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mardi, 24 janvier 2006

Beauté convulsive

Ce qui me frappe, en relisant Artaud après tant d’années, c’est moins la violence incantatoire de l’invective, l’obscénité désespérée du cri, la folie lucide, que la beauté convulsive du style. Il y a, chez artaud, une véritable rage de l’expression — qui n’a rien à voir avec les chipotages d’un Ponge. Ainsi dans Van Gogh la suicidé de la société :

"Je reviens au tableau des corbeaux.
Qui a déjà vu comme dans cette toile la terre équivaloir la mer.
Van Gogh est de tous les peintres celui qui nous dépouille le plus profondément, et jusqu’à la trame, mais comme on s’épouillerait d’une obsession.
Celle de faire que les objets soient autres, celle d’oser enfin riquer le péché de l’autre, et la terre ne peut pas avoir la couleur d’une mer liquide, et c’est pourtant bien comme une mer liquide que Van Gogh jette sa terre comme une série de coups de sarcloir.
Et la couleur de la lie du vin, il en a infusé sa toile, et c’est la terre qui sent le vin, qui clapote encore au milieu des vagues de blé, qui dresse une crête de coq sombre contre les nuages bas qui s’amassent dans le ciel de tous les côtés.
Mais je l’ai déjà dit, le funèbre de l’histoire est le luxe avec lequel les corbeaux sont traités.
Cette couleur de musc, de nard riche, de truffe sortie comme d’un grand souper.
Dans les vagues violacées du ciel, deux ou trois têtes de vieillards de fumée risquent une grimace d’apocalypse, mais les corbeaux de Van Gogh sont là qui les incitent à plus de décence, je veux dire à moins de spiritualité,
et qu’a voulu dire Van Gogh lui-même avec cette toile au ciel surbaissé, peinte comme à l’instant précis où il se délivrait de l’existence, car cette toile a une étrange couleur, presque pompeuse d’autre part, de naissance, de noce, de départ,
j’entends les ailes des corbeaux frapper des coups de cymbale forte au-dessus d’une terre dont il semble que Van Gogh ne pourra plus contenir le flot.
Puis la mort."

(Œuvres, Quarto, p. 1460)

Voilà des "élucubrations d'aliéné" qui forcent l'admiration.Que penser lorsqu'un tel styliste tombe dans le borborygme, l'invective et la coprolalie ? Quels abîmes a-t-il entrevus, quels effrois métaphysiques, quels affres ont pu le conduire aux limites de l'aphasie, le vouer au désespoir du cri, du calembour infantile?

"elpis ouk
ela bone"

Commentaires

Tu me donnes envie de relire ( J'alternais Artaud et... Arrabal alors)- pas retenu grand'chose. Mais pour ce qui concerne la fin, il y avait une proximité réelle entre Benjamin Péret, Francis Blanche ( ah le professeur Slalom Jeremy Menerlash) et Boby Lapointe...

Écrit par : Le Morse | mardi, 24 janvier 2006

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