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dimanche, 09 octobre 2005

Le métier des autres

Je tombe, un peu par hasard, sur une note du Stalker, que je trouve bien sévère pour Primo Levi : "J'avoue — dit-il — avoir éprouvé beaucoup de peine à trouver, dans le volume intitulé Le Métier des autres [...] la moindre originalité et, encore, la moindre véritable écriture..." C'est certainement vrai, mais il me semble qu'on ne lit pas Levi pour ses qualités littéraires — d'autant que, le lisant la plupart du temps en traduction, il serait hasardeux de juger de celles-ci. Ce qu'on aime, chez lui, dans les petites proses du Métier des autres en particulier, c'est cette simplicité de ton, cette probité intellectuelle, cette mesure et ce naturel qui, à chaque ligne, révèlent l'honnête homme. Ces "notes pour une redéfinition de la culture" sont aussi dépourvues de pose et d'affectation que les propos recueillis dans les Conversations et entretiens. Une certaine désinvolture en constitue la seule élégance, une légèreté qui, selon la formule de Blanchot, n'exclut pas la gravité — ni la pertinence de l'analyse, comme en témoigne ce jugement sur Rabelais : " ... il nous est proche parce que dans ce formidable peintre des joies de la terre, on sent cette conscience permanente, inébranlable, mûrie par de nombreuses expériences, que la vie n'est pas toute ici. On aurait peine à trouver dans son œuvre une seule page mélancolique, et pourtant Rabelais connaît la misère de l'homme; il la tait parce que, médecin avisé lors même qu'il écrit, il ne l'accepte pas, il veut la guérir..." Ce n'est sans doute ni original ni "écrit", mais cela résume une "suffisante lecture", une exégèse expédiente, qui se soucie moins des gloses érudites que des "pierres vives" du texte.

Politique

Dans son dernier livre — grâce auquel il ne manquera pas de se faire de nouveaux amis ! —, Michel Rocard rapporte l'avertissement que lui aurait donné Jacques Chirac en 1988 : "Méfie-toi de Mitterrand, c'est quand il te sourit qu'il a le poignard le plus près de ton dos."
On rapprochera ce mot de l'anecdote rapportée par J.-C. Brisville: "Aperçu la première fois chez Lipp, en 1956. Je déjeunais avec Camus. Assis à une table en face, quelqu'un se lève et vient vers nous. Noir de poil, court sur pattes et œil de velours froid. L'air d'un danseur mondain qui a repéré la cliente. Il demande quelque chose à Camus, touchant, si je me souviens bien, à la guerre d'Algérie. Dès qu'il nous a tourné le dos, Camus, à mi-voix : 'Mitterrand. Je me méfie de cet oiseau.'"

Cynégétique 6

Le 9 octobre 1903, Jules Renard note dans son Journal :
"Le mystère du monde nous effare. Mais quel effarement pour la grive qui, sur sa branche, reçoit tout à coup du plomb dans la poitrine !" 

samedi, 08 octobre 2005

Les livres qui nous apprennent à danser 3

"La plupart des chefs-d'œuvre répertoriés par les doctes ne méritent que le respect. On les salue, et l'on passe sans s'attarder. Certains livres, au contraire, ignorés du public et des professeurs, et qu'on a lus par pure chance, saisissent et retiennent. On ne sait pas très bien pourquoi, mais ils semblent écrits pour nous, pour nous seuls."
On trouve ce constat si juste dans De mémoire, de Jean-Claude Brisville (Stock, 1998) — un livre lu, justement, "par pure chance", acheté dans une solderie, en même temps qu'une cravate hideuse et un carton de vin madérisé, et devenu depuis l'un de mes titres préférés. Notre bibliothèque idéale doit beaucoup au hasard, qui, au bout du compte, ne nous déçoit pas plus souvent que les critiques autorisées.

L'obscène 3

J'apprends par Le Figaro que la future ex-madame Houellebecq a accordé, la semaine dernière, une interview au magazine Elle. "Elle se souvient de son premier dîner avec lui : il avait bu trop de whisky, était malade. Elle se rappelle aussi, drôles de prémices amoureuses, qu'il lui avait téléphoné le lendemain pour lui proposer d'aller acheter des vêtements chez Marks & Spencer..."
Certes, cela ne nous intéresse nullement, mais on n'en est pas moins perplexe devant ce genre de "confessions impudiques". La conclusion de l'entretien semble pourtant indiquer que Marie-Pierre est une sentimentale : "On va divorcer. Même si j'ai peur de perdre notre chien Clément. J'espère bien le voir souvent."

vendredi, 07 octobre 2005

Petite anthologie portative 8

NINE CROWS : TWO OUT OF SEQUENCE

1, 2, 3, 4, 5, 7, 6, 8, 9

(Richard Brautigan, Loading Mercury with a Pitchfork, 1971)

In paradisum

Promenade dans les Combrailles — ou la Combraille. L'un et l'autre se dit ou se disent, "mais les dictionnaires ne sont pas du tout d'accord sur les territoires ainsi désignés" (Renaud Camus, Vaisseaux brûlés).
Les toponymes distribués le long de la vallée de la Sioule : Chouvigny, Saint-Rémy-de-Blot, Blot-l'Église, évoquent le souvenir d'un de nos libertins les plus scandaleux : Claude (ou, selon d'autres, César) de Chouvigny, baron de Blot (1605-1655).
Compagnon de frasques de Gaston d'Orléans, cet athéiste notoire se forgeait une félicité en imaginant les délices qui l'attendaient dans un paradis auquel il ne croyait pas :
"Nous y foutrons chacun un ange
Dont le cul sent la fleur d'orange."

jeudi, 06 octobre 2005

Compote

Dernière note du Journal de Gombrowicz pour l'année 1968 :

"J'ai renversé la compote."

Il lui reste un an, trois mois et dix-sept jours à vivre.

Des chiffres et des lettres

En Bourbonnais, toujours, sur les traces improbables de Blaise de Vigenère (1523-1596), qui y naquit mais n'y demeura guère. Cet humaniste et kabbaliste chrétien — auquel Larbaud rend hommage dans Allen — serait sans doute totalement oublié aujourd'hui s'il n'avait mis au point un système cryptographique fameux. On lui doit également la découverte, au hasard de ses distillations alchimiques, de l'acide benzoïque et l'édition commentée des Images de plate peinture de Philostrate.
Quoique Vigenère ne manquât jamais d'ajouter l'épithète "bourbonnois" à sa signature, il avouait préférer "manger des chardons" à Paris "plutôt que des artichauts" en province et sera inhumé à Saint-Étienne-du-Mont.
Je n'ai pas retrouvé, près de Broût-Vernet, le hameau de Viginière — ou Viginaire selon le carte de Cassini — dont le nom seul atteste encore l'origine locale du polymathe.

Witness, 1985

Il y a vingt ans que je n'ai pas mis les pieds dans une salle de cinéma.