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dimanche, 05 février 2006

Dyscolisme

Aucune note ces derniers jours. L’actualité et le spectacle du monde m’affligent. Les Sarrasins vitupèrent et vibrionnent, la pimpesouée des Charentes-Poitou nous emmerde royalement, la radio radote. Appels d’auditeurs, bavasseries et borborygmes... Il m’est avis — eût dit Béroalde — que l’on me pisse aux oreilles.
Je poursuis l'écoute de l'intégrale de Mozart en pignochant à travers la correspondance de Debussy...

Serais-je en proie au dyscolisme ?

mardi, 31 janvier 2006

En manière d'excuse...

Je m'absente pour deux ou trois jours...

Merci pour vos commentaires — que je lis toujours avec plaisir. Pardonnez-moi de ne pas y répondre immédiatement : je dois préparer mon léger bagage.
Plus léger que celui de Cendrars :

"Ma malle pèse 57 kilos sans mon galurin gris"

Il est vrai que je vais beaucoup moins loin. À bientôt.

lundi, 30 janvier 2006

Lire aux cabinets

La lecture et la défécation requièrent trop de sérieux pour qu’on puisse prétendre s’y adonner simultanément. On ne saurait trop recommander à ceux qui emportent un livre à la garde-robe de relire — et de préférence en d’autres lieux — le très bref Lire aux cabinets d’Henri Miller (Allia, 2000).

Les quelques dizaines d’ouvrages entassés dans mon buen retiro n’ont échoué là que pour la couleur verte de leur couverture, accordée à celle des murs. Outre un certain nombre de volumes défraîchis de la Bibliothèque verte, on trouve là L’Objet de Lo Duca (Pauvert, 1966), une méthode d’arabe en vingt leçons ou le sartor Resartus (Everyman’s Library, 1967) de Carlyle, que je n’ai jamais lu. Ni aux cabinets ni ailleurs.

Les beaux dimanches

"Oui, le peuple ! Mais il ne faudrait jamais voir sa gueule."

Il y a sans doute dans cette remarque de Jules Renard plus de lassitude que de mépris ; on est toutefois frappé par l'attitude constamment distante, condescendante, le regard cruel et ironique que l'auteur réserve à ses "frères farouches", l'incompréhension dont il fait preuve à leur endroit.

Peut-être faut-il, parfois, accepter de s'abêtir, ou du moins accepter l'assomption de notre propre vulgarité, jouir loyalement de notre consubstantielle sottise, dépouiller cette gravité asine dont parle Montaigne. En fait, je suis en train de m'inventer des excuses pour avoir hier consacré mon dimanche à la célébration de la "Saint-Vincent tournante" des Hautes Côtes de Nuits, pour m'être immergé sans scrupules dans cette convivialité bruyante. Marey-les-Fussey, Villers-la-Faye, Meuilley, Arcenant... On s'ébaubit devant les décorations : fleurs en papier, mannequins, pyramides de futailles ; on se presse dans les caveaux, on déguste divers crus — des rouges trop froids —, on échange de vagues commentaires pour jouer au connaisseur. Le soir, au retour, on dînera de charcuterie et de fromage sur une aire d'autoroute. Un beau dimanche. Le Pernand-Vergelesses blanc était excellent.

samedi, 28 janvier 2006

Météo 11

Aujourd'hui encore, il fait un temps à parler du temps — sujet moins futile qu'il y paraît. La neige, abondante, comme la crue, "bouleverse la cénesthésie même du paysage" : "... l'appropriation de l'espace est suspendue, la perception est étonnée, mais la sensation globale reste douce, paisible, immobile et liante ; le regard est entraîné dans une dilution infinie ; la rupture du visuel quotidien n'est pas de l'ordre du tumulte : c'est une mutation dont on ne voit que le caractère accompli, ce qui en éloigne l'horreur." (R. Barthes, "Paris n'a pas été inondé", in Mythologies, Points/Seuil, 1970, p. 58)
Les rues sont à peu près désertes, les jardins livrés aux oiseaux affamés, bruyants et chamailleurs. Avec le crépuscule, tout se fige dans un silence cotonneux. J'écoute les petites pièces religieuses de Martinu ; voix merveilleusement pures et nues : "Cesta k ráji", le chemin du paradis. Ici et maintenant, et pourtant si loin du monde...

