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mardi, 13 septembre 2005

Et si estoit homme de lettres et de reputation, et qui avoit une belle robbe...

Je feuillette le Dictionnaire de Michel de Montaigne, récemment publié chez Champion. Plus de 1000 pages, sous une pimpante couverture jaune poussin : une somme. À quelques pages d'intervalle, des entrées inattendues, des commentaires dont "la légèreté n'exclut pas la gravité", des bonheurs d'écriture :
Chasse : "... l'écriture de l'"Apologie de Raimond Sebond" est aussi pour M. l'occasion d'évaluer, et donc d'assumer, la juste portée épistémologique du paradigme vénatoire. Pour donner cours à une éthique d'humanité il n'est pas question de réprimer la pulsion cynégétique, celle-ci étant incontournable en tant que telle ; il est plutôt nécessaire de la purger de toute violence, de la vider de toute cruauté, en opérant la transition de l'instinct à la conscience, du geste irréfléchi à la pensée qui (s')essaie." (D. Boccassini)
Chatte de Montaigne : "... cette chatte étend les réflexions de M. sur le sensorium bestial vers une considération utopique d'un monde ou "société" de créatures dans son ensemble, tout en dérangeant la compétence épistémologique des capacités humaines. La chatte réalise tout cela parce qu'elle porte avec elle, sur ses petites pattes de chat, une notion irréfutable de volonté animale — ce qui est au moins aussi intéressant que les débats plus répandus (et énumérés par Plutarque d'ailleurs) sur la question de la raison animale." (L. Shannon)
Cheval : "Le meilleur ami de M., après La Boétie, était assurément son cheval." (J. Aussaresse cité par J. Balsamo)
Mais quelle idée d'avoir fait appel à cet insupportable cuistre de Richard Cooper (professeur à Oxford), écolâtre bouffi de suffisance qui nous inflige un filandreux pensum de quatre pages, bourré de cacographies, sur les relations de Montaigne et de Jacques de Goyon-Matignon ! Qui cela peut-il bien intéresser, à part quelques érudits locaux, lépismes humains, brouteurs de paperasses ?

lundi, 12 septembre 2005

Sic transit

À Wazemmes, un soir de juin dernier.

Je choisis un melon à l'étal de l'épicerie.
Un peu plus loin, sur le trottoir, un escogriffe chenu en jeans et blouson de cuir vocifère et titube, avant de s'effondrer dans le caniveau, brisant dans sa chute le litre de pastis qu'il vient apparemment de vider. Les traîne-savates du quartier s'empressent : on éponge le sang, on appelle une ambulance, on fait cercle autour de l'épave inconsciente...
Un petit vieux sort de l'épicerie, contemple un moment la scène, atterré, et me prenant à témoin :
"Vous vous rendez compte, monsieur ? Un ancien guitariste d'Hervé Vilard ! ..."

Pierre Autin-Grenier en eût fait une nouvelle.

Météo 2

"Il pleut. Naturellement. Comme toujours. Et ça durera jusqu'à notre mort (si nous arrivons jusque-là...). On n'a encore jamais vu de jour où il ne pleuve pas. Je sais bien que les trois quarts des romans commencent en disant, au hasard : "Par une belle matinée de printemps", ou : "Par une belle journée d'automne" ; mais justement, ce sont des romans. Ils enjolivent. Il n'y a pas de belle journée de printemps, il n'y a pas de belle journée d'automne. Il y a des jours où il pleut constamment, et d'autres où il pleut davantage. C'est tout."

(Alexandre Vialatte , "Chronique des géants d'autrefois" in Antiquité du Grand Chosier, Julliard, 1984)

dimanche, 11 septembre 2005

Langage cuit

FRIGITTE

Visagré, corsaimabe, bosseins : cé ragrettabe. Zoiz aphone, flor inode, frubel insipe ! Con te papouille, con te cratouille, con te brazouille, con soye grozembite, con soye longambite, con soye durembite : cétidem ! Le bandapharlux superdru calorivergeant, façatoi : se ritracte en accordéhom au catiminissime.

O Sibériane !

Brr !

(André Martel, La Djingine du Théophélès, Cheval d'attaque, 1975)

Le style est l'homme même

Avant Barthes, Buffon et avant Buffon, Pascal :

"Style. Quand on voit le style naturel on est tout étonné et ravi, car on s'attendait de voir un auteur et on trouve un homme. Au lieu que ceux qui ont le goût bon et qui en voyant un livre croient trouver un homme sont tout surpris de trouver un auteur. Plus poetice quam humane locutus es." (Pensées)

Variante : chez les uns, le style trahit le moi social ; chez les autres, il se constitue en métaphore du moi littéraire.
Un écrivain sans style n'a pas plus d'existence que le couteau de Lichtenberg.

Limerick

There was a young lady of Pinner,
Who dreamt that her lover was in her.
This excited her heart,
So she let a great fart,
And shit out her yesterday's dinner.

samedi, 10 septembre 2005

Cynégétique

Pouvoir de la littérature : Mario Rigoni Stern et Jim Harrison finissent par nous persuader de la beauté de la chasse.
"... les forces des adversaires de la chasse semblent augmenter de jour en jour, mais leurs discours sont largement alimentés par la croyance à une éthique unique qui serait valable pour tous les êtres vivants. Quand j'admets volontiers qu'une bonne moitié des chasseurs sont des porcs qui trahissent régulièrement tous les impératifs d'une chasse équitable, je ne fais que constater une norme déplorable du comportement humain."
(Jim Harrison, En marge, 2003)
Tout de même, lorsqu'il parle d'une bonne moitié, il me semble que J.H. est très en dessous de la vérité.
En tout cas pour ce qui concerne les chasseurs de chez nous...

vendredi, 09 septembre 2005

In memoriam

Ici naquit Georges Machin
qui pendant sa vie ne fut rien
et qui continue

(Georges Perros, Une vie ordinaire, 1967)

Le grand style 3

"Plus tard, les mariniers trouvèrent la morte, culbutée à l'envers, en posture de cake-walk. Son sexe émergea le premier boire l'air que respirent les hommes, et au petit bruit de baiser qu'il fit, en crevant la surface, comme un cyprin gobe une miette de gâteau, on vit qu'il leur disait :
— Bonjour."
(Alfred Jarry, La Dragonne, II, 3)

Nains et magots

À l'origine du rayonnement dérisoire de tant de médiocres : la posture et l'imposture.

Barbacoles infatués d'eux-mêmes, carriéristes minuscules, toutous flagorneurs ou roquets clabaudeurs, il n'y a rien de grand chez tous ces petits, accrochés à leur notoriété de chef-lieu de canton...

Le trou noir du néant vous engloutira, et vos hochets ridicules.