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lundi, 17 octobre 2005

Le grand style 5

"Il vient de m'arriver un petit accident. J'étais allé me promener autour d'une grande pièce d'eau sur laquelle il y a des cygnes. Ces oiseaux sont si jaloux de leur domaine, qu'aussitôt qu'on en approche ils viennent à vous au grand vol. Je m'amusais à les exercer, et quand ils étaient arrivés à un des bouts de leur empire, aussitôt je leur apparaissais à l'autre. Pour cet effet il fallait que je courusse de toute ma vitesse. Ainsi faisais-je, lorsque je rencontrai devant un de mes pieds une barre de fer qui servait de clef à ces ouvertures qu'on pratique dans le voisinage des eaux renfermées et qu'on appelle des regards. Le choc a été si violent que l'angle de la barre a coupé en deux ou peu s'en faut, la boucle de mon soulier ; j'ai eu le cou-de-pied entamé et presque tout meurtri. Cela ne m'a pas empêché de plaisanter sur ma chute qui me tient en pantoufle, la jambe étendue sur un tabouret."
(Diderot, lettre à Sophie Volland du 17 septembre 1760)
Tout ici nous séduit : la facilité de l'épistolier, l'aisance du conteur, la simplicité de l'homme et cette aptitude rare à l'auto-dérision. De tous les "Philosophes", celui qui suscite le plus de sympathie et qu'on relit avec un réel bonheur...

Commentaires

En lisant les trois premières lignes de cet extrait, n'ayant pas reconnu Diderot, je me disais : « Ça, c'est forcément d'un très bon. » Faire la différence en trois lignes, c'est pas donné à grand-monde.

Écrit par : Lapinos | mardi, 18 octobre 2005

C'est en effet très bon. J'ai relu l'an dernier, avec beaucoup de plaisir, les contes et entretiens (éditions de poche en G.F. et Folio — "Les Deux Amis de Bourbonne") qui, sous une apparente désinvolture (voir "Mystification"), témoignent d'une extraordinaire maîtrise narrative...

Écrit par : C.C. | mardi, 18 octobre 2005

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