jeudi, 02 avril 2015
Votez dur, votez mou... 2
Dimanche — journée d'un scrutateur : long après-midi d'ennui, défilé d'éclopés, d'idiots, de pochards, de cacochymes et d'égrotants. Ils ne sortent plus de l'isoloir — que peuvent-ils bien fabriquer là-dedans ? ils s'empêtrent dans le rideau, cherchent leurs lunettes, laissent tomber leur canne, ont perdu leur carte d'électeur, signent en tremblotant, se plaignant de ne rien voir... Quelle importance : ils ont voté, et puis après ?
Mais, plutôt qu'à Ferré, c'est, comme toujours, à Jules Renard que je pense, à sa pitié cruelle : "Oui, le peuple ! Mais il ne faudrait jamais voir sa gueule."
Il ne faudrait pas davantage voir la gueule déconfite et haineuse, à l'heure du dépouillement, des "zélotes qui savent ce que bien voter veut dire" — l'expression est de Glucksmann — et qui voient arriver la défaite de "leurs" candidats. Comme si cela allait changer leur destin, leurs "petites vies punctiformes"... Tout ce cirque est assez misérable.
Alors, que faire ? Copier, peut-être, comme Bouvard et Pécuchet, les âneries des autres, ce qui n'est qu'une façon d'assumer humainement notre propre bêtise, plutôt que de prétendre l'exorciser. Nous ne sommes pas Charlie : nous sommes les "deux bonshommes" de Flaubert. Le proclamer, le revendiquer est, tout compte fait, moins généreux mais certainement plus honnête que de prétendre nous identifier à des martyrs taillés sur mesure.
Copier — ou lire, ce qui revient à peu près au même : dans un cas, on s'approprie les sottises que l'on n'a pas dites, dans l'autre les histoires que l'on n'a pas su écrire. Narcisse, il serait un peu prétentieux de l'invoquer — de le "convoquer", comme on dit à présent — ici. Acceptons de n'être que le singe du savetier Blondeau.
Lisons donc — et pas seulement des histoires. Par exemple :
André Glucksmann, La République, la pantoufle et les petits lapins, Desclée de Brouwer, 2011 ;
Ernst Meister, Les Yeux les barques suivi de Au-delà de l'au-delà, André Silvaire/Éditions du Rocher, 2005 ;
Heimito von Doderer, Histoires brèves et ultra-brèves, Le Rocher, "Motifs", 2008.
00:13 Publié dans Mes inscriptions | Lien permanent | Commentaires (5)
Commentaires
Hasard objectif. Je tombe cet après-midi sur ceci :
"Celui qui est capable fait les choses. Celui qui n'est pas capable les enseigne. Ou les écrit."
(Joe Gores, "Privé" — trad. Guy Abadia, Le Rocher, 2005)
Écrit par : C.C. | jeudi, 02 avril 2015
Nous ne sommes pas Charlie, nous sommes Bouvard et Pécuchet : rien que pour cela, sitôt découvert, votre blog se retrouve en lien chez moi.
Écrit par : Didier Goux | dimanche, 05 avril 2015
Tiens, à propos de tonton Gustave :
Républicains : les républicains ne sont pas tous voleurs, mais les voleurs sont tous républicains.
Vieillards : à propos d'une inondation, d'un orage, etc., les vieillards du pays ne se rappellent jamais en avoir vu un semblable.
Fusillade : seule manière de faire taire les Parisiens.
Bien à vous
Écrit par : Martin.Lothar | lundi, 06 avril 2015
De rares visiteurs, peut-être, mais des visiteurs rares. Je n'en souhaite pas d'autres et vous rends la politesse, même si je passe chez vous sans laisser un mot...
Amicalement.
Écrit par : C.C. | lundi, 06 avril 2015
La nouvelle du jour, c'est donc que M. Glucksmann a des expressions, en sus d'avoir des biens immobiliers.
Écrit par : le moine bleu | samedi, 11 avril 2015
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