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vendredi, 27 novembre 2009

Animelles et tripous

Je découvre avec effarement que, depuis des années, je fais mes délices de nourritures que le Français civilisé (id est, naturellement, le Parisien) considère comme répugnantes. Du moins si j'en crois une journaleuse du Nouvel Observateur, qui consacre, dans les pages "Air du temps" du "grand hebdomadaire de gauche", un articulet à ce qu'elle appelle élégamment "la bouffe dégueu" — appellation qui, pour la dame, recouvre pêle-mêle les tripes, les cuisses de grenouilles, les choux de Bruxelles, aussi bien que les "couilles d'agneau", la queue de bœuf ou le gratin dauphinois au "fromage qui pue". Je suis tout de même réconforté d'apprendre que ces viandes rustiques sont désormais — mais pour combien de temps ? — très "tendance" ; qu'il y a "un petit côté transgressif assez jouissif à remettre ces produits au goût du jour". Finalement, le snobisme imbécile du propos est intéressant en ceci qu'il manifeste un renversement assez logique des valeurs gustatives et culinaires : aujourd'hui qu'il est devenu banal de passer ses vacances aux antipodes, les spécialités du Rouergue ou du Bugey sont, pour le palais du citadin, aussi exotiques que l'achacana ou le "biblimbing de Java" pour les contemporains d'Alexandre Dumas. Lequel savait écrire, préfère parler d'animelles plutôt que de "couilles d'agneau" et n'aurait pas confondu, en légendant la photo qui illustre l'article, tripes et tripous.

mardi, 24 novembre 2009

What I hate the most

Le questionnaire "de Proust" et la dictée "de Mérimée" ont un double point commun : ce sont des exercices parfaitement ineptes — comme en témoigne leur popularité même — et qui ne doivent pas grand-chose à leurs éponymes.

mardi, 17 novembre 2009

"Les chers corbeaux délicieux"

À la douceur traîtreusement printanière de la matinée succède une après-midi froide, qui tressaille sous de brusques bourrasques, convulsives et mouillées. Un brouillard cotonneux se répand sur la campagne à l'approche du crépuscule. Dans le ciel couleur de cendre, des volées de freux coraillent aigrement. On a envie soudain d'une poêlée de châtaignes grillées et d'un verre de vin rouge, de quelques notes de Satie. Plaisirs minuscules de novembre...

samedi, 14 novembre 2009

Petite anthologie portative 56

OISEAUX

l'exil s'en va ainsi dans la mangeoire des astres

portant de malhabiles grains aux oiseaux nés du temps

qui jamais ne s'endorment jamais

aux espaces fertiles des enfances remuées

(Aimé Césaire, "Ferrements", in La Poésie, Seuil, 2006)

Cum commento

Je retrouve, sous l'une des piles de livres qui encombrent ma table de travail (il faudrait peut-être ici des guillemets ou un point d'ironie), l'anthologie de textes de René Char, Poèmes en archipel — publiée il y a un an ou deux en "Folio". Il est assez rare qu'on puisse dire d'un livre de poche qu'il est beau et, en ce sens, ce volume constitue une remarquable exception : papier de qualité, typographie aérée, illustrations nombreuses et bien choisies... Mais était-il nécessaire — même s'il s'agit là d'une édition destinée, comme le laisse entendre la préface, à des lycéens — de nous infliger des gloses superfétatoires, balourdes, d'un prosaïsme aussi scolaire ? Un seul exemple, pris au hasard. "Je cours au terme de mon cintre, colisée fossoyé" appelle la note suivante : "Le monumental amphitéâtre de l'antique Rome, terrain d'exploits des gladiateurs, est ici ceint d'un fossé." Voilà qui est éclairant et utile. On pense à Rabelais, à propos des Pandectes commentées par Accurse : "Une belle robbe d'or triomphante et précieuse à merveilles, qui fust brodée de merde."

