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mardi, 09 décembre 2014

Livres 5

Toujours à portée de main :

Kléber Hardens, Une histoire de la littérature française ;
Italo Calvino, Pourquoi lire les classiques ;
Milan Kundera, Les Testaments trahis.

En cours de lecture :

Anthony Burgess, Au sujet de James Joyce.

À feuilleter à la billebaude :

Jerry Rubin, Do it ;
Georges Ribemont-Dessaignes, L'Autruche aux yeux clos ;
Shozo Numa, Yapou, bétail humain, vol. 3 ;
Paul Valet, Solstices terrassés.

Achats récents :

Pascal Quignard, Sur l'image qui manque à nos jours ;
Le Lecteur ;
Kevin Powers, Yellow Birds.

Plus les polars et les volumes de poèmes du moment, les épaves rapportées de la brocante — Gustave Flaubert, Lettres inédites à Raoul-Duval — et quelques raretés des éditions du Fourneau : Fernand Combet, Conte de l'Ambre et Conte de l'Opium ; Maurice Fourré, Une Conquête...

Note strictement dépourvue d'intérêt, j'en conviens — histoire de ne pas abandonner complètement ce blog pour les faciles séductions de Facebook...

jeudi, 04 décembre 2014

Acedia 3

Lassitude et morosité.
On peut toujours se dire que c'est le temps qu'il fait, la "mouillance"  et le froid, la saison, la nuit qui tombe de plus en plus tôt... Non, c'est l'âge et le temps qui passe, les fantômes qui vous assaillent à peine a-t-on fermé les yeux, le dégoût des choses les plus quotidiennes, les plus nécessaires.
Il faut se protéger, s'entourer de rituels, de propitiations dérisoires et vaguement ridicules. Stratégies d'évitement, d'élusion. Échappatoires, faux-fuyants, procrastinations. La plupart des tâches que nous impose la vie en société, rançon de notre confort ou de notre sécurité, sont passablement fastidieuses. Je comprends à présent ce vieux cousin, célibataire indolent et rustaud, qui, sur ses vieux jours, se donnait rarement la peine de répondre au téléphone et laissait s'entasser sur sa vaste table de cuisine le courrier qu'il n'ouvrait plus.
En ces temps de bougeotte frénétique, je n'aspire qu'à une sédentarité quasi recluse : "Tout le malheur des hommes vient de ne savoir pas se tenir en repos dans une chambre." J'y parviens assez bien, parmi les livres où nul chat ne passe plus. En compagnie de "mes bons hôtes muets", seul, au fond avec moi-même. Délectation narcissique : "Quand nous lisons, nous ne cherchons pas des idées neuves, mais des pensées déjà pensées par nous, à qui la page imprimée donne le sceau d'une confirmation." C'est ce qu'écrivait Cesare Pavese — qu'on ne peut guère évoquer sans songer à sa fin, sans songer à la nôtre.
"Scenderemo nel gorgo muti."

mercredi, 03 décembre 2014

Serial killer

"Petit boucher rêveur, j'égrenais dans ma course
Des crimes..."

dimanche, 30 novembre 2014

Colours 7

Merles et tourterelles semblent avoir déserté le jardin, saccagé par "le sale automne".
Au-dessus du petit bassin couvert de lentilles d'eau, les arbustes nus dressent de longs doigts grêles dans la brume matinale, le craillement multiple des corneilles emplit le ciel gris.
Le feuillage des hortensias pend tristement, jaune et flapi, les lourdes têtes bleues, élavées par la marcescence, prennent des lividités de chairs mortes.

mercredi, 19 novembre 2014

Ontogénie

L'intérêt de Queneau pour les cacographies, les cocasseries orthographiques, se manifeste précocement. En septembre 1914 — il n'a pas 12 ans —, il quitte Le Havre avec sa mère et passe quelques jours à Rennes  : "Maman et moi, nous sommes partis pour ne pas être pris par les Allemands". Le 14, il déjeune à l'hôtel et recopie consciencieusement le menu, "écrit à la craie sur une ardoise" :

"Tomade
Bœufs naturre
Maquaronie au gratin
Escalopts de veaux
Deseres"

Nous retrouverons intacte, un demi-siècle plus tard, cette curiosité malicieuse au fil des pages et des déambulations de Courir les rues.

