mercredi, 02 octobre 2019
Vendémiaire
Crépuscule d'octobre.
Départementales étroites du Bourbonnais.
Il pleuvine, pleuvote, pleuvasse.
Poésie des lieux-dits — toponymes qui sont aussi des patronymes : endogamie des Boïens sédentarisés avec l'assentiment de César.
"Boios, petentibus Hæduis, quod egregia virtute erant cogniti, ut in finibus suis collocarent, concessit ; quibus illi agros dederunt quosque postea in parem juris libertatisque condicionem, atque ipsi erant, receperunt." (De Bello Gallico, I,28)
Des lampes s'allument dans les cuisines des fermes.
On roule à petite allure ; chuintement des pneus sur la chaussée mouillée, cliquetis assourdi des essuie-glaces ; on écoute en boucle le palindromique To rococo rot...
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mercredi, 25 septembre 2019
Remembrances du vieillard idiot 20
Au menu dominical
du lycée Blaise-Pascal :
le steak de cheval...
Céleris et viande
morte baignaient dans un jus
couleur de purin.
(Clermont-Ferrand, années 70)
Plaisirs du dimanche. Pour les pions de service ce jour-là, les matinées étaient moroses. Dans le bureau du surveillant général, aux murs d'un vert chlorotique, nous nous partagions les feuilles de La Montagne. Vialatte y publiait alors ses dernières chroniques. La mélancolie et la mort y rôdent au détour de chaque paragraphe : Et in Arcadia ego...
"Il va falloir un jour entrer dans la vieillesse. C'est un appartement désert.
Par les fenêtres on y voit la vie. Mais on ne l'y voit plus que par les fenêtres. Au crépuscule, elle est peuplée de fantômes. Et puis, un jour, soi-même, on se déguise en souvenir."
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jeudi, 12 septembre 2019
Le mystère de l'omelette aux pommes de terre
L’œuf était dans la boîte... et après, il n'y était plus.
L’œuf de Schrödinger ?
Il y a des incidents domestiques inexplicables.
Certes, ce n'est pas Double assassinat dans la rue Morgue, mais tout de même...
Je n'en ai pas bien dormi cette nuit. Après tout, c'était peut-être simplement à cause du chat juché sur mon estomac, tel le cauchemar de Füssli — pas le chat de Schrödinger : le nôtre, naguère erratique, sédentaire aujourd'hui, avec ses exigences de fils unique et des manies de vieux garçon.
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mercredi, 31 juillet 2019
Capri, petite île
Je n'ai pas lu Capri, petite île, le roman de Félicien Marceau — et ne le lirai probablement jamais, pas plus qu'aucun autre du même auteur, oubliable "immortel". Néanmoins, j'aime ce titre pour son laconisme technique — j'oserais presque dire : son exotisme grammatical. Je ne puis le rencontrer sans songer aux subtiles — et vaguement chipoteuses — normes grammaticales régissant l'usage des termes géographiques ; en l'occurrence, des "nésonymes". Grevisse — comme souvent — se révèle à ce propos d'une grande utilité :
"Devant les noms féminins de grandes îles proches ou lointaines, pour indiquer le lieu (situation ou direction), on emploie en : EN Sardaigne, EN Islande, EN Nouvelle-Guinée. — Toutefois on dit : À Terre-Neuve. Devant les noms féminins de petites îles lointaines, on emploie à la : À la Réunion, À la Martinique. — Devant les noms de petites îles d'Europe et devant les noms masculins de grandes îles lointaines, on emploie à : À Malte, À Chypre, À Cuba, À Madagascar." (Le Bon Usage, III, 2.2, "L'article défini", § 318, 2° — Remarques, p. 218, 8e éd., 1964)
"Ah! que cela est beau !" — aurait dit monsieur Jourdain. Hélas ! on ne se soucie plus guère, aujourd'hui, de telles subtilités : le "bon usage", comme Capri, c'est fini.
08:08 Publié dans Mes inscriptions | Lien permanent | Commentaires (0)
Cornettes et sonneries 12
Vénus anadyomène : reins beaux.
Après le déluge : rainbow.
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samedi, 27 juillet 2019
Cataractæ cæli 2
Après les orages d'hier — beaucoup de bruit pour rien —, il est tombé tout le jour une bonne pluie émolliente sur les jardins torréfiés par la canicule — l'Auvergne ignore la fraîche haleine des vents étésiens.
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mardi, 18 juin 2019
Désherbage
Ce dernier week-end, grand désherbage triennal à la médiathèque départementale de l'Allier : quelques milliers de livres et de disques bradés au prix quasi symbolique d'un euro — et sans doute plusieurs centaines de chalands sur les deux journées d'ouverture au public.
Les articles, rangés dans des dizaines de bacs, sont presque tous en fort bon état. Certains semblent bien n'avoir jamais été empruntés, tel cet Ostinato dans l'édition du Mercure de France — ou encore la Trilogie de Robertson Davis en Romans/Payot grand format. Il faut néanmoins se montrer raisonnable et savoir ne pas céder à toutes les tentations. Je renonce ainsi à acquérir les œuvres à peu près complètes d'Hoffmann, publiées chez Phébus, un Demélier, un Mohammed Dib et tant d'autres, sachant que je ne les lirai pas. Je repartirai avec une quinzaine de volumes ; outre Des Forêts et Davis : Rafael Alberti, Béatrix Beck, Bergounioux, William Kotzwinkle, Montherlant, Chris Offutt, Louis Owens, Oscar Panizza....