Devoir de réserve

Monsieur Raoult doit confondre Marie N'Diaye et Marie Crow Dog.

jeudi, 12 novembre 2009

Courir les rues 3

Une bicoque maussade dans une rue sinistre. Sur la porte, badigeonnée d'un marron fécal, une demi-douzaine de plaques et d'écriteaux, blancs, bleus ou rouges :

"MARTINE V..."

"Mme V..."

"DEFENSE
D'ENTRER"

"ATTENTION
AU CHIEN"

"Mr et Mme V..."

"- INTERDIT -
A TOUS REPRÉSENTANTS
ET TÉMOINS DE JÉHOVAH"

C'est à Montluçon, en Bourbonnais — "the sweetest part of France", notait Sterne dans son Voyage sentimental...

mardi, 10 novembre 2009

Solderie 4

Hier, solderie : j'achète une écharpe mauve, un petit chapeau écossais pure laine dans les tons vineux — bordeaux et lie-de-vin —, un Dictionnaire de l'art culinaire français. Je saurai tout, désormais, sur les "pommes Chatouillard", la "salade Francillon" (à ne pas confondre avec la glace du même nom) ou le "faisan à la Sainte-Alliance" ("faisan rempli d'une farce à la bécasse, rôti et dressé sur un canapé tartiné de purée de bécasse"). Aujourd'hui, petite visite au brocanteur local : meubles et vaisselle sans grand intérêt, livres jetés pêle-mêle dans un petit cagibi. Pour deux euros, j'emporte un Concise Oxford Dictionary ("sixth edition") comme neuf — et dont je n'ai aucun besoin —, le Livre de Mormon et un exemplaire de la première édition de L'Univers concentrationnaire de David Rousset, qui s'ouvre sur cette double épigraphe :
"Votre liberté est trop simple, mon bel ami, pour faire une belle fourchette à escargot, instrument bifide. Et je suis scellé dans la muraille. Bonne nuit. Les becs de gaz s'allument dehors par nos ordres au cas où la comète que vous filerez — nous le savons par notre science en météorologie — ne serait point un astre suffisant. Vous verrez très loin dans le froid, la faim et le vide. Il est l'heure de notre repos. Notre geôlier va vous congédier." (Alfred Jarry, Ubu enchaîné)
"Il existe une ordonnance Goering qui protège les grenouilles."

vendredi, 06 novembre 2009

Sept chansons...

... pour répondre à la suggestion de Mauricette.

Jacques Bertin, Louvigné-du-Désert ;
Cuarteto Cedrón, La cerveza del pescador Schiltigheim ;
Leonard Cohen, The Guests ;
Giani Esposito, Les ombres sont chinoises ;
Léo Ferré, Richard ;
Jan Garbarek, The moon over Mtatsminda ;
Ray Noble et Al Bowlly, Midnight with the stars and you.

jeudi, 05 novembre 2009

Hôpital et cendre

M. est le parangon de "l'heureux retraité" — expression qui tient pour moi de l'oxymore. Excellent bricoleur et voisin dévoué, il se fâcherait si l'on ne faisait appel à lui lorsque l'on a quelque problème domestique touchant à l'eau, à l'électricité ou au chauffage. Comme il m'a rendu service et m'a apporté quelques beaux légumes de son jardin, je lui offre, sachant qu'il aime le whisky, une bouteille de "Caol Ila". Quelque temps plus tard, il m'avoue sans vergogne qu'il lui trouve "un goût de médicament". La prochaine fois — s'il y a une prochaine fois —, pensé-je, il aura droit à un Jeannot Marcheur étiquette rouge.
Dans Le Sauveur, de Jo Nesbø, un personnage un peu moins sympathique que mon retraité — et qui manie plus volontiers le Llam MiniMax 9mm que la clef de 12 — boit un whisky des Orcades qui a "le goût d'hôpital et de cendre". Il me semble que c'est Léon Daudet qui parlait d'un "goût de cheminée de paquebot" — ou quelque chose de ce genre. Pierre Desproges, pour sa part, définissait un peu plus sommairement le whisky comme "le cognac du con"... Question de culture.