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mardi, 08 novembre 2005

Considérations inactuelles 4

Origine des citations :

"Considérations inactuelles" : Léon Daudet, Le Stupide XIXe siècle, chap. IV, "Affaissement progressif de la famille, des mœurs, des académies et des arts", in Souvenirs et polémiques, Bouquins, 1992, p. 1286.

"Considérations inactuelles 2" : Maxime Du Camp, Paris, ses organes, ses fonctions et sa vie jusqu'en 1870, chap. VII, "Les rêves et le péril", Rondeau, 1993, p. 740.

"Considérations inactuelles 3" : Victor Hugo, Choses vues — 1849-1869, Folio, 1972, p. 241.

Petite anthologie portative 12

Amore, gioventù, liete parole,
cosa splende su voi e vi dissecca ?
Resta un odore come merda secca
lungo le siepi cariche di sole.

Amour, jeunesse, mots joyeux,
quoi donc brille sur vous et vous dessèche ?
Reste une odeur comme de la merde sèche
le long des haies lourdes de soleil.

 

(Sandro Penna, Croce e delizia, trad. Bernard Simeone, in Une ardente solitude, Orphée/La Différence, 1989)

lundi, 07 novembre 2005

Considérations inactuelles 3

"Les terroristes disent [...] : vous produisez la nuit ? Eh bien nous produirons l'incendie, afin que le flambeau que nous ferons soit proportionné aux ténèbres que vous avez faites."

Considérations inactuelles 2

"À l'opposé de ce monde probe et laborieux, grouille une population très dispersée, particulièrement dangereuse, et que les agents de la sûreté désignent sous le nom générique de la gouappe ; elle se compose de vagabonds, de voleurs, de repris de justice, de surveillés en rupture de ban, de souteneurs de filles de bas étage [...] Nulle idée politique, nulle recherche d'amélioration ne les guide ; ils sont au mal et à la violence. La plupart sont des malades, il faut le reconnaître : intelligence embryonnaire, ignorance inqualifiable, corps ravagé, prédominance des instincts brutaux, paresse invincible, indifférence morbide ; ils représentent assez bien une sorte de choléra social qui éclate parfois sous l'empire de certaines occurrences exceptionnelles, mais qui fermente toujours à l'état latent."

Considérations inactuelles

"La foule est [...] un monstre hurlant et irrésistible auquel il s'agit de jeter de fausses nourritures, afin qu'elle ne mange point les classes possédantes. L'homme de génie est un monsieur qui détient un garde-manger de ces fausses nourritures. De temps en temps, quand la foule devient méchante et que l'occasion de lui infliger une bonne leçon est propice, on peut faire appel à la force vraie [...] Attirer les gens par des concessions calculées, des reculades successives, puis tirer dessus et taper dans le tas, cela est de la grande politique et le fin du fin de la démocratie !"

dimanche, 06 novembre 2005

Contrepetis de court

Si l'on en croit le Dictionnaire étymologique de Ménage, le contrepetis de court est la même chose que l'antistrophe, l'équivoque ou la contrepèterie, telles que les définit Tabourot des Accords.

Exemple "pour les enfants et pour les raffinés" :

Le dimanche
On s'emmerde
Le dimerde
On s'emmanche.

Le gouverneur de Kerguelen 3

À ajouter aux très sérieux usuels déjà rangés dans la malle :

André Blavier, Les Fous littéraires, Henri Veyrier, 1982 (où l'on relève, page 72, ce mot admirable d'un "malade de Borel" : "S'il n'y avait personne, tout le monde serait heureux.").
Guy Bechtel et Jean-Claude Carrière, Dictionnaire de la bêtise et des erreurs de jugement, Robert Laffont, 1965 (à la rubrique "islam", ce constat particulièrement lucide de T. Ruyneau de Saint-George, en 1851 : "Il est visible que le mahométisme s'écroule de toutes parts.").
Amy Wallace, David Wallechinsky et Irving Wallace, Le Livre des listes, adapt. française de Valérie Champetier et François Margolin, Édition n° 1, 1992 (exemples de rubriques : "Les 17 pays où l'on écrase le plus de piétons", "Les 10 pays le moins souvent visités par la Vierge Marie", "8 personnes connues qui dormaient avec leur chien"...).

