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lundi, 15 mars 2010

Notes de lecture

"J'ai passé la moitié de mon existence à l'université, et pourtant je n'en suis pas. Je ne suis de nulle part, en réalité. À part la région que j'ai quittée, et ça par force rien qu'en souvenir." (Harry Crews, Des mules et des hommes. Une enfance, un lieu, Folio, 2009)
"Les trente dernières années se ramènent à rien. C'est pire que ça. Elles constituent une régression sans précédent dans les domaines de l'innovation intellectuelle, de la lutte politique, de la moralité publique et des vertus privées. Juste avant de mourir, Fellini a confié ses dernières paroles à un personnage anonyme, invisible, de La Voix de la lune, son dernier film. On l'entend crier, dans la nuit, d'une voix où l'indignation le dispute à la colère : "Siamo un popolo di stronzi !" Après ça, le maestro, peu soucieux de s'attarder en pareille compagnie, s'est éclipsé." (Pierre Bergounioux, Back in the sixties, Verdier, 2003)
"L'effondrement de la syntaxe va de pair avec la fin du christianisme." (Richard Millet, L'Orient désert, Folio, 2009)
Truisme pour dissertation littéraire : tout lecteur est lecteur de soi-même...
Lendemain d'élections : je ne lis pas les journaux. La radio reste muette. J'écoute Crumb — Vox balænæ — et Lutoslawski — Trois poèmes d'Henri Michaux.

Commentaires

En janvier 1854 Delacroix parle de "panhypocrisiade" pour décrire le niveau de l'art français, probablement le plus élevé du monde alors et qui ressemble à un chant du cygne baroque. Il avoue que Georges Sand ou Alexandre Dumas représentent une débauche de talent employé à rien foutre.
Ceux qui se moquent de ce genre d'alarme oublient que le temps s'entend par blocs de mille ans environ, et qu'une erreur de cent ou deux cent ans n'est pas vraiment significative.

Écrit par : Lapinos | lundi, 15 mars 2010

Je voulais surtout réagir au propos de ce Richard Millet (Si ça pouvait être un universitaire, ça m'arrangerait pour ma démonstration que les universitaires racontent n'importe quoi et principalement des mensonges. L'idiote théorie syntaxique d'Einstein permettant de conclure dogmatiquement que "la vérité n'existe pas".)

C'est exactement le contraire qui est vrai : le culte de la syntaxe prospère sur les ruines du christianisme. Pas besoin d'avoir fait 'Normale Sup.' pour piger que la syntaxe est étroitement liée au temps. Pas besoin d'avoir fait dix ans de catéchisme pour savoir qu'il n'est nulle part fait l'éloge dans les évangiles des choses temporelles.

Dans de nombreux écrits prophétiques les puissances temporelles sont même décrites comme les meilleures alliées de Satan. L'islam lui-même a été longtemps considéré comme satanique par les chrétiens (Dante, un des premiers apôtres de la laïcité) car "théocratique". La doctrine de Maurras a été déclarée satanique pour la même raison. Dès l'Ancien Testament, l'avertissement est lancé contre le langage. Enfin la corde est si constamment associée au langage ; celui-ci joue un tel rôle au plan politique ; l'arbre est un tel symbole de la génération et de la politique qu'il est difficile de ne pas voir dans la corde avec laquelle le nationaliste Judas Iscariote se pend un symbole du langage. On remarque d'ailleurs en notre temps d'hyperpolitisation des tentatives ici ou là de... réhabiliter Judas.

Écrit par : Lapinos | mardi, 16 mars 2010

Obscurum per obscurius... Si tant est que Millet soit obscur. S'il y a quelque chose à gloser dans sa formule, ce ne peut être que le "va de pair", le constat d'une concomitance que nous sommes tentés d'interpréter comme une relation de cause à effet. À rapprocher de l'une des épigraphes du livre, empruntée à Ceronetti : "Le mot Dieu est disparu avec le mot pou. Dieu est mort en même temps que le pou et pour la même raison : une aspersion d'insecticide. Par cette Mort du Pou l'humanité s'enfonce dans l'hygiène et dans la ruine."

Écrit par : C.C. | mardi, 16 mars 2010

Un pair et passe. Les jeux de langue sont cartésiens.

Écrit par : Lapinos | jeudi, 18 mars 2010

Ben mince je viens de lire dans une notice que votre Millet est un pote de Johnatan Littell.
Défendre la langue française et les bouquins mal traduits de Littell en même temps me paraît plutôt gonflé. Ce qui détruit le langage est exactement la même chose que ce qui a bousillé la peinture vers 1850 : le désir de faire une oeuvre parfaite.

Écrit par : Lapinos | jeudi, 18 mars 2010

Ce que je crois savoir : Millet, lecteur chez Gallimard, a eu le flair de retenir le manuscrit des "Bienveillantes", rejeté par tous les autres éditeurs. Cela prouve simplement qu'il connaît son métier et peut opérer des choix pragmatiques... Cela n'enlève rien à ses qualités de styliste, ni à la profondeur de ses textes. C'est incontestablement l'un de nos meilleurs auteurs actuels — et l'un des plus intelligents.

Écrit par : C.C. | jeudi, 18 mars 2010

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