jeudi, 13 novembre 2014
Signes commémoratifs
L'expression relevait naguère du domaine médical : les "signes commémoratifs" rappellent "une affection, une circonstance antérieure à la maladie actuelle".
La fièvre commémorative qui entoure les célébrations du centenaire de la Grande Guerre n'est pas sans rappeler, en effet, l'agitation "patrouillotique" évoquée avec une ironie féroce par le jeune Rimbaud (lettre à Georges Izambard du 25 août 1870). Le "devoir de mémoire" n'échappe pas au kitsch, à la mythification, à la récupération imbécile ou cynique. Quelques jours après qu'un élu a déclaré "stupide" qu'on meure pour des idées, on patrocine au pied des monuments sur le sacrifice héroïque des poilus. Les drapeaux claquent au vent de novembre, les pompiers se tiennent au garde-à-vous, on remet quelques médailles, les enfants des écoles ânonnent en reniflant les noms des soldats tombés au champ d'honneur, on déclame un poème affligeant de quelque Déroulède local...
J'évoquais sur "Facebook"la nécessité de lectures hygiéniques ou prophylactiques, prenant pour exemple Du témoignage, de Jean Norton Cru. Mais il ne serait sans doute pas mauvais d'établir plus systématiquement une bibliographie de textes politiquement incorrects qui, au moins, pourraient faire réfléchir — ou simplement réagir — le peuple nombreux des approbateurs, des moutons qui bêlent en chœur.
Dans l'urgence, une brève anthologie où l'on retrouverait Darien, Rémy de Gourmont, Aragon — pour les dernières pages du Traité du style — ou Galtier-Boissière — avec les numéros du Crapouillot consacrés à "l'histoire de la Guerre" ou au "bourrage de crânes". Et Léautaud : "Le lyrisme patriotique est décidément aussi bête que le lyrisme amoureux." (Journal littéraire, décembre 1950).
00:24 Publié dans Mes inscriptions | Lien permanent | Commentaires (8)
Commentaires
"Facebook". désastre de la réflexion. Et contagieux. Pourquoi, au lieu de tout lire posément, j'ai survolé ton écrit et cherché machinalement le bouton j'aime ?
Écrit par : Patrice | jeudi, 13 novembre 2014
@Pat — "J'aime" !
Écrit par : C.C. | jeudi, 13 novembre 2014
"Rien de plus horrible pour un soldat déjà anonyme que de mourir inconnu " discourait hier, à La France, F. Hollande … un soldat anonyme ! on joue l’ange on fait la bête. On ne repart décidément pas à zéro.
Du « voyage au bout de la nuit :
( 8 http://www.pourlhistoire.com/docu/voyage-celine.pdf )
« Qui aurait pu prévoir avant d’entrer vraiment dans la guerre, tout ce que contenait la sale âme héroïque et fainéante des hommes ? »
Écrit par : jérôme | jeudi, 13 novembre 2014
J'aime quand tu fais des fôtes de frapp. Je me sens moins seul:
Journal "liiteraire".
Écrit par : Patrice | samedi, 15 novembre 2014
@Patrice — Merci pour ta vigilance. Je corrige ça presto.
Écrit par : C.C. | samedi, 15 novembre 2014
"La peur" de Gabriel Chevalier.
Après cette lecture, en général on ne va plus aux cérémonies du 11 novembre.
Écrit par : Serge | dimanche, 16 novembre 2014
@Serge. Dur à trouver, ce livre. Enfin, commandé. L'orthographe est souvent une ennemie: C'est "Chevallier": "Chevalier", les moteurs de recherche ne trouvent rien.
Et de toute façon, le 11 novembre, pour qui mène une vie en pointillés, c'est surtout la naissance de Paul Signac.
Écrit par : Patrice | dimanche, 16 novembre 2014
@Serge — Merci de nous rappeler que Gabriel Chevallier n'est pas seulement l'auteur de "Clochemerle".
@Patrice — Apparemment le livre est encore disponible en poche et se trouve assez facilement sur les sites de bouquinistes.
Écrit par : C.C. | dimanche, 16 novembre 2014
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