Clayderman.

Pour finir, cette nuit, cauchemar à tiroirs : on voyait dans un magazine deux photos d’Amélie Nothomb montrant l’évolution de sa maladie. Elle présentait toutes les manifestations du syndrome de Protée — ou de la neurofibromatose de type I. Horrible.

samedi, 25 août 2007

Principe de précaution

Vaguement enchifrené, je consulte la notice d’un médicament pour pulvérisations nasales (indications : "nez bouché", "rhume de l’adulte"). La liste de possibles "effets non souhaités et gênants" (formulation à l'évidence euphémique) ne laisse pas de m’inquiéter :

"Effets locaux : Saignements de nez, irritation de la gorge, sensations de brûlure nasale, d’éternuements, de sécheresse de la muqueuse du nez ; manifestations allergiques locales, troubles du goût et de l’odorat, candidose nasale.
Effets généraux : Maux de tête ; palpitations, poussée d’hypertension artérielle, sueurs, troubles du comportement, nausées, vomissements ; crise de glaucome aigu.
Peuvent également survenir : troubles urinaires, sécheresse de la bouche, convulsions, hallucinations, agitation, anxiété, insomnie. Exceptionnellement : accidents vasculaires cérébraux, risque de gêne respiratoire…"

Tout compte fait, je crois que je vais garder mon rhume.

Ton corps est à toi

Déniché avant l’été au marché de Wazemmes, sur l’étal d’un bouquiniste, puis oublié dans un coin : Ton corps est à toi, de Victor Margueritte (Paris, Flammarion, Select-Collection, 1947). J’aurais sans doute oublié définitivement, parmi d’autres volumes dépenaillés jetés au fond d’un placard, ce roman que je ne lirai jamais, si je n’avais entendu à la radio une "auditrice en ligne" — "enseignante, professeure des écoles", précisait-elle — déclarer employer à peu près la même formule pour mettre en garde ses petits élèves contre toute velléité de caresses de la part d’un adulte. Révulsée, la dame, à l’idée qu’on puisse seulement oser passer la main dans les cheveux d’un bambin... Le moins paradoxal, en apparence, n’est pas que ces nouveaux puritains soient les premiers à s’insurger dès qu’il est question d’enfermer les délinquants sexuels ou de les contraindre à un traitement. Mais au fond, cela procède de la même pétition de principe : leur corps leur appartient.

vendredi, 24 août 2007

Petite anthologie portative 40

Le corps cassé
toujours vivant
je traverse l'été

 

(Sumitaku Kenshin, in Anthologie du poème court japonais, Poésie/Gallimard, 2002)

Inter artes et naturam

Pancartes au bord des départementales, à l’entrée des villages perdus au fin fond de nos campagnes : vide-greniers, marchés de pays, fêtes patronales, journées médiévales, battages à l’ancienne, expositions artistiques, salons du livre… Ce ne sont que manifestations festives et culturelles, où tout se confond dans la même vulgarité désœuvrée, la médiocrité, l’ennui tapageur. Indifférence et indifférenciation. Le même public hante les barbecues géants, les concours de pétanque ou les "enduro-carpe", applaudit le "sosie de Patrick Bruel", admire les plats d’épinards des peintres du dimanche, se fait dédicacer les mémoires de Raymond Poulidor. C’est le goût des autres, et vous finissez par y venir : ce n’est pas forcément pire que ce que vous offrent les rubriques spectacles ou sorties des magazines à prétentions intellectuelles.