dimanche, 16 novembre 2014

Imbéciles et gredins 3

Dans le numéro 1786 de la revue Les Annales, en date du 16 septembre 1917, on trouve à la rubrique "Coins de pages", une chronique intitulée "En lisant Montaigne", qui nous propose une exégèse pour le moins inattendue du dix-septième chapitre du second livre des Essais —  "De la presumption" :
"Depuis que la guerre a éclatén mon vieux Montaigne a soudain changé de physionomie, changé de ton. Comment expliquer ce miracle ? Car c'en est bien un : c'est le miracle de Montaigne. Il s'intéresse à nos histoires, comme ces morts de fantaisie à qui les auteurs de dialogues des morts imputent les plus étranges anachronismes. Il dit son mot. Il a beaucoup d'esprit. On le savait. Et surtout, il n'aime pas les Boches. Dieu ! non, il ne les aime pas. Parce qu'il ne hait rien tant que le mensonge.
Voici encore ce qu'il m'a dit d'eux ce matin :
"Qui est desloyal envers la vérité, l'est aussi envers le mensonge. Un prince ne peut establir ses affaires pour tout jamais par un seul manquement et faute à sa parole. On rechet souvent en pareil marché : on fait plus d'une paix, plus d'un traité en sa vie. Le gain, qui les convie à la première desloyauté, et quasi toujours il s'en présente, comme à toutes autres meschancetez, ce premier gain apporte infinis dommages suivans : jettant ce prince hors de tout commerce, et de tout moyen de negociation, par l'exemple de cette infidélité."
Voici ce que Montaigne m'a dit des Boches ce matin."
On ne commentera pas la prétendue citation — phrases amputées, sorties du contexte, dans lequel il n'est bien évidemment pas question de l'Allemagne ! Tout cela, d'ailleurs, où le ridicule le dispute à l'odieux, se passe de commentaires.
Que le patriotisme fasse des imbéciles, c'est déjà regrettable ; quand l'imbécillité se fait militante, cela devient effrayant.

Ce qui est en fin de compte assez cocasse, c'est que ces lignes ont été commises par... Abel Hermant, qui sera quelques années plus tard un "collabo" particulièrement zélé (Voir Paul Sérant, Dictionnaire des écrivains français sous l'Occupation, Grancher, 2002, p. 196-197).

jeudi, 13 novembre 2014

Signes commémoratifs

L'expression relevait naguère du domaine médical : les "signes commémoratifs" rappellent "une affection, une circonstance antérieure à la maladie actuelle".
La fièvre commémorative qui entoure les célébrations du centenaire de la Grande Guerre n'est pas sans rappeler, en effet, l'agitation "patrouillotique" évoquée avec une ironie féroce par le jeune Rimbaud (lettre à Georges Izambard du 25 août 1870). Le "devoir de mémoire" n'échappe pas au kitsch, à la mythification, à la récupération imbécile ou cynique. Quelques jours après qu'un élu a déclaré "stupide" qu'on meure pour des idées, on patrocine au pied des monuments sur le sacrifice héroïque des poilus. Les drapeaux claquent au vent de novembre, les pompiers se tiennent au garde-à-vous, on remet quelques médailles, les enfants des écoles ânonnent en reniflant les noms des soldats tombés au champ d'honneur, on déclame un poème affligeant de quelque Déroulède local...
J'évoquais sur "Facebook"la nécessité de lectures hygiéniques ou prophylactiques, prenant pour exemple Du témoignage, de Jean Norton Cru. Mais il ne serait sans doute pas mauvais d'établir plus systématiquement une bibliographie de textes politiquement incorrects qui, au moins, pourraient faire réfléchir — ou simplement réagir — le peuple nombreux des approbateurs, des moutons qui bêlent en chœur.
Dans l'urgence, une brève anthologie où l'on retrouverait Darien, Rémy de Gourmont, Aragon — pour les dernières pages du Traité du style — ou Galtier-Boissière — avec les numéros du Crapouillot consacrés à "l'histoire de la Guerre" ou au "bourrage de crânes". Et Léautaud : "Le lyrisme patriotique est décidément aussi bête que le lyrisme amoureux." (Journal littéraire, décembre 1950).

vendredi, 31 octobre 2014

Petite anthologie portative 82

RETOUCHE À L'AMOUR

deux ou trois îles
sur l'amertume

(Daniel Boulanger, À quatre épingles, Grasset, 2002)

jeudi, 30 octobre 2014

Crépuscule d'octobre

À l'horizon, pas de "confitures de crimes" : sur un fond de turquoise qui s'exténue jusqu'au gris, un barbouillis d'ocre, de cendre et d'encre mauve que la nuit, bientôt, offusquera.
L’œuvre au noir s'accomplit en silence.

lundi, 27 octobre 2014

Choses vues 9

Au magasin hard-discount, les queues s'étirent aux caisses. Je cède ma place à un grand escogriffe — gueule ravagée, barbe de trois jours, casquette vaguement militaire — dont les achats se limitent à une cannette de bière, qu'il règle avec une poignée de mitraille.
Sitôt dehors, il s'adosse à un mur, à peine abrité du vent froid et dégoupille sa bibine.
On a la gourde de colocase qu'on peut...