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mercredi, 23 août 2006

Petite anthologie portative 27

Pour Ph. B., sans rancune.

Pour une fois, un texte un peu long...

"Tout discours sur l’amour qui n’est pas fait pour une petite société élégante est perdu et vain. Si on l’étend à trop de gens, on ne sait plus de quoi on parle. Pour pouvoir parler aujourd’hui de l’amour aux masses les érotographes prennent pour point d’orientation sûr les gestes et fumées venant de leurs couilles, convaincus qu’ils sont de parler de comportements communs et de signes que tous peuvent reconnaître. Mais pour créer une compréhension commune de ce langage en appa­rence si élémentaire et universel il faut une éducation pornologique universelle, une conversion en masse à la zone pubienne et anale, qui mette la vie tout entière dans la mire de l’excitation et de l’orgasme. Pour presque tous, Sade est un auteur incompréhensible, et peut-être le restera-t-il toujours. Cependant le courrier des journaux pornographiques s’évertue à établir un code (Si tu l’as aussi longue, tu dois chercher une amie poilue; arrache ton masque de solitaire: il y a, derrière, un chercheur frénétique de cul; il faut que ta sœur te masturbe; inonde-toi sans crainte de sang menstruel) et les orgasmes statistiques, les réponses des treize mille personnes interrogées par les deux dames docteurs aspi­rent à devenir catéchisme, guide touristique, chapitres d’almanach, mais on a l’impression que les gens s’avan­cent toujours plus loin dans des no man’s land aux réseaux de barbelés coupés, des terres brûlées par le bombardement qui s’étendent à l’infini. Parmi les cada­vres d’une tranchée réduite au silence on trouvera quelques débris, couverts de boue et de sang, de la statue d’Aphrodite. La marche de la raison, non éclairée par le cœur, provoque partout les mêmes effets, dans tous les domaines de la vie."

(Guido Ceronetti, Le Silence du corps, Poche-Biblio, 1988, p. 124)

 

Commentaires

Sans rancune, Constantin. Merci.

Écrit par : Ph.B | mercredi, 23 août 2006

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