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lundi, 29 mars 2010

Portmanteau word

Il y avait jadis les jacqueries, les émeutes serviles et les soulèvements des gueux. Dans le plus perdu des Clochemerle, la populace évacue aujourd'hui sa "colère" en billets cacographiques sur des blogs pitoyables. Il faudrait, à propos de cette tourbe écrivassière, parler d'analphabêtes — le début du mot renvoyant de surcroît à la formule de Béroalde : "Leur bouche est en paroles aussi honneste que le trou de mon cul."

vendredi, 26 mars 2010

Météo 29

Giboulées de printemps.
Une dame passe sous un parapluie rose jacinthe.

jeudi, 25 mars 2010

How The Dead Live

Entendu l'autre jour ce dialogue de comptoir, que la transcription écrite prive du sel que lui confère l'accent local :

"Et le Michel, comment qu'i' va ?
— Le Michel ?
— Ben, oui ! le Michel, ton gars...
— Oh ! ça va ben, ça fait quatre ans qu'il est mort !"

lundi, 22 mars 2010

"Ouvrez-moi cette porte où je frappe en pleurant"

Soir d'élections. Un ivrogne tambourine aux vitres de la mairie en vociférant : "Laissez-moi entrer. Je suis un citoyen, moi aussi : j'ai le droit de savoir !"

dimanche, 21 mars 2010

Wenn ich Kultur höre...

M'intéressent, seules, la culture populaire — concours de pétanque, défilés de majorettes, fêtes de la chasse ou foires aux choux... — et la culture élitaire. Ne pouvant sans outrecuidance me réclamer de celle-ci à l'exclusion de toute autre, je me vautre volontiers dans celle-là. Entre les deux, le fritto misto qui fait les délices des lecteurs de Télérama et des instituteurs en retraite me coupe l'appétit — et l'envie même d'y goûter.

vendredi, 19 mars 2010

"De fleurs en mars ne tiens compte"

Les oiseaux délaissent les mangeoires encore garnies de graines. Au jardin, premiers crocus et premières primevères, premiers papillons soufrés. La campagne, dans les lointains, s'étale paisible, "couleur de bure et de fumée", sous un ciel délavé. Trompeuse douceur du temps... Ce soir, il pleut.

mercredi, 17 mars 2010

Ionesco à la supérette

À la caissière qui me réclame deux euros et quatre-vingt-dix-neuf centimes, je fais observer qu'il eût été plus simple d'arrondir le prix du produit à trois euros. Elle me rétorque : "Oui, mais j'étais trop jeune pour aller voter." Je me suis demandé toute la journée ce qu'elle avait bien pu vouloir dire...

In paradisum 2

Morts, nous reviendrons hanter les songes de ceux qui nous ont connus. Il n'est d'autre paradis que les rêves de ceux qui nous survivent.

lundi, 15 mars 2010

Notes de lecture

"J'ai passé la moitié de mon existence à l'université, et pourtant je n'en suis pas. Je ne suis de nulle part, en réalité. À part la région que j'ai quittée, et ça par force rien qu'en souvenir." (Harry Crews, Des mules et des hommes. Une enfance, un lieu, Folio, 2009)
"Les trente dernières années se ramènent à rien. C'est pire que ça. Elles constituent une régression sans précédent dans les domaines de l'innovation intellectuelle, de la lutte politique, de la moralité publique et des vertus privées. Juste avant de mourir, Fellini a confié ses dernières paroles à un personnage anonyme, invisible, de La Voix de la lune, son dernier film. On l'entend crier, dans la nuit, d'une voix où l'indignation le dispute à la colère : "Siamo un popolo di stronzi !" Après ça, le maestro, peu soucieux de s'attarder en pareille compagnie, s'est éclipsé." (Pierre Bergounioux, Back in the sixties, Verdier, 2003)
"L'effondrement de la syntaxe va de pair avec la fin du christianisme." (Richard Millet, L'Orient désert, Folio, 2009)
Truisme pour dissertation littéraire : tout lecteur est lecteur de soi-même...
Lendemain d'élections : je ne lis pas les journaux. La radio reste muette. J'écoute Crumb — Vox balænæ — et Lutoslawski — Trois poèmes d'Henri Michaux.

dimanche, 14 mars 2010

Petite anthologie portative 58

quand le jour viendra
regarde qui s'efface
sur tes lèvres
chaque nom meurt
en silence

(Bernard Noël, "Nulle part ma voix" in La Chute des temps, Poésie/Gallimard, 1993)