lundi, 31 décembre 2012
Chief de l'an 2
Durant la période des "Fêtes", une "animation commerciale" sévit dans la commune. À longueur de journée, un crétin débite des sornettes dans un micro ; plaisanteries affligeantes et messages publicitaires alternent avec des pauses musicales qui donneraient à penser que la surdité pourrait bien être une bénédiction divine. Curieux syncrétisme d'un programme qui associe rengaines façon Tino Rossi, rap barbare et Avé Maria aussi jubilatoires qu'un lavement tiède... Ayant la chance de résider assez loin du centre du bourg, je suis heureusement préservé de cette entreprise de décervelage, placée sous le double patronage du petit Jésus et du Père Noël réunis. Ce dernier figure d'ailleurs en bonne place dans la crèche installée — c'est un signe — à l'entrée du marché couvert. On a les Mercure que l'on mérite ; le nôtre houspille ses rennes poussifs sur fond de neige artificielle — il a troqué le caducée contre une trique et les sandales ailées contre des bottes en fausse fourrure. Complètement naze...
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lundi, 24 décembre 2012
A horse of a different colour
... une automobile couleur de suppositoire.
— Il y a des suppositoires de différentes couleurs !
— Des voitures aussi.
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"Un professeur de philosophie nommé Jean-Paul Sartre..."
"Elle voulait dormir. Elle se demanda si elle avait du Henry James. Sauf que là tout près sur la table basse il y avait son vieil exemplaire de L'Être et le Néant. Sartre — ce serait très bien aussi, aussi bien que du Stilnox." (Philipp Meyer, Un arrière goût de rouille, Folio Policier, 2012, p. 122)
"Dans L'Être et le Néant, Sartre évoque longuement le fait de fumer au cœur de l'obscurité et souligne combien l'exoérience est différente. Plongé désormais dans mes propres ténèbres, j'étais bien obligé d'admettre que pour une fois il semblait avoir mis le doigt sur un point important." (James Sallis, Bluebottle, Folio Policier, 2012, p. 24)
Relevées à quelques jours d'intervalle dans deux polars américains fort estimables, ces pointes aimablement irrévérencieuses m'amènent à relire les élégantes vacheries dont Kléber Haedens assaisonne les pages qu'il consacre à Sartre dans son Histoire de la littérature française. On peut ne pas partager les partis pris de l'auteur, force est bien d'admettre que son goût et ses jugements littéraires sont aussi sûrs que peu soucieux du politiquement correct. Car, enfin, à moins d'en user comme d'un soporifique, qui a vraiment envie de se replonger, aujourd'hui, dans une "œuvre dépourvue de tout charme, souvent naïve et scolaire", qui "n'offre même pas les attraits d'une horreur profonde" ?
15:18 Publié dans Mes inscriptions | Lien permanent | Commentaires (2)
mercredi, 19 décembre 2012
Plaisir d'amour
Journal d'Allan Ginsberg, 1954 :
"Came home to my little room with the Irish family on 92nd street, turned on the table radio & we took to the bed. I wanted to take a crap but he kept me back saying, remarkably, No the dirtier the better."
(Journals : Early Fifties Early Sixties, Grove Press, 1992, p. 54)
Trad. Yves Le Pellec — Journal 1952-1962, Christian Bourgois, "Titres", 2012, p. 87 : "Vint dans ma petite chambre de la 92e Rue dans la famille irlandaise où j'habitais, on a mis la radio et au lit. Je voulais aller chier un coup mais il me retint en disant, prodigieux : Non, plus c'est sale plus c'est bon."
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mardi, 18 décembre 2012
Le bibliobus du brave maître d'école Maria Wutz
Les livres sont pleins de choses surprenantes. Ainsi, dans un essai consacré aux livres que possédait Hitler :
"Parmi tous les moyens de se procurer des livres, a plaisanté Walter Benjamin, le plus sûr et le plus digne d'éloges est d'en écrire soi-même. Il évoque, à ce sujet, le maître d'école Wutz, héros d'un roman populaire du XVIIIe siècle qui, trop pauvre pour s'acheter des livres, relève des titres dans un bibliobus et, rentré chez lui, donne ces titres plagiés à ses propres œuvres." (Timothy W. Ryback, Dans la bibliothèque privée d'Hitler, Le Cherche Midi, trad. Gilles Morris-Dumoulin, 2008)
Que l'on donne Leben des vergnügten Schulmeisterlein Maria Wutz in Auenthal, de Richter, pour un "roman populaire", passe encore ; mais ce "bibliobus", tout de même, il fallait l'inventer !
On notera au passage que l'ouvrage où l'on relève ce genre de perles a été "élu meilleur livre de l'année par le Washington Post".
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jeudi, 13 décembre 2012
"Un silence vibrant"
Solitaires, nous ne dialoguons qu'avec d'autres solitudes, attentifs au seul friselis des voix éteintes — ou très lointaines — s'échappant, furtives comme poissons d'argent, d'entre les pages tournées.
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mardi, 04 décembre 2012
La cognizione del dolore 12
Situation — treizième volume des carnets de Calaferte. Presque à chaque page, des notes poignantes sur la souffrance, l'impuissance devant la maladie, "l'emprisonnement de l'impotence", alternant avec des instantanés plus sereins, laconiques célébrations de la beauté des choses :
"Linge de femme blanc mis à sécher, soulevé par le vent."
"La femme, pour midi, cueille dans son jardin deux belles laitues d'un vert tendre."
"Le papillon blanc au cœur de la pensée bleue."
Puis, plus ou moins attendu, au détour d'un paragraphe, voici le coup de gueule excédé. Le poète pudique et tendre, le mystique, confronté à la sottise, à la cruauté, a des emportements flaubertiens, "tonne contre" :
"Innombrables souffrances des animaux dans notre triste société de cons pourris."
"L'histoire est un condensé de la connerie et de la crapulerie humaines."
"Égoïsme, intérêt, fausse bonne conscience, méfiance, médisance, méchanceté, radinerie — l'esprit bourgeois m'insupporte."
"Vieux cons qui foutent des canaris en cage."
Comment ne pas éprouver une profonde sympathie pour le stigmatisé qui se résume dans cette autobiographie-express :
"À dix ans, qui étais-je ? — un révolté.
À soixante-trois ans, qui suis-je devenu ? — un révolté.
Je suis l'enfant-fou, l'enfant-poète." ?
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lundi, 03 décembre 2012
Cornettes et sonneries 9
Abyssus abyssum invocat :
le néant trompette.
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dimanche, 02 décembre 2012
Dimanche à la campagne 3
Invités à déjeuner dans une auberge de campagne perdue au cœur des Combrailles, nous partons sous une pluie glacée, qui se change vite en neige lourde et molle. Par de petites routes serpentines, tartinées d'une traîtreuse bouillasse, nous arrivons finalement à bon port, au fond d'une vallée qui pourrait bien être le bout du monde.
À l'auberge, accueil rude et chaleureux. On nous installe à la dernière table libre. Pour nous aider à patienter, on nous apporte du vin blanc, des bouteilles de crème de mûre, de cassis, de châtaigne. On se sert, à volonté. Ensuite viendront les cochonnailles, puis le jarret de porc ou la souris d'agneau, recuite dans une sauce aux champignons, accompagnée de pommes de terre dorées et de purée de panais, le plateau de fromages — bleu de chèvre, gaperon, tomme de brebis —, la salade verte, la tarte aux poires ou aux pommes, le tout arrosé d'un aimable vin de pays d'Auvergne. On nous laisse sur la table, après le dessert, la cafetière de cuivre et la carafe d'eau-de-vie.
Nous bavardons paresseusement, causant de tout, de rien jusqu'à la tombée de la nuit. Au retour, courte halte chez nos amis pour un dernier verre. Le chien obèse et cacochyme fait fête à ses maîtres...
Une bonne journée, dans notre France profonde.
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