Et, naturellement, l'Almanach Vermot, millésime 1907 (dans lequel on trouve une série de photographies du fameux "supplice des cent morceaux"), ainsi que le catalogue Manufrance 1938, avec, page 71, ce bel éloge du tir, "incontestablement le premier de tous les sports [...] le seul qui puisse être pratiqué par tous. Hommes, femmes, enfants, vieillards peuvent s'y adonner sans crainte et en goûter toutes les joies".
Pan ! pan !

Humour

À propos des violences urbaines :

"L'Iran demande à la France de respecter les droits de l'homme." 

Trous et portes

Denis Proteor, Parts pour l'âme chaudron, Marval, diff. Vilo, 2000.
Après avoir refermé cet énorme recueil de photographies littéralement inqualifiables — obscènes, morbides, maléfiques... on éprouve un malaise physique, le besoin irrépressible d'aller se laver les mains, de feuilleter un magazine plein de publicités imbéciles sur papier glacé pour oublier ce que l'on a cru voir. Les images de Proteor sont, pour l'adulte, aussi effrayantes que, pour l'enfant seul dans la bibliothèque, les hideuses gravures des grands livres de distributions de prix du XIXe siècle.
Proteor est une sorte de visionnaire malade, un poète tragique et maudit, hanté par la souillure et la chute, la fatalité du corps et de l'organique : "Rien ne me rebute... cadavres, égouts, déchets, vide, décomposition, morceaux, lieux solitaires, batailles... [...] je ne dépareille jamais l'enchantement de l'épouvante [...] mon voyage vertigineux me donne plus de fleurs et d'ossements que de visages humains, plus d'yeux de buffles, d'oiseaux, de poissons que de maisons avec entrée et sortie, plus de parties charnues avec promesse de vive participation que de jolis standards, plus de trous [...] que de portes."
Livre à brûler, qu'au grand jamais je n'emporterais sur l'île !

samedi, 05 novembre 2005

Le gouverneur de Kerguelen 2

Dans un récent numéro du Nouvel Observateur (27 octobre-2 novembre 2005), Günter Grass déclarait qu'il emporterait volontiers sur une île déserte "un ouvrage avec l'œuvre graphique de Dürer. Un autre comportant celle de Goya, dont le cycle Désastres de la guerre. Puis la Bible dans la magnifique traduction de Martin Luther..." Et d'ajouter, pour expliquer ce dernier choix : "... un grand livre de contes dont je ne me lasse pas." Il n'était sans doute pas nécessaire de proférer ce genre de trivialité, passablement démagogique. Tout autre banalité à propos des références-bibliques-qui-imprègnent-notre fonds-culturel, etc. eût été préférable à cette espèce d'excuse maladroite.
Cela me rappelle mon instituteur, assez honnête homme mais anticlérical primaire, qui nous lisait quelques passages de la Bible en ricanant ostensiblement de ce qu'il tenait à l'évidence pour des sornettes.
Personnellement, j'emporterais dans mon île l'édition de Louis-Claude Fillion : La Sainte Bible (texte latin et traduction française), commentée d'après la Vulgate et les textes originaux, à l'usage des séminaires et des membres du clergé, Paris, Letouzey et Ané, 1888-1904, 8 volumes. À condition qu'on mette à ma disposition une malle assez grande pour accueillir également les sept volumes du Littré (édition réalisée par J.-J. Pauvert, Gallimard-Hachette, 1961) et les trente-sept tomes de l'Histoire Naturelle de Pline (Les Belles Lettres, 1950-1972)... Resterait-il un peu de place pour les livres "simplement plaisans" ?