mardi, 01 décembre 2009
Livres en feu
Le copieux essai de Lucien X. Polastron, Livres en feu — sous-titré Histoire de la destruction sans fin des bibliothèques (Denoël, 2004 ; "Folio/Essais", 2009) — se lit avec effroi et jubilation. L'érudition impressionnante est servie par l'élégance du style, un humour souvent amer (ce qui est presque un pléonasme) et une ironie volontiers féroce. Polastron tient du savant polymathe de la Renaissance et du moraliste désabusé (autre formule redondante). On aime qu'il ne dissimule pas son mépris pour l'orgueilleuse nullité des politiques, la courte vue des technocrates ou la forfanterie des imposteurs à la mode, versant des larmes de crocodile sur les cendres de livres qu'ils n'auraient, de toute façon, pas lus...
21:19 Publié dans Mes inscriptions | Lien permanent | Commentaires (11)
Commentaires
J'achète !
Écrit par : grapheus tis | mercredi, 02 décembre 2009
ça y est, je l'ai commandé !
Écrit par : emily | mercredi, 02 décembre 2009
Un petit extrait pour attendre ?
"L'appauvrissement du vocabulaire et de la pensée qui a démarré il y a une cinquantaine d'années, et ne reviendra sans doute pas en arrière avant des lustres, est entériné par la simplification quand ce n'est pas la vulgarité des médias naguère les plus respectés. L'absence d'humour et de distance faisant partie de la règle éditoriale un peu partout, de même que cette légèreté intellectuelle que procurait une bibliothèque mentale bien garnie, un François Mauriac aurait aujourd'hui un mal fou à placer son "Bloc-Notes", pour ne prendre qu'un exemple en France, œcuménique de surcroît. La vraie vie va-t-elle se réfugier dans les revues académiques ? Il y a dans l'air comme une organisation mondiale de l'insignifiance, à laquelle chacun est ravi d'apporter chaque matin sa petite collaboration en travaillant à se montrer le moins profond, le moins subtil et le moins savant possible. Tout à l'heure on avait Donald, voici maintenant Simplet. Cette orchestration de l'existence par l'importance donnée à la marchandise idiote et au relationnel basique ne pouvait évidemment que faciliter l'entrée en scène de ce qui a toujours été en coulisses prêt à remplir le vide des esprits : la religion, elle aussi gadgétisée en ses signes extérieurs et rebaptisée "spiritualités" par le marketing..." (p. 321, 'Les nouveaux biblioclastes")
Écrit par : C.C. | mercredi, 02 décembre 2009
Je vais l'acheter, j'espère ne pas avoir à le commander, mais ma libraire était fermée l'autre jour, alors qu'elle était censée travailler (mauvais présage). Je rêve de venger Epicure, parfois, mais l'auteur a raison sur Mauriac que j'ai toujours rêvé d'entendre en confession.
Écrit par : Flivo | mercredi, 02 décembre 2009
Ce 3 décembre, le livre est sur la table, pas mal surchagée.
Je l'ai aussi glissé dans Babelio en y intégrant — sans l'autorisation du scripteur(!) — la recension que vous avez ci-dessus rédigée.
Comment, en 2004, un tel bouquin a pu échapper à la vigilance du liseur ?
Merci, Constantin.
Écrit par : grapheus tis | jeudi, 03 décembre 2009
Je ne suis pas sûr que ma notule mérite qu'on la qualifie de "recension"... Quoi qu'il en soit, je pense que les fervents liseurs et amoureux des livres se demanderont — comme nous ! — pourquoi un ouvrage de ce calibre a pu susciter si peu de commentaires lors de sa première publication. Ou alors c'est que nous ne lisons pas suffisamment les critiques ! Cela me conforte dans l'idée que les livres que l'on découvre plus ou moins au hasard, en fouinant dans les rayons des libraires, nous réservent plus d'heureuses surprises que ceux, hélas ! qui nous ont été trop — et trop indiscrètement — vantés.
Bonne lecture !
Écrit par : C.C. | jeudi, 03 décembre 2009
voilà !
le livre est là... (... mais c'est une thèse ?!)
comptez sur moi pour ne pas le mettre en bibliothèque !
Écrit par : emily | jeudi, 10 décembre 2009
Je vous dois de l'avoir découvert, et je le lis petit à petit. Page 172, déjà. Devant l'ampleur des destructions évoquées, une réflexion affreusement perverse : puisque tant de savoir a été anéanti, et qu'il en reste tant en circulation (personne ne lira jamais un dix-millionième des livres existants), peu importe combien de bibliothèques on brûle, il en restera toujours trop...
Mais je ne dis pas cela pour moi : à part un nombre indéterminé de livres déchirés par plaisir quand j'étais un petit nenfant, je ne pense pas en avoir détruit plus de dix ou quinze en l'espace de soixante-douze ans. Et brûlé, aucun.
Écrit par : Pierre Enckell | mardi, 15 décembre 2009
Cher Pierre Enckell, votre visite me réjouit, et votre commentaire — si vous me permettez l'hyperbate.
Le catalogue des destructions recensées par Polastron est à la fois terrifiant et fascinant (avec, peut-être, les connotations érotiques que Quignard attacherait à ce mot). L'annexe consacrée aux "hiérophantes" souligne bien l'ambiguïté des sentiments que suscite en nous le brûlement des livres : "... on peut considérer que l'avis philosophique de détruire la bibliothèque est réductible à la seule jouissance littéraire." (p. 409) Comme tout amour, celui des livres peut se muer en détestation — et leur culte suscite nécessairement des fantasmes de profanation...
Écrit par : C.C. | mardi, 15 décembre 2009
On peut lire une parfaite tribune du même Polastron à propos de Google dans le Monde du 19. Il a cent fois raison.
Écrit par : Pierre Enckell | dimanche, 20 décembre 2009
@ Pierre Enckell : merci de nous avoir signalé cet excellent article, auquel, en effet, on ne peut que souscrire.
Écrit par : C.C. | dimanche, 20 décembre 2009
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