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vendredi, 04 novembre 2005

Meutes/émeutes

Intéressant de relire, à la lumière de l'actualité, les réflexions d'Elias Canetti sur la meute, manifestation archaïque d'un tribalisme rudimentaire :

"Dans la meute, qui se constitue de temps en temps à partir du groupe et exprime avec la plus grande force le sentiment de son unité, l'individu ne peut jamais se perdre aussi complètement qu'un homme moderne dans n'importe quelle masse. Dans les constellations changeantes de la meute, dans ses danses et ses expéditions, il se tiendra toujours à son bord. Il sera dedans et aussitôt après au bord, au bord et aussitôt après dedans. Quand la meute fait cercle autour de son feu, chacun pourra avoir des voisins à droite et à gauche, mais le dos est libre : le dos est exposé, découvert à la nature sauvage. La densité de la meute a toujours quelque chose de feint : ils se serrent étroitement, sans doute, et dans leurs mouvements rythmiques traditionnels ils jouent à être nombreux. Mais ils ne le sont pas, ils sont très peu ; la densité réelle qui leur manque, ils la remplacent par l'intensité."

("Meute et meutes", in Masse et puissance, trad. Robert Rovini, Tel/Gallimard, 1986)

Lectures

L'honnêteté intellectuelle requiert que je n'intervienne plus dans les discussions tournant autour des écrivains du moment, que, pour la plupart, je n'ai ni la curiosité ni le goût de lire. Je n'ai pas davantage le souci de coller à l'actualité littéraire. J'en suis encore à me colleter avec Villa Vortex, qui m'apparaît de plus en plus comme un redoutable pensum, verbeux, boursouflé et d'une correction linguistique souvent très approximative. Dantec semble s'auto-parodier parodiant l'écriture hard-boiled, revue à la sauce post-moderne et cyber-culture... Ce mélange de métaphores néo-verhaereniennes, renvoyant aux mêmes isotopies scientifico-futuristes, et de clichés, cette ponctuation à l'emporte-pièce, le galimatias pseudo-philosophique qu'on devine prêt à débonder au détour de chaque page, cela tourne au procédé et devient vite éprouvant... Les Racines du mal était un polar atypique, remarquablement ficelé. Dantec a peut-être eu le tort de ne pas s'en tenir à ce qu'il faisait le mieux pour s'essayer à jouer les philosophes visionnaires.

Phoning

Merveilleuse époque où l'on vient vous proposer à domicile — de préférence à l'heure des repas ou de la sieste — tous les accessoires indispensables à votre bien-être. On est tout honteux de décliner des offres aussi alléchantes et de décevoir la voix sémillante qui ne vous souhaitait que du bonheur.
Ce matin, ingrat que je suis, j'ai refusé de participer à un concours pour lequel j'avais été spécialement élu, parmi des douzaines d'autres veaux moins chanceux — et sous contrôle d'huissier, naturellement... J'ai peut-être laissé passer une chance qui ne se présentera plus : ".... post est occasio calva."

Palindrome

Pour jouer au gniagnia :

AMENE L'ENEMA

N.B. On tiendra pour négligeables les questions d'accents et l'assimilation abusive amener/apporter.

jeudi, 03 novembre 2005

Un petit poème, et au lit !

Pour peser un cochon,
le mesurer depuis la nuque jusqu'à la nessance
de la queue et mesurer ensuite la circonfairence
de son corps ; multiplier la longueur par la grosseur, ses deux dimention exprimer en centimètre ;
multiplier ensuite le produit de cette première
multiplication par cinq pour avoir le poit
marchant en kilos

(Henri Pastoureau, cité in A.V. Aelberts et J.J. Auquier, Poètes singuliers du surréalisme et autres lieux, 10/18, 1971)

Un recueil épuisé depuis longtemps, que j'ai eu beaucoup de mal à retrouver. Des textes curieux, comme celui-là, qui prend quelques libertés avec l'orthographe et l'arithmétique — aussi bien qu'avec les méthodes de pesage éprouvées en usage chez les éleveurs et charcutiers.

Problème des banlieues

"... une grant compaignie de larrons et de murdriers [...] se logerent es villaiges qui sont autour de Paris, et tellement, jusques à VI ou environ VIII lieues de Paris, homme n'osoit aller aux champs ne venir à Paris, ne on n'osoit cuillir aux champs quelque chose que ce fust, car nulle voiture n'estoit d'eulx prinse que ne fust rançonnée [...] et quant on s'en plaignoit aux gouverneurs de Paris, ilz respondoient : 'Il faut qu'ilz vivent, le roy y mettra bien bref remede.'"
(Journal d'un bourgeois de Paris, année 1444)

De l'art de perdre son temps...

Par où commencer lorsque mille tâches urgentes vous attendent ?
Par rechercher, toutes affaires cessantes, les noms des différentes variétés de poires recensées par Littré. Il y en a des dizaines, et de fort savoureux : caillot-rosat, chat-brûlé, cuisse-madame, gourmandine, mouille-bouche ou virgouleuse... La quête, au fil des pages, de tous ces apionymes procure au connaisseur un plaisir extrême, une jubilation frivole que ne gâte aucune considération d'ordre utilitaire.

Flatus vocis

Nous sommes tous des diseurs de riens.

mercredi, 02 novembre 2005

Digitus Dei

Dans le même numéro du pieux organe (La Croix, 1er-2 nov. 1885), commentaire autour de la catastrophe des carrières de Chancelade, en Dordogne, survenue le dimanche précédent et présentée comme un châtiment divin :

"L'église était déserte le dimanche. On vivait ce jour-là dans les catacombes, non pour y prier, mais pour travailler, de là au cabaret."
Conclusion de l'article : "Digitus Dei est hic — ce qui le prouve, c'est cet effondrement général. Quand le bon Dieu n'a plus voulu laisser germer la vigne dont on a tant abusé, il a envoyé le phylloxera — Quand il n'a plus voulu de carrières à Chancelade, il les a comblées — Il a fallu moins d'une minute — Les ingénieurs en avaient répondu — Dieu a dit : Je suis plus fort que vous !"

Cent vingt ans plus tard, si l'on en croit le quotidien catholique (2 nov. 2005), Sarkozy déclare qu'il "aimerait être invité à Lourdes par les évêques". On n'est jamais trop prudent...

 

 

Trépassés 5

Dans La Croix datée dimanche 1er-lundi 2 novembre 1885 :

"Aujourd'hui tous ceux qui sont morts dans la grâce de Dieu, depuis le commencement du monde, célèbrent leur fête au ciel et nous invitent à grossir leurs rangs.
On médite pendant toute la semaine cette parole : Bienheureux ceux qui pleurent, bienheureux ceux qui n'ont pas leur consolation en ce monde, car ils seront consolés au ciel. C'est le problème social tout entier."