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dimanche, 23 octobre 2005

Béotisme 2

France Musique, ce matin. Un musicologue fort savant — ou peut-être un interprète — pontifie et nous assène une explication de texte musicale, illustrations au piano à l'appui. Ce pédantisme satisfait ! Quel ennui pour l'auditeur qui n'a jamais su déchiffrer une partition !
Faut-il, pour goûter Proust, connaître la définition de l'hyperhypotaxe, les règles d'accord du participe passé des verbes pronominaux ? Je pense à Cadou :
"La sémantique ? connais pas !
Je me ris de l'anacoluthe
Dites-moi quels sont ces gravats
Qui dégringolent sur mon luth !"
 
("Le portrait fidèle", in Les Biens de ce monde, 1949-1950)

Commentaires

Objection, votre honneur ! Je me garderai de parler musique, mais je connais un peu la peinture et il faut évidemment connaître un tantinet le métier pour juger de sa production. Ne serait-ce que pour faire la part de l'art et de l'artifice. À laisser la critique picturale à des théoriciens, même s'ils sont talentueux comme Diderot, on court le risque de les laisser inclure la peinture dans leurs théories, ce que ces orgueilleux qui croient refaire le monde font immanquablement. Maurice Mazo reproche à juste titre à Diderot d'avoir "gâté" Greuze avec ses idées morales.

Vous-même qui écrivez un peu, Constantin, ne vous sentez-vous pas un peu plus apte à juger d'un roman que Guillaume Durand ?

Écrit par : Lapinos | lundi, 24 octobre 2005

Nous disons : « Faire l’âne pour avoir du son ». Rabelais : « Faire l’âne pour avoir du bren », formule beaucoup plus ambiguë, puisque le bran peut désigner le son aussi bien que … la merde. En en rajoutant dans le domaine du béotisme, je m’exposais à ce qu’on me fasse « un masque d’une bouze de vache » — traitement réservé par Alcofribas aux cuistres et aux imbéciles. Autrement dit, je l’ai bien cherché…
Sans vouloir me rattraper à tout prix, je précise tout de même que je ne nie pas les compétences musicologiques de l’individu auquel je faisais allusion, dont le ton sentencieux, surtout, m’a agacé, et ne prétends pas, moi-même, juger des qualités techniques d’une œuvre que je souhaite simplement écouter pour le plaisir… Cf. "Le Goût des autres" : n’ai-je pas le droit d’aimer Chostakovitch, même si, par exemple, je me trompe complètement en croyant reconnaître une citation parodique de Dvořák dans l’un de ses quatuors à cordes ? Peut-on me reprocher mon inculture tant que je n’en tire pas gloire ? L’imbécile satisfait est tout aussi odieux que le pédant, j’en conviens. Mais moi, comme dit l’autre, je voulais simplement non pas déjeuner, mais « écouter de la musique en paix » !
Pour le reste, et sur le fond, vous avez bien sûr tout à fait raison. « Sutor, ne supra crepidam ! » Et qu’un blanc-bec, voire un demi-habile genre Dantzig déclare « Ronsard, c’est nul ! » ou «Montaigne, c’est illisible !» m’irrite profondément. Karl Kraus regrettait d’ailleurs que la littérature dût recourir aux « mots de la tribu », plutôt qu’à un idiolecte qui la mît hors d’atteinte des sots : « L’élément que le musicien met en forme est le son, le peintre parle en couleurs. Aussi nul profane honorable, qui ne parle qu’en mots, ne tranchera-t-il de musique et de peinture. L’écrivain met en forme un matériel qui est accessible à tous : le mot. Aussi tout lecteur tranchera-t-il de l’art des mots. Les analphabètes du son et de la couleur sont modestes. Mais les gens qui peuvent lire ne passent pas pour des analphabètes. » (K. Kraus, "Aphorismes", Mille et une Nuits, 1998)

Écrit par : C.C. | lundi, 24 octobre 2005

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