samedi, 31 mars 2012
Le grand style 20
"Le O, le simple O placarde de la pensée, l'éponge de tendons de muscles en position d'état d'esprit dans son seau, les déplacements des positions sensitives impressionnantes, la pensée est sentie par la sensibilité d'un muscle sensible au mouvement, elle a dû faire bouger un organe parce qu'il l'a ressenti. Je ramène les muscles en direction du continent par le bateau."
(Christophe Tarkos, "Oui" in Écrits poétiques, P.O.L., 2008)
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jeudi, 22 mars 2012
Incipit 8
"Je ne sache pas qu'il y ait un sens à la vie. Le mieux qu'on puisse faire, c'est de passer avec nos semblables le temps qui nous est départi parmi les choses qu'on a touchées, les bonnes, de préférence." (Pierre Bergounioux, La Casse, Fata Morgana, 1994)
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jeudi, 15 mars 2012
Pâté aux pommes de terre
Je reprends, avec le huitième volume — "Trajectoires" —, la lecture des Carnets de Calaferte. À côté des notes consacrées à son travail d'écriture, à ses pannes d'inspiration qui suscitent marinades "angoissielles" (terme qu'il semble affectionner particulièrement) et ruminations moroses, beaucoup de mysticisme, d'onirocritie, de considérations horoscopiques... On est content, tout de même, de retrouver, au détour d'une page, le Calaferte qu'on aime, poète façon Ferré, attentif aux fleurs et au regard des chiens, prompt aussi à cracher son indignation devant la sottise ou la cruauté ordinaire, à dégonfler les baudruches, à vitupérer Hugo ou Claudel.
À l'occasion d'un passage à Vichy, éloge mitigé — et inattendu — du pâté aux pommes de terre bourbonnais, "spécialité locale [...] touchante par sa simplicité", qu'il définit comme "une tourte contenant une espèce de gratin dauphinois qui [...] manque de saveur et, surtout, de légèreté". Certes, le pâté aux pommes de terre (qu'on connaît aussi dans la Creuse et le Berry), généreusement enrichi de crème fraîche, n'est pas particulièrement conseillé aux appétits d'oiseaux ou aux estomacs fragiles, mais, sous sa croûte dorée à point, relevé de ciboulette ou de cerfeuil, ce régal de pauvre peut être savoureux.
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vendredi, 09 mars 2012
Bibi
Beau matin froid. Le soleil s'évertue de bonne heure sur les prés poudrés de gelée blanche. La passante matineuse porte aujourd'hui un élégant trois-quarts tête de nègre et un coquet bibi purpurin. Pour l'allitération.
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mercredi, 29 février 2012
"Quel diable de langaige est cecy ?" 3
Les puristes vétilleux, les amateurs de subtilités grammaticales sont une engeance particulièrement insupportable — et, de surcroît, la plupart du temps ridicule : qu'on se rappelle l'anecdote du "professeur à l'école d'agriculture de Corbigny" se targuant d'avoir épinglé "une faute de français dans la préface du livre de Ponge". Tout de même, quoique aimant user de temps à autre, cum grano salis et surtout pour emmerder le monde, de vocables venant "d'estranges contrées", je dois avouer, au risque de rejoindre les rangs des "repreneurs fâcheux", que je suis exaspéré par la prolifération, sur les ondes et dans les journaux, d'anglicismes imbéciles, de néologismes onomatopéiques dont je ne saisis pas l'intérêt, ni d'ailleurs, parfois, la signification. "Pitch", "buzz", "hip top", "it girl"... Nous voici en plein comic strip ; bientôt, nous nous retrouverons à barboter dans la mare aux grenouilles de Brisset.
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vendredi, 17 février 2012
"Ha couper ! disoit l'aultre..."
"La plupart des accidents sont dus au fait qu'on a quitté sa chambre disait Pascal, ce Français si doué pour les mathématiques..." La référence aux Pensées (Lafuma 136, Brunschvicg 139) qu'on relève dans Juste un crime, de Theodor Kallifatides, est certes inattendue — et le détournement du texte de Pascal bien fait pour réjouir l'amateur de clins d'œil littéraires —, mais où Kallifatides est-il allé chercher que notre chaste Auvergnat, "si doué" également "pour les plaisirs de la chair", "devait savoir de quoi il parlait après s'être fait couper le membre pour avoir séduit une jeune fille, son élève"? Confusion, peut-être, avec les tribulations d'Abélard ou le zèle autotomique d'Origène ? Ces libertés prises avec l'herméneutique et la biographie pascaliennes n'enlèvent rien aux qualités de ce très estimable polar, dont l'auteur — qui note au passage que "le monde [est] devenu une citation" et prête à ses personnages maintes réflexions aphoristiques — évoque aussi bien l'octuor de Mendelssohn et le Requiem de Duruflé que Wittgenstein ou Françoise Sagan. Bon exemple de cette consubstantielle ironie du roman dont parle Kundera.
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jeudi, 16 février 2012
Élections, piège à … 2
" Peuple !
La période électorale est ouverte, pompeusement décorée du titre de "consultation nationale". Elle ne fait qu'affirmer une triple évidence :
La Fourberie avide des candidats,
La mauvaise foi de la presse qu'ils paient pour lancer leurs programmes,
L'inconscience de la masse votante ahurie par les boniments et mystifiée par les réclames.
Peuple,
Tous les candidats te flattent, donc tous te trompent.
Tout flatteur vit aux dépens de celui qui l'écoute.
Arrière tous ces fumistes
PEUPLE NE VOTE PAS !
Le Groupe :
Les Hommes Libres."
(Affiche anarchiste — élections législatives du 8 mai 1898.
Archives en ligne de la ville de Saint-Denis)
"Oui, cela étoit autrefois ainsi ; mais nous avons changé tout cela, et nous faisons maintenant la politique d'une méthode toute nouvelle."
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mardi, 14 février 2012
Météo 34
Après des jours de beau froid sec et soleilleux, voici de nouveau la neige — "de grandes cuillers de neige" lourde et molle, qui ne tardera guère à tourner à la patouille. Le jardin disparaît sous le brouillard. À l'approche de la nuit, le ballet des oiseaux autour des mangeoires s'interrompt. Hier et aujourd'hui, visite d'un pic épeiche, hôte inhabituel, qui ne s'attarde guère.
Que faire par ce temps, sinon en son gîte songer ? Achever la lecture de la dernière enquête du commissaire Wallander — "roman de pure mélancolie" — ou feuilleter, morose, une anthologie poétique de Milosz en écoutant une symphonie de Sibelius...
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mercredi, 08 février 2012
"Toutes les civilisations ne se valent pas..."
"Quel est ce peuple," pensaient-ils, "qui s'amuse à crucifier des lions ?"
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lundi, 06 février 2012
Groseilles, lentilles, oublies...
Aragon écrit, dans la préface aux Yeux d'Elsa — "Arma virumque cano", 1942 :
"J'avais, à l'âge où l'on apprend à aimer les poèmes, été singulièrement frappé par ces vers de Rimbaud
Mais des chansons spirituelles
Voltigent partout les groseilles
tels qu'ils figuraient sous le titre Patience (D'un été...) dans l'édition Vanier. On veut aujourd'hui (édition critique, Mercure de France) qu'ils se lisent
Voltigent parmi les groseilles
et sans doute qu'il en est ainsi. Mais je ne puis refaire le chemin parcouru et, pour moi, tant que je vivrai, je lirai Voltigent partout... avec cet étrange transitif du verbe voltiger, qu'on peut me dire être une faute, et que je persiste à considérer comme une beauté. L'art des vers est l'alchimie qui transforme en beautés les faiblesses."
Faiblesses, coquilles typographiques, inadvertances (on pense aux "lentilles vert émeraude" de Queneau), mais aussi — et de plus en plus souvent, avec le temps — lacunes de notre "encyclopédie". Exemple avec ce vers, justement, d'Aragon :
Annonçant le plaisir comme un marchand d'oublies
Combien, l'entendant réciter ou chanter sans l'avoir sous les yeux, l'entendent "à plus hault sens", comme s'il évoquait la fallacieuse promesse de quelque léthé ; ou, l'ayant sous les yeux, s'étonnent simplement de la négligence du correcteur ?
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