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dimanche, 17 janvier 2010

Dimanche soir

Le clou de girofle dominical est plutôt insipide en ces mois d'hiver. Je bois, avant d'aller dîner, un picon-bière mélancolique — une virgule omise et voilà une hypallage — en écoutant un vieux Coltrane. Elvin Jones se déchaîne, autistique, tandis que The Inch Worm se convulse, interminablement...

jeudi, 14 janvier 2010

"Vimeres, injures et calamitez"

À Haïti, un tremblement de terre fait quelque cent mille morts.
À Saint-Tampion-le-Machin — où il a neigé, comme un peu partout ces derniers jours —, les habitants se plaignent que les cantonniers n'aient pas dégagé les trottoirs.
On a les catastrophes qu'on peut.

dimanche, 10 janvier 2010

La pipe à papa

En notre époque de tartuferie hygiéniste et de pornographie glabre, le "Condamné à mort" de Genet apparaît comme le comble de l'immoralité. Il est sans doute moins choquant d'écrire aujourd'hui

Mordille tendrement le paf qui bat ta joue,
Baise ma queue enflée, enfonce dans ton cou
Le paquet de ma bite avalé d’un seul coup

que de "parler d'amour" et de "fumer des gitanes".

jeudi, 07 janvier 2010

Alexipharmaque

Je viens de lire, quasiment d'une traite, les quelque 930 pages des Disparus, de Daniel Mendelsohn (Flammarion, 2007) — somme impressionnante, à la fois très "américaine" dans son écriture (j'entends par là désinvolte, "journalistique" à la façon de Truman Capote, familière, jusque dans l'évocation de l'intime) et très "intellectuelle", très littéraire finalement, comme le laissent pressentir le "sunt lacrimæ rerum" de la dédicace initiale et l'épigraphe de la première partie : "Quand nous avons dépassé un certain âge, l'âme de l'enfant que nous fûmes et l'âme des morts dont nous sommes sortis viennent nous jeter à poignées leurs richesses et leurs mauvais sorts..." Virgile et Proust. La connaissance de la douleur et la recherche du temps perdu. La quête de ces disparus, de leurs traces dans l'espace et dans le temps est scandée par les références aux parashiyot de la Genèse, dont les problèmes d'interprétation renvoient aux interrogations multiples qui traversent le livre, livre composite, foisonnant, illustré de photographies, qui, comme chez Sebald, offrent au lecteur une sorte de contrepoint visuel, délibérément lacunaire... Un livre qui peut, lorsqu'on feuillette parallèlement Céline, faire office de contrepoison ou, comme on disait dans l'ancienne médecine, d'alexipharmaque — "remède qui expulse du corps les principes morbifiques ou qui prévient l'effet des poisons pris à l'intérieur". Un livre qui m'amène en outre à réviser mon jugement d'humeur sur les prix littéraires : Les Disparus a obtenu le prix Médicis étranger en 2007. Il arrive que certaines récompenses soient méritées.

dimanche, 03 janvier 2010

"Tu veux faire ici l'arboriste..."

On peut reprocher beaucoup de choses aux universitaires : leur suffisance, leur cuistrerie, l'incroyable myopie du regard qu'ils portent occasionnellement sur le monde dans lequel ils vivent... Mais, du moins, dans le champ souvent fort exigu de leur spécialité, savent-ils à peu près de quoi ils parlent. Pourquoi le Nouvel Observateur — qui consacre, de manière assez saugrenue, dans son avant-dernier numéro, tout un dossier à la Renaissance — n'a-t-il pas fait appel aux "maistres du mestier" pour présenter Érasme, Calvin ou Rabelais au grand public ? Ces gens-là savent aussi, parfois, faire de la vulgarisation intelligente, et cela nous aurait évité banalités, platitudes, âneries et paraphrases en tout genre. On peut craindre qu'un journaliste qui parle de "l'extrémité contondante" d'une fourchette ne soit pas un guide très fiable pour nous introduire à la lecture de Montaigne, promu pour la circonstance "inventeur [...] de l'autofiction" !
"Un artisan tesmoigne bien mieulx sa bestise en une riche matiere qu'il ayt entre mains..."

samedi, 02 janvier 2010

Bibliotaphes

Ils ont la tête du bibliothécaire d'Arcimboldo. Une tête pleine de feuilles. Ce sont des bonshommes de livres...

jeudi, 31 décembre 2009

"Jane, veni ; novus anne veni..."

"Ô nouvel an, que tu vas dans ton cours
Être témoin de folles entreprises,
De vains souhaits, d'impertinens discours,
De vœux trompés et sur-tout de sottises !"

("Au nouvel an", Épîtres de M***, Lausanne, 1780)

 

vendredi, 25 décembre 2009

"Le jugement de la critique est toujours idiot, celui du public pire"

Mes enfants ont du goût — ou, en tout cas, ils connaissent les miens : on m'offre le Journal de Larbaud — justement ! et les Lettres de Céline en "Pléiade". À propos de la publication de ce volume, l'auteur d'un commentaire déposé sur le site de Libération se flattait, il y a quelques jours, de ne plus lire "cette ordure depuis plus de cinquante ans". Cette précieuse indication chronologique permet donc d'affirmer que nous avons affaire là à un authentique vieux con. Il en existe évidemment d'autres spécimens, qui vomissent Claudel — affreux bigot et frère indigne — ou Aragon — stalinien de la pire espèce. Je ne suis pas loin de penser que ce sont les mêmes qui considèrent que le talent est pour quelque chose dans l'attribution des prix littéraires...

mercredi, 23 décembre 2009

"Tel est devenu fat à force de lecture Qui n'eût été que sot en suivant la nature"

Ils ont tout lu. Ils sautent d'Amélie Nothomb à Guido Ceronetti, d'António Lobo Antunes à Charles Dantzig. Ils écrivent sans sourciller : "Valéry Larbaud"...

dimanche, 20 décembre 2009

Lectures, relectures

Avec le temps, j'ai acquis cette faculté de supporter les conversations ineptes sans les entendre — me contentant d'opiner de temps à autre d'un grognement peu compromettant — et d'oublier, sitôt lus, les livres médiocres. Qu'est-ce qu'un livre médiocre ? Un livre oubliable, justement, et dont on sait, avant même de l'avoir refermé, qu'on ne le relira jamais.
Il y a, en revanche, des livres "que l'on oublie difficilement" (je ne parle pas des "classiques", ces livres qu'on ne cesse de relire, qu'on relit moins d'ailleurs par goût, par élection, que par nécessité : parce qu'ils nous sont aussi indispensables que l'air et le pain — ou parce qu'ils sont autant de schibboleth qui nous préservent de l'éviction de la tribu). Parmi ceux-là, je mettrai, à côté du Bonheur des tristes, de Luc Dietrich, les romans et les nouvelles de Kenzaburô Ôé, ces textes qui vous laissent dans l'âme quelque chose d'amer et de poisseux. Je relis Dites-nous comment survivre à notre folie et je retrouve, intacte, cette sensation de malaise indéfinissable, déjà éprouvée lors de précédentes lectures. La notion de plaisir du texte, ici, n'a plus aucun sens.
Chez Quignard, dont je feuillette parallèlement La Nuit sexuelle, le plaisir du texte est bien présent — jusque dans les tics, les redites, les afféteries stylistiques ou l'opacité du propos — et le charme opère, comme toujours. Le charme ou "l'alchimie" : Ad obscurum per obscurius. Quignard n'est pas sorti de sa nuit, où le lecteur se perd à son tour, fasciné par cette scrutation obstinée du "jadis", des ténèbres premières, miroir obscur du néant auquel nous sommes promis. C'est le regard de Persée affrontant le reflet de la Gorgone dans le bouclier. Le livre est superbe. L'édition de poche, privée de nombreuses reproductions, n'en restitue, hélas ! que bien pauvrement les beautés.