Ok

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l'utilisation de cookies. Ces derniers assurent le bon fonctionnement de nos services. En savoir plus.

vendredi, 10 novembre 2006

Automne

Volées de vanneaux dans les emblavures.
Ciels gris ou lilas.
Le soir, le soleil se couche, non dans des confitures de crimes, mais dans de mélancoliques jauneurs vouées à une frileuse agonie.

Le matin, nous roulons dans des brouillards cotonneux. Petites routes icaunaises. Villages perdus entre Épineau-les-Voves et saint-Maurice-Thizouaille. Petit bourg : volets clos, église fermée, commerces abandonnés. La devanture du salon de coiffure, d’un rose pathétique… Qui peut vivre là ?

"Moi, mon colon, celle que j’préfère…"

Le doyen des poilus vient de mourir, la veille du 11 novembre, à l’âge de 111 ans.
Il avait reçu les insignes d’officier de la légion d’honneur en 2004. Huit ans après Jeannie Longo.

lundi, 06 novembre 2006

Frivole, futile...

"Je crois que frivole se dit des personnes et des choses, et que futile ne se dit que des choses." Telle est l’opinion de l’abbé Féraud. Je fais assurément preuve de frivolité en écoutant des choses futiles, comme ce vieil album de Diane Dufresne emprunté à la médiathèque locale. Et j’aggrave mon cas en y prenant un plaisir extrême :

"Kabuki !
Théâtre fort     de nos deux corps
réunis tout à l’heure sur le tatami
Kabuki
Théâtre à mort     de nos deux corps
Imamo o mo i da seu
Anatato nooa-i…"

La pochette noir et rouge de l’album évoque le portrait de Taira no Shigemori par Fujiwara Takanobu. Qu’est-il arrivé à la coiffure de la chanteuse ? Ses bigoudis ont dû exploser…
Qu’écouterons-nous après cela ? Pourquoi pas le concerto pour violon d’Erkegali Rakhmadiev ? bel exemple de kitsch mélodique auquel on se laisse prendre avec bonheur, sans plus de vergogne que lorsqu’on pioche à pleine main dans les bonbons anglais de ses petits-enfants.

samedi, 04 novembre 2006

Du chastrer des d’indars

Parmi les livres que je garde toujours à portée de main, le Théâtre d’agriculture d’Olivier de Serres. Je doute que nos traités techniques actuels recèlent de tels bonheurs d’écriture — même s’il faut bien admettre qu’il n’était certainement pas dans l’intention du très sérieux agronome de faire sourire son lecteur en évoquant, par exemple, la lubricité des dindons : "Le chaponner des coqs d’Inde, estant d’aussi grande utilité que des autres et communs, en faict continuer l’usage à ceux qui l’ont expérimenté : en quoi, outre l’améliorement de la chair, ceste commodité se treuve en ce mesnage, que par le chastrer la furie de ces coqs est abbattue : autrement laissés entiers et en grand nombre, c’est merveille du tourment qu’ils donnent aux poules, par intempéramment les chaucher à l’arrivée du printemps… "

vendredi, 03 novembre 2006

Blogflies

La blogosphère, pour peu qu’on s’écarte des parages familiers, se révèle vite aussi irrespirable que le monde empirique. Tous ces blogs, tous ces "posts", tous ces commentaires, surtout… Fientes de l’esprit qui vole bas, accumulées… "Montjoye d’ordures", heurtes virtuelles — heurte : "amas pyramidal de matières dans une fosse d'aisances pleine", selon Littré. Autrement dit, tas de merde. Et tout autour, cela bombine, toupille, vibrionne — bourdon importun "de cent sales mouches" promptes à déposer au petit bonheur leurs grappes d’œufs répugnants, à signer leur passage d’une salve de chiures...

Voir, par exemple, sur le blog de Pierre Assouline, les 137 commentaires suscités par la note consacrée aux histoires de bonnes femmes du fémina. Consternant.

jeudi, 02 novembre 2006

"Grand vétillard et fort ignorant..."

J'allais sottement commettre une note pour déplorer les cacographies qui abondent sur certains blogs, lorsque, fort à propos, il me revient à l'esprit un passage du Journal de Jules Renard :

"Le professeur à l'école d'agriculture de Corbigny dit :
— Il y a une faute de français dans la préface du livre de Ponge.
 Je ne me rappelle pas.
— Mais, moi, dit-il, je m'en rappelle." (16 juillet 1903)

L'inimitable ironie de Renard vaut toutes les leçons d'humilité. Les amateurs de subtilités grammaticales et orthographiques sont le plus souvent de pitoyables cuistres. Même l'excellent Vialatte tourne au pion radoteur lorsqu'il se mêle d'étymologie ou de concordance des temps. Il y perd son humour. Si l'on néglige l'orthographe, dit-il en substance dans une de ses chroniques de La Montagne (18 août 1965), on ne pourra plus lire Descartes, Pascal ou Montaigne...
Montaigne, qui déjà, il est vrai, recommandait à son imprimeur : "Suivés lorthografe antiene."

mercredi, 01 novembre 2006

Petite anthologie portative 31

Le jour des Trespassez que l'usage ordinaire
Commande de prier sur les tombes des mors,
J'admirois le cercueil de tant et tant de cors,
Estenduz pesle et mesle au doz d'un Cymitière.

L'un Marchand, l'autre Noble, et l'autre populaire,
Filles, femmes, enfans, jeunes, vieux, foibles, fors,
Un torrent de mes yeux je fis sortir dehors,
Pleurant d'yeux, et de cœur, des hommes la misère.

Tous ces corps qui sont là, ce disois-je en courroux,
Aimoient, alloient, parloient, discouroient comme nous,
Et maintenant en rien leur forme est consommée.

Aimons donc nostre vie, et ne la trompons pas,
Car aussi bien, amis, après nostre trespas,
Nous ne serons qu'un ombre, un songe, une fumée.

 

    (Christofle de Beaujeu, "Sonnet que l'autheur fit le jour de la Toussainct, à Paris, estant avec feu Monsieur Ronsard, lequel luy avoit promis de le mettre dedans ses œuvres", in Les Amours de C. de B., 1589)