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lundi, 02 janvier 2006

Grande rhétorique

Le millésime a changé, les jours s'en vont, la connerie demeure ; les brillants orateurs qui nous dirigent, ignorant toute trève, