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lundi, 26 septembre 2005

Commedia

Il arrive un moment où l'âge nous interdit de reprendre à notre compte le "Nel mezzo del cammin di nostra vita". Il ne nous reste guère alors que le "Lasciate ogne speranza"...

26 septembre 1786

Rétif note :

"26 7bre : 4me anniversaire E Dernière avanture ; matin, relu mon drame entier ; tour de l'Ile ; grosse Pierre Sarrazin ; D IV volume Françaises.

(Mes Inscipcions, Plon-Nourrit, 1889)

dimanche, 25 septembre 2005

Météo 3

Le vent, la pluie, oh ! Le vent, la pluie !
Antigone, écartez mon rideau ;
Cet ex-ciel tout suie,
Fond-il decrescendo, statu quo, crescendo ?
Le vent qui s'ennuie,
Retourne-t-il bien les parapluies ?

(Jules Laforgue, "Complainte de l'automne monotone", 1885)

samedi, 24 septembre 2005

Ail de basse cuisine

Dans ce pays où l'on mange de plus en plus mal, où personne ne semble plus savoir cuisiner, le discours des chroniqueurs gastronomiques se fait de plus en plus indigeste. Tel s'ébaubit sottement devant l'infra-ordinaire, retrouve le goût "authentique" du rutabaga ou du topinambour — cette horreur carminative dont on régalait naguère les cochons ; tel autre se pâme en évoquant d'incomestibles kitscheries relevant de la "cuisine ornementale". Ah ! cette "chantilly pistache-roquette Izarra structurée par une pomme verte râpée" ! Et cette insupportable rhétorique, ce crétinisme snobinard, cette verbigération satisfaite et imbécile : "... un plat extrêmement dégagé, d'une totale lisibilité". Qu'est-ce que ça veut dire ? De qui se moque-t-on ? À "la cuisine du revêtement et de l'alibi" (Barthes, Mythologies) a succédé la cuisine du logogriphe et du radotage.
Relisons plutôt les truculences délirantes d'Alexandre Dumas, ou l'éloge du mouton par Delteil : "Cet opulent, ce baroque, ce mérovingien, qui pue hautement le benjoin, l'azote en chaleur et le pissat mâle, qui vous suffoque le nez et vous affole le fondement." (La Cuisine paléolithique, Robert Morel, 1972)

vendredi, 23 septembre 2005

Petite anthologie portative 6

EPITAFIO

Nacque ;
Fu sempre solo
Tra tanta gente ;
In molte parole
Tacque ;
Indi mori, s'accomiatò dal Sole.

Tommaso Landolfi (Il tradimento, 1975)

ÉPITAPHE

Il naquit ;
Il fut toujours seul
Parmi tant de monde ;
Avec tant de mots
Il se tut ;
Puis il mourut, il prit congé du soleil.

(trad. Monique Baccelli)

jeudi, 22 septembre 2005

La cognizione del dolore

La souffrance, la maladie, la déchéance physique nous infantilisent, nous livrent nus à la condescendance de la pitié d'autrui, nous abandonnent à nos propres apitoiements. L'expérience de la douleur révèle, à travers notre incapacité à assumer notre condition de mortels, notre consubstantielle immaturité. Devant la mort, nous sommes "cousus d'enfant" (Gombrovicz) : "Like a frightened child whistling, shouting in the dark, we labour to avoid the black hole of nothingness." (G. Steiner, Ten (Possible) Reasons for the Sadness of Thought, 2005)
La plupart des tentatives d'exorcisme par l'écriture sont dérisoires; touchantes parfois, souvent obscènes.
Qui n'éprouverait un sentiment de honte ou de malaise à la lecture de certaines pages du Journal secret de Léo Malet ?
"Affreux cafard, dès le réveil. Je me lève à 4 heures et demie.
Dans l'après-midi, en prenant un bain, je me branle, quoique mon sexe ne soit pas en érection. Impression pénible. Vraiment... Ne pourrais-je plus jamais ?..." (J.S., mardi 28 février 1984, Fleuve Noir, 1977)
Fallait-il vraiment publier cela ?

mercredi, 21 septembre 2005

Sic transit 2

Qui se souvient de Minou Drouet ?
Qui se souvient du prix Goncourt 1912 ?

Qui se souviendra de nous ? Un beau titre, désenchanté et prémonitoire : le livre voisinait avec d'autres invendus dans les bacs d'un soldeur. Je ne l'ai pas acheté. Le soldeur a fermé boutique il y a deux ans...

mardi, 20 septembre 2005

20 septembre 1902

Jules Renard note dans son journal :

"La lune sans sexe."

"Un cheval éclate de rire dans la nuit." 

Cynégétique 3

"La carnassière, le chasseur le sait, a deux séparations, l'une en cuir, l'autre en filet, celle en cuir est destinée à mettre dans les petites poches qui y sont pratiquées le port d'arme, la permission de chasse, les capsules et les lièvres, mais les lièvres seulement, pas d'autre gibier.
Si la carnassière du chasseur déborde, qu'il attache tout le menu gibier, cailles, cailleteaux, perdreaux, faisandeaux à l'extérieur avec des ficelles passées dans les mailles ; qu'il réserve le filet pour les perdrix, les faisans et les gros oiseaux qui ne craignent pas d'être froissés les uns par les autres ; s'il fait très chaud, qu'il ne mette jamais le lièvre dans le compartiment de cuir sans l'avoir fait pisser."

(Alexandre Dumas, Mon dictionnaire de cuisine, 1872)

Cynégétique 2

Le saviez-vous ? "Quand le lièvre est pris par les chiens il fait entendre un cri assez fort, semblable à la voix chevrotante d'un homme qui crierait : Coinc ! coinc !
Quand les chiens ont trouvé la voie il faut les laisser rapprocher, en criant : Bellement là ! bellement ! Et quand les voies bien mêlées et l'ardeur plus vive des chiens font connaître que le gîte n'est pas loin, il faut assurer les chiens, les rassembler, les appeler par leur nom, et dès que le lièvre est lancé, animer les chiens en criant : Coulez les petits ! coule, coule, coule ! Le lièvre craint plus les chiens que les chasseurs, et déboule de plus loin devant eux. Quand on le tire au déboulé, il faut le laisser un peu filer et le viser sur la nuque entre les oreilles ; si on le tire en cul, il est rare de le peloter au premier coup."
(Almanach-manuel du Journal des villes et des campagnes ou Annuaire encyclopédique religieux, agricole, commercial, industriel, anecdotique, prophétique, littéraire, etc., etc. pour l'an de grâce 1842)