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mercredi, 26 janvier 2011

L'arrière-pays

Mardi — retour de Vichy au crépuscule. Au couchant, nulle "confiture de crimes", mais un barbouillis de nuages dans un ciel d'hiver couleur de souris morte et de saumon froid. Juste au-dessus de la ligne d'horizon tracée  à l'encre bleu de nuit d'une plume qui bavoche, une très faible aura suggère l'existence improbable de cet arrière-pays qu'évoque Bonnefoy : "... si l'arrière-pays m'est resté inaccessible — et même, je le sais bien, je l'ai toujours su, n'existe pas — il n'est pas pour autant entièrement insituable, pour peu que je renonce aux lois de continuité de la géographie ordinaire..."

jeudi, 20 janvier 2011

Petite anthologie portative 63

ÉPITAPHOS
CORONNOPUS

Gorgomar avait mâchoiré les petipesçons :
Les petipesçons l'ont mâchoiré.

(André Martel, Gorgomar, Cheval d'Attaque, 1974)

dimanche, 16 janvier 2011

Les plaisirs du dimanche 8

Apéritif à la caserne des pompiers. On boit du Lillet dans des gobelets de plastique.

jeudi, 13 janvier 2011

Choses vues 5

Près de l'école maternelle, une petite automobile d'un bleu curieux, très pâle. Je pense immédiatement à Modiano, parlant — dans Villa triste, à propos du costume de scène de Georges Ulmer — d'un bleu crémeux. C'est tout à fait cela...
Sauf que, vérification faite, le texte dit quelque chose d'un peu différent : "Ulmer portait un costume bleu clair et très crémeux sur lequel mon regard s'engluait." L'hendiadyn suffit ici à provoquer un glissement du mièvre vers l'écœurant et le poisseux.

lundi, 10 janvier 2011

Pauvre Vialatte

La Montagne a décidé de faire de 2011 "l'année Vialatte". Cette reconnaissance tardive, prenant prétexte du double anniversaire de sa naissance et de sa mort, a, comme la récupération commerciale entreprise moins d'une décennie après la disparition de l'auteur, quelque chose de vaguement indécent. Vialatte, sans doute, se serait passé du statut peu lucratif d'écrivain pour happy few et il lui fallait tout son humour pour faire "mieux que de se plaindre". Il n'est pas sûr, toutefois, qu'il eût été flatté des hommages oiseux que lui rendent aujourd'hui telle clownesse pondeuse de best-sellers ou tel gugusse, que son érudition en matière de films pornographiques n'autorise pas, que l'on sache, à jouer les critiques littéraires.

dimanche, 09 janvier 2011

Le sens de la formule 7

Dans la rubrique "éphéméride" du Figaro, cette citation d'Alexandre Jardin : "Ce n'est pas parce que les choses sont impossibles qu'il faut les accepter." Comprenne qui pourra.

dimanche, 02 janvier 2011

"Les cracheurs sont gens incommodes..."

Si l'on en croit un article de La Montagne, "cracher" le vin serait "dans le vent". Passons sur le jeu de mots lourdingue façon Libé ou Télérama — ces laborieuses calembredaines sont devenues tellement "incontournables" chez nos folliculaires qu'elles n'amusent plus personne. Ce qui m'est bien plus insupportable — alors même que je lis Le Rat et l'Abeille de l'excellent Raymond Dumay —, c'est ce mélange imbécile de snobisme et d'hygiénisme qui voudrait ériger en règle universelle une pratique insultant au bon sens et au savoir-boire.
Laissons, comme le préconise le dictionnaire de Trévoux, "le bassin à cracher" aux "enrhumés" et  aux  "pulmoniques".

Acedia

Faire la fête : manger sans faim, boire sans soif, danser sans joie...
Et c'est comme ça chaque année. Pourvu que ça dure !

samedi, 01 janvier 2011

Clown triste 2

"Ah ! Ah ! Mon dernier rire de l'année.
Minuit : mon premier rire de l'année."

(Giani Esposito, "Paris le désert")

"On rit aussi pour ne pas parler. Rire sans dire pourquoi on rit, c'est revendiquer le droit au for intérieur ; c'est aussi, et alors même que l'on vit en son sein, s'éclipser de la société, plaider silencieusement pour sa liberté." (Daniel Ménager, La Renaissance et le rire, Paris, PUF, 1995)
Plaidons silencieusement...

vendredi, 31 décembre 2010

Hypercorrection

À propos de la notion d'hypercorrection, Bernard Dupriez observe que c'est "à force de vouloir parler mieux que les autres [qu']on tombe dans l'incorrection". On trouve une bonne illustration de ce travers chez nos journalistes, qui — ayant trop lu peut-être les fulminations de Vialatte sur ce sujet — se croient désormais tenus d'employer l'indicatif dans les subordonnées introduites par après que. L'intention serait louable si ces gens-là maîtrisaient les règles de la concordance des temps et avaient quelques lumières sur la valeur des formes surcomposées. Ce qui n'est, hélas ! pas le cas. D'où bon nombre de cacographies ridicules que le recours au subjonctif pourrait leur éviter sans que personne n'y trouve à redire. Un exemple, hier encore, dans un article de Libération consacrée à l'orchidée victime du tabagisme de Keith Richards...