Pour les CD, à l'exception d'Ernst Křenek — Lamentatio Jeremiæ Prophetæ —, je m'en tiens au jazz : Stéphane Grappelli et Martial Solal, Charles Lloyd et Billy Higgins, Didier Lockwood, Leon Parker, Chris Potter, Sonny Rollins, Louis Sclavis, Archie Shepp, Miroslav Vitous.
J'achète livres et disques — en double, parfois, par inadvertance — comme d'autres achètent du sucre. Nul besoin de redouter l'imminence de la révolution, ni d'attendre la saison des longues veillées pour faire des provisions !
Pour l'heure, le désherbage, c'est aussi l'entretien du jardin, tâche qui, les saisons passant, nous semble de plus en plus décourageante. Le potager a cédé la place à une jungle de plantes aromatiques, la verveine citronnelle et la tanaisie prolifèrent, de nouveaux pêchers de vigne surgissent chaque année ; un dernier pommier survit tant bien que mal, péniblement débarrassé du gui et des branches mortes ; la vigne et les rosiers grimpants s'enchevêtrent inextricablement aux grilles de clôture ; la glycine, quoique affaiblie par un hiver particulièrement long, continue d'étreindre le bouleau qui dépasse le toit... L'exubérance végétale restreint, au-dehors, l'espace vital, le gazon où jouaient naguère les enfants. À l'intérieur, ce sont les livres, les meubles accumulés au fil du temps, au hasard des brocantes — et cent brimborions, au milieu de quoi il faut se frayer un chemin pour accomplir les rituels prosaïques de la vie quotidienne...
22:50 Publié dans Mes inscriptions | Lien permanent | Commentaires (3)
mardi, 11 juin 2019
Lentilles vert émeraude 5
En parcourant Desnos — The Night of Loveless Nights —, ceci :
"... L’amour cuit et recuit comme une fausse oronge
Et l’ombre d’une amante..."
Je lis : "Et l'ombre d'une amanite".
Plus loin : "Sa bouche a la saveur d'un fruit empoisonné."
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mardi, 04 juin 2019
Paix des pâtis 2
Retour, dimanche dernier et pour quelques heures, en mon "païs de vache" — territoire incertain d'outre-Loire, qui n'est donc plus tout à fait le Bourbonnais et n'est pas encore, pour autant, le Charolais, le Brionnais ou la Morvan. Bonheur de retrouver la maison d'enfance, l'ouche et le vieux puits, la petite "locaterie", désormais lieu de "retirance" pour week-ends d'été. Dans le pré, devant la maison, quelques génisses curieuses s'alignent le long de la clôture, étonnées — comme l'étaient les lapins de Daudet — de l'animation inhabituelle des lieux, des jeux et des cris des fillettes, qui les approchent sans crainte.
Dans l'après-midi, au plus fort de la chaleur, le silence règne, ; à peine entend-on le grésillement d'un grillon dans le jardin, le bruit d'ailes d'un ramier, le chant ténu d'un oiseau... Les vachettes ruminent. Sans doute, aujourd'hui, n'ont-elles plus de nom. On les identifie par le numéro qu'elles portent à l'oreille. L'une de mes petites-filles a remarqué que la 6059 avait tendance à se tenir à l'écart du reste du troupeau...
22:47 Publié dans Mes inscriptions | Lien permanent | Commentaires (2)
mardi, 28 mai 2019
Les langages de Thrasybule
Lorsque Thrasybule l'Erratique — encore innommé et vaguement farouche — commença de fréquenter notre jardin, nous le crûmes mutique. Il ne miaulait ni ne ronronnait ; traumatisé, peut-être, par un abandon récent ou de possibles sévices, il manifestait en outre une curieuse phobie des chaussures, dont il ne s’est pas complètement guéri, considérant avec méfiance sabots et pantoufles.
Aujourd'hui, le timide chat, bien installé, a pris possession des lieux ; ses caprices règlent désormais le train de notre vie domestique — de la "ménagerie", eût dit Montaigne. S’il n’est pas excessivement démonstratif ni affectueux, il témoigne du moins sa satisfaction — lorsqu'il est repu ou qu’on le brosse — par un ronron discret et, assis sur son cul, un petit dandinement de poussah.
Mais surtout, il a pris conscience des pouvoirs du langage et développé le sien propre, sur un triple registre, en fonction de ses attentes, de ses exigences ou de ses foucades.
Ignorant le vanum est vobis ante lucem surgere du Psalmiste — et se levant, comme la Pernette, "trois heures devant jour", Thrasybule manifeste ainsi son désir de sortir par un très bref et faible miaulement, presque timide : "Désolé de vous réveiller, mais je dois aller faire ma ronde matinale." La sollicitation, quoique courtoise, sera réitérée, si nécessaire, un peu plus fermement, soulignée par un griffage énergique du crapaud de la chambre ou de quelque tapis
Plus tard, le miaulement se fera plus sonore, insistant et prolongé, quasiment tragique, pour réclamer pâtée ou croquettes, beurre au petit-déjeuner ou autres béatilles, au hasard des menus de la maison. Le message, fortement injonctif, s’accompagnant alors de diverses gesticulations et frôlements témoignant d’une impatience gourmande à son paroxysme. Et il y a enfin le noli me tangere, grave, retenu, comme un feulement qui grimpe jusqu'au falsetto comminatoire. Cela se produit le plus souvent à l’extérieur, plus rarement lorsqu'on pousse la porte d’entrée. Réflexe, sans doute, de défense d’un territoire qu’il a fait sien suite à un balisage urinal quotidiennement confirmé. C’est l’unique avertissement avant l’attaque toutes griffes dehors, la queue battant les flancs furieusement. C’est, mordant et lacérant mollets, chaussures ou pantalon de la victime, Rodilardus retrouvé — le "grand chat Soubelin attaché au demy bas des chausses de Panurge".
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