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vendredi, 12 juillet 2013

Remembrances du vieillard idiot 14

Par les journées de grande chaleur, faneurs ou moissonneurs recrus s'attablaient en silence, mangeaient gravement, songeant aux besognes de l'après-midi. Les bouteilles de vin ginguet rafraîchissaient dans de grands seaux galvanisés. Les femmes veillaient à ce qu'on ne manquât de rien, attendant que les hommes eussent terminé — dessert sur le cul de l'assiette, café dans le verre — pour prendre un peu de réfection avant de se mettre à la vaisselle.

mardi, 09 juillet 2013

Le sens de la formule 12

"... it's shockin' sometimes when what you think turns out to not be what you think at all.
— It's why I don't think no more'n necessary."

(Barry Gifford, Wild at heart, New York, Grove Press, 1990, p. 74)

jeudi, 20 juin 2013

Choses vues 7

Déluge sur la ville — on se précipite aux abris.
Un impotent, sur son voiturin électrique, file à toute berzingue sur le trottoir de la grand-rue. Encapuchonné, cabas rose au bras, gilet "fluo" accroché au siège.

Bric-à-brac

La lanterne d'Aristote ;
le crible d'Ératosthène ;
le pressoir d'Hérophile ;
la trompe d'Eustache.
Et le chat de Schrödinger. Empaillé.

jeudi, 13 juin 2013

Bisogna morire

Au hasard des lectures du moment :

"Je pense que personne ne comprend la mort. Lorsque l'on dit : mort, on pense : vie. Car si, en mourant, on étouffe et on a peur — ou — le contraire — [...] — tout cela : et l'étouffement, et la peur, et [...] — c'est la vie. La mort, c'est quand je ne suis pas là. Or je ne puis pas ressentir que je ne suis pas là. Donc ma mort n'existe pas. N'existe que la mort d'autrui : c'est-à-dire le vide d'un lieu, un lieu vidé (il est parti et vit quelque part), c'est-à-dire de nouveau la vie et pas la mort, impensable tant qu'on vit. Il n'est pas ici (mais est quelque part). Il n'est pas — non, car il ne nous est pas donné de comprendre quoi que ce soit autrement qu'à travers nous-mêmes, toute autre compréhension est la répétition de sons par un perroquet.
"Je pense que la peur de la mort est la peur de l'être dans le néant, de la vie — dans la tombe : je serai allongé et les vers ramperont sur moi. Raison de plus de brûler les gens comme moi.
"Et puis —mon corps serait-il par hasard — moi ? Serait-ce par hasard lui qui écoutait la musique, écrivait des poèmes, etc. ? Le corps ne sait que servir et obéir. Le corps — une robe. Que m'importe, si on me l'a volée, dans quel trou, sous quelle pierre, l'aura enterrée le voleur !
"Que le diable l'emporte ! (le voleur, et la robe aussi)."

(Marina Tsvetaeva, sur la mort d'Alexandre Blok, 17 août 1921, in Vivre dans le feuConfessions, trad. Nadine Dubourvieux, Le Livre de Poche, 2008, p. 219-220)

La ponctuation, très particulière, de Marina Tsvetaeva eût agacé Frederick Exley, dont l'avatar homonyme — le narrateur du Dernier Stade de la soif (A Fan's Notes) — ne supporte ni les tirets, ni les points d'exclamation. Ceux, du moins, que sa dulcinée multiplie dans sa prose épistolaire : "... le département de littérature de sa fac locale devait être particulièrement épris de tirets et de points d'exclamation ; les lettres s'enchaînaient sans la moindre virgule. En ce qui concernait les points, elle n'utilisait que celui d'exclamation, tant elle voulait honorer chaque banalité qu'elle couchait sur le papier." (Le Dernier Stade de la soif, 10/18, 2013, p. 219)
Que dire, alors, de la ponctuation emphatique dont les internautes assaisonnent aujourd'hui leurs commentaires imbéciles ?

"Ceux qui vivent très vieux et ceux qui meurent très jeunes perdent la même chose. Ils n'abandonnent que le présent, puisque c'est tout ce qu'ils possèdent."

(Marc-Aurèle, cité par Gerard Donovan — épigraphe de Julius Winsome, Points/Seuil, "Roman Noir", 2010)

Du même : "Combien d'hommes entrés avec moi dans le monde en sont déjà partis !" (Pensées, trad. A.I. Trannoy, Les Belles Lettres, 1964, p. 67)

"At a certain age, consciousness of mortality is not an elective study."

(James Lee Burke, The Tin Roof Blowdown, Londres, Phoenix, 2008, p.372)

À propos de cette prise de conscience, Burke fait référence aux soixante-dix années de vie que nous accorde le Psalmiste : "Quoniam omnes dies nostri defecerunt ; et in ira tua defecimus. Anni nostri sicut aranea meditabuntur ; dies annorum nostrorum in ipsis septuaginta anni. Si autem in potentatibus octoginta anni, et amplius eorum labor et dolor ; quoniam supervenit mansuetudo, et corripiemur." (Psaumes, 89 : 9-10)
On peut regretter que la plupart des traductions modernes, considérant que le sicut aranea — emprunté à la version syriaque du texte — reprend une lecture erronée, ignorent cette comparaison imagée et lui préfèrent la formule hébraïque "comme un murmure". On lit toutefois dans la Sainte Bible commentée de L.-Cl. Fillion (Paris, Letouzey et Ané, 1887-1904, 8 vol.) : "Nos années se passent en de vains soucis, comme pour l'araignée." (IV, p. 278). Commentaire : "L'araignée, d'après la croyance populaire, s'épuise à tirer de sa propre substance les fils qui composent sa toile. Ou bien, la comparaison porterait, selon d'autres interprètes, sur la fragilité de cette toile : nos plans les mieux concertés pour faire durer nos jours ne sont pas plus solides qu'elle."

vendredi, 24 mai 2013

Expositions avicoles

Manifestations locales : élection des "miss" du canton, remise de la médaille de la famille... Après la foire aux dindes, le concours de poules pondeuses.

vendredi, 17 mai 2013

"T'es où, là ?"

Une jeune femme passe, téléphone à l'oreille.
Je pense à Montaigne : "Esope, ce grand homme, veid son maistre qui pissoit en se promenant : « Quoy doncques ! feist il, nous fauldra il chier en courant ? » Mesnageons le temps, encores nous en reste il beaucoup d'oysif et mal employé..." (Essais, III, 13)

samedi, 11 mai 2013

Festival de cannes 2

À Lourdes ?

vendredi, 10 mai 2013

"... et on trouve un homme" 2

Journaux de Raymond Queneau.
Étonnant fatras de notes au jour le jour — récits de rêves, listes de lectures, remarques grammaticales et considérations mathématiques, citations, anecdotes de la vie littéraire, pensées intimes, commentaires incongrus, questions saugrenues et problèmes métaphysiques...
Portraits en trois lignes ou en deux mots.
Bitaudeau, concierge des éditions Gallimard : "Ex-chauffeur du pédéraste Bailby et grand consommateur des fonds de bouteilles des coquetèles Gallimard [...] Une brute. Rien d'autre à en dire."
Dupont, "cet ineffable con".
Jean Rostand "recherche une famille dont les membres, depuis six ou sept générations, auraient deux anus" (1954, note 1181 - 1961, note 2195)...
Curiosités multiples, esprit toujours inquiet :
"Une question qui m'intrigue : À quoi pense une femme quand elle chie ?" (1955, note 1297).
Scatologie et eschatologie :
"C'est passionnant de chier :
l'être - chie
le non- être - étr(on)
le devenir : la chasse d'eau." (1962, note 2440)
Je retrouve, page 1028, la judicieuse formule conclusive du chapitre VIII du Cinquième Livre : "Amys, vous notterez que par le monde y a beaucoup plus de couillons que d'hommes, et de ce vous souvienne !"
Queneau a bien retenu la leçon, et celle sans doute de Chamfort : "La meilleure philosophie, relativement au monde, est d'allier, à son égard, le sarcasme de la gaieté avec l'indulgence du mépris."
Encore que, pour ce qui est de la gaieté...

lundi, 29 avril 2013

Petite anthologie portative 73

LE MATIN

Le matin il y a le matin
C'est clair

(Vsevolod Nekrasov, trad. Léon Robel,
Action poétique
, n° 113-114, 1988, p. 178)