jeudi, 26 janvier 2006

Polars 4

Le roman policier classique, genre detective novel, fondé sur une énigme criminelle, présente, d'un point de vue littéraire, à peu près autant d'intérêt qu'un problème de mots croisés. Tout autre est le "polar", qui relève de la littérature la plus authentique, dans la mesure où l'intrigue, aussi sophistiquée soit-elle, n'a au fond guère d'importance. Tout est dans le détail, les digressions, les clins d'œil, les à-côtés de la fabula. Les sandwiches et les chats de Resnick — chez John Harvey ; les jacinthes d'eau et les orages sur le bayou — chez James Lee Burke ; la messe des bouchers et les réunions des A.A. — chez Lawrence Block ; la topographie onirique de Quinsigamond — chez Jack O'Connell, voilà ce que l'on aime... Il y a, chez ces auteurs-là, une écriture. Raconter ou imaginer un fait-divers bien sanglant, une série d'atrocités, orchestrer suspense et rebondissements, ne suffit pas à faire un livre digne de ce nom: il y faut plus d'encre que de sang. Ou alors cela donne quelque chose comme Onze jours, de Donald Harstad (Cherche Midi ou Seuil - Points/policier) : une affaire authentique relatée par un ancien policier, pleine de cadavres et de mutilations, qu'on a bien du mal à suivre sans bâiller d'ennui...

mardi, 24 janvier 2006

Petite anthologie portative 20

Pour Mauricette, qui voit des chats partout.

Après s'être reniflés
ils décident de passer à l'acte
les chats en chaleur

(Issa, in Le Chat et moi, Moundarren, 1996)

Beauté convulsive

Ce qui me frappe, en relisant Artaud après tant d’années, c’est moins la violence incantatoire de l’invective, l’obscénité désespérée du cri, la folie lucide, que la beauté convulsive du style. Il y a, chez artaud, une véritable rage de l’expression — qui n’a rien à voir avec les chipotages d’un Ponge. Ainsi dans Van Gogh la suicidé de la société :

"Je reviens au tableau des corbeaux.
Qui a déjà vu comme dans cette toile la terre équivaloir la mer.
Van Gogh est de tous les peintres celui qui nous dépouille le plus profondément, et jusqu’à la trame, mais comme on s’épouillerait d’une obsession.
Celle de faire que les objets soient autres, celle d’oser enfin riquer le péché de l’autre, et la terre ne peut pas avoir la couleur d’une mer liquide, et c’est pourtant bien comme une mer liquide que Van Gogh jette sa terre comme une série de coups de sarcloir.
Et la couleur de la lie du vin, il en a infusé sa toile, et c’est la terre qui sent le vin, qui clapote encore au milieu des vagues de blé, qui dresse une crête de coq sombre contre les nuages bas qui s’amassent dans le ciel de tous les côtés.
Mais je l’ai déjà dit, le funèbre de l’histoire est le luxe avec lequel les corbeaux sont traités.
Cette couleur de musc, de nard riche, de truffe sortie comme d’un grand souper.
Dans les vagues violacées du ciel, deux ou trois têtes de vieillards de fumée risquent une grimace d’apocalypse, mais les corbeaux de Van Gogh sont là qui les incitent à plus de décence, je veux dire à moins de spiritualité,
et qu’a voulu dire Van Gogh lui-même avec cette toile au ciel surbaissé, peinte comme à l’instant précis où il se délivrait de l’existence, car cette toile a une étrange couleur, presque pompeuse d’autre part, de naissance, de noce, de départ,
j’entends les ailes des corbeaux frapper des coups de cymbale forte au-dessus d’une terre dont il semble que Van Gogh ne pourra plus contenir le flot.
Puis la mort."

(Œuvres, Quarto, p. 1460)

Voilà des "élucubrations d'aliéné" qui forcent l'admiration.Que penser lorsqu'un tel styliste tombe dans le borborygme, l'invective et la coprolalie ? Quels abîmes a-t-il entrevus, quels effrois métaphysiques, quels affres ont pu le conduire aux limites de l'aphasie, le vouer au désespoir du cri, du calembour infantile?

"elpis ouk
ela bone"

lundi, 23 janvier 2006

Oulipo

Haïkaïsation-plagiat par anticipation d'un poème d'Aragon :

"Les hommes meurent
Les hommes vivent
Passent les oies sauvages"

 

(Sôseki, 1910, in Haïkus, Éd. Philippe Picquier, 2001)

Le chat

"Je souhaite dans ma maison :
Une femme ayant sa raison,
Un chat passant parmi les livres,
Des amis en toute saison
Sans lesquels je ne peux pas vivre."

 

Le quintil d'Apollinaire — jusqu'à quel point ironique dans sa mediocritas hédoniste ? — m'a toujours semblé résumer une conception très acceptable du bonheur, et plus exigeante qu'il n'y paraît. Les chats meurent trop tôt ; les amitiés ne résistent guère au temps, à la paresse du cœur, aux rancunes mesquines.
Sont-ce des raisons suffisantes pour préférer Christophe Plantin, pour juger l'imprimeur popote plus sage que le poète en mal de potes ?