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mercredi, 23 août 2006

Remembrances du vieillard idiot 2

Lorsque j'étais étudiant à C., je buvais parfois, au snack-bar "Chez l'Ogre", un verre tardif avec un vieux maçon italien, qui ressemblait de façon frappante à Serge Reggiani. Il me parlait de ses lectures. Ses jugements catégoriques d'autodidacte, ses enthousiasmes et ses dégoûts suscitaient chez moi une sorte d'admiration inquiète. Il ne jurait que par Lénine, dont il possédait les œuvres complètes, et Rabelais... Je pense à lui, aujourd'hui, en relisant le bel essai de Kundera, "Le jour où Panurge ne fera plus rire".
Sade l'horrifiait. "C'est dégueulasse", disait-il.

Petite anthologie portative 27

Pour Ph. B., sans rancune.

Pour une fois, un texte un peu long...

"Tout discours sur l’amour qui n’est pas fait pour une petite société élégante est perdu et vain. Si on l’étend à trop de gens, on ne sait plus de quoi on parle. Pour pouvoir parler aujourd’hui de l’amour aux masses les érotographes prennent pour point d’orientation sûr les gestes et fumées venant de leurs couilles, convaincus qu’ils sont de parler de comportements communs et de signes que tous peuvent reconnaître. Mais pour créer une compréhension commune de ce langage en appa­rence si élémentaire et universel il faut une éducation pornologique universelle, une conversion en masse à la zone pubienne et anale, qui mette la vie tout entière dans la mire de l’excitation et de l’orgasme. Pour presque tous, Sade est un auteur incompréhensible, et peut-être le restera-t-il toujours. Cependant le courrier des journaux pornographiques s’évertue à établir un code (Si tu l’as aussi longue, tu dois chercher une amie poilue; arrache ton masque de solitaire: il y a, derrière, un chercheur frénétique de cul; il faut que ta sœur te masturbe; inonde-toi sans crainte de sang menstruel) et les orgasmes statistiques, les réponses des treize mille personnes interrogées par les deux dames docteurs aspi­rent à devenir catéchisme, guide touristique, chapitres d’almanach, mais on a l’impression que les gens s’avan­cent toujours plus loin dans des no man’s land aux réseaux de barbelés coupés, des terres brûlées par le bombardement qui s’étendent à l’infini. Parmi les cada­vres d’une tranchée réduite au silence on trouvera quelques débris, couverts de boue et de sang, de la statue d’Aphrodite. La marche de la raison, non éclairée par le cœur, provoque partout les mêmes effets, dans tous les domaines de la vie."

(Guido Ceronetti, Le Silence du corps, Poche-Biblio, 1988, p. 124)

 

mardi, 22 août 2006

Géographie élémentaire

On s'est beaucoup moqué de nos parents — ou grands-parents — qui se targuaient d'avoir appris à l'école la liste de tous les départements, avec les noms des préfectures et sous-préfectures. Cela procédait peut-être de conceptions pédagogiques discutables, mais j'avoue trouver consternant qu'aujourd'hui une journaliste de la radio puisse évoquer sans broncher, aux informations de la mi-journée, le "département Poitou-Charentes". Le 79, le 86, le 16 ou le 17 ?

dimanche, 20 août 2006

Embrassez qui vous voudrez

À la "Fête de la Rose", à Frangy, l'entartée de frais "refuse les embrassades de l'ancien maire" : "Si je commence, il faudra que j'en embrasse mille", dit-elle.
Vraiment sympathique, la p'tite dame. 

samedi, 19 août 2006

Chleuasme

Le journal intime autorise toutes les complaisances, la forfanterie, l’outrecuidance, jusque dans l’affectation de la sincérité. mais le lecteur n’est pas dupe : ce qu’on aime, chez Jules Renard, par exemple, ce n’est pas qu’il se livre à nu : c’est qu’il cabotine jusque dans l’aveu de ses petitesses, de ses mesquineries. C’est cela qui nous attendrit, parce que notre lecture est posthume, et qu’il faut tout pardonner aux morts…

Avec le blog, les choses ne sont pas très différentes. à ceci près que l’on n’est pas mort, et que le lecteur — de hasard le plus souvent — ne pardonne rien : si j’écris un jour que j’ai acheté un roman d’un auteur inconnu et que, le lendemain, je laisse échapper qu’il s’agit de Dave Eggers, je suis assuré de passer pour un béotien suffisant. J’apprends en effet que Dave Eggers n’est pas un inconnu, mais "l’auteur américain le plus admiré et imité de sa génération"… J’ai l’air de quoi ?

jeudi, 17 août 2006

Synonymie météorique

Il pleut. Il pleut beaucoup. Il pleut fort.

Une vingtaine de départements sont en vigilance orange. C'est joli, la vigilance orange, mais on peut regretter les vents d'abas, les ragas et les vimaires, absents des bulletins météo aussi bien que des dictionnaires récents...

Solderie

Ce matin, expédition à la solderie. Des livres invendus, qui dans deux jours seront invendables, feuilletés et rejetés dédaigneusement dans les bacs, jaquettes froissées, pages cornées, souillées... Je repars avec deux romans d'auteurs inconnus (on ne peut pas être déçu par un livre dont on n'attend rien) et quelques bouteilles de pauillac cru bourgeois 1997.

mercredi, 16 août 2006

Sardine

Murakami : difficile à caser dans les catégories du merveilleux, du fantastique ou de l'étrange, telles du moins que définies par Todorov. Bizarre, loufoque ? On est toujours entre amusement et malaise, dans un "monde possible" trivial et délirant, finalement très carrollien dans son absurdité logique.

Il y a aussi beaucoup de chats, chez Murakami.
Me plaît particulièrement celui de La Course au mouton sauvage, matou pétomane et édenté, dont le baptême s'accompagne d'un dialogue que n'eût pas désavoué le père d'Alice :

"Minou minou minou, dit le chauffeur au chat, en se gardant bien d’y porter la main. Comment s’appelle-­t-il ?
— Il n’a pas de nom.
— Comment faites-vous alors pour l’appeler ?
— On ne l’appelle pas, dis-je. il est là, c’est tout.
— Mais il ne reste pas tout le temps immobile. Il bouge, sous l’effet d’une volonté. Ça ne vous semble pas bizarre qu’un être qui agit de par sa volonté n’ait pas de nom ?
— Les sardines aussi bougent selon leur volonté, et pourtant on ne leur donne pas de nom.
— Oui, mais il n’y a aucun échange affectif entre une sardine et un être humain. D’ailleurs, une sardine ne comprendrait pas son nom. Cela dit, rien ne vous empê­cherait de lui en donner un.
— Si je vous comprends bien, pour qu’un animal puisse prétendre à un nom il faudrait qu’il se meuve de sa propre volonté, qu’il soit capable d’échanges affectifs avec les humains et, qui plus est, qu’il soit doté du sens de l’ouïe. N’est-ce pas ?
— C’est cela, oui, dit le chauffeur qui opina à plu­sieurs reprises, l’air convaincu. Dites, ça vous déran­gerait si je lui donnais un nom ?
— Absolument pas. Comment l’appelleriez-vous ?
— Que diriez-vous de "Sardine" ? Puisqu’au fond vous l’avez traité comme une sardine jusqu’à présent.
— C’est pas mal, dis-je.
— N’est-ce pas ? fit-il fièrement.
— Qu’en dis-tu ? demandai-je à ma girl friend.
— Pas mal du tout, dit-elle. On croirait assister à la Création du monde.
— Et la Sardine fut ! dis-je.
— Viens, Sardine, dit le chauffeur en prenant le chat dans ses bras.
Pris de frayeur, le chat lui mordit le pouce, puis il péta."

(La Course au mouton sauvage, Points-Seuil, 2006, p. 185-186)

mardi, 15 août 2006

Toujours des chats ?

Entendu ce soir aux informations : la panthère noire qui hante depuis quelque temps les abords du cap Gris-Nez ne serait, en fait, qu'un chat sauvage — ou un très gros chat noir...
Dans le doute, les battues continuent. Pour le plus grand bonheur, suppose-t-on, des gros cons, casquette en bataille et fusil en bandoulière.

lundi, 14 août 2006

Encore des chats

Elle est retrouvée. — Quoi ? l'éternité ?
— Non, la chatte de D.A.

Aujourd'hui encore, un chat blanc et roux dans le jardin. Craintif, hélas ! et qui détale dès qu'il nous aperçoit. À croire que la fréquentation des humains lui a appris à s'en défier. Plus tard, dans la rue, une petite chatte tricolore, moins prudente ou plus fatiguée, traverse comme au ralenti.
Il n'y a pas de mâles tricolores. Du moins chez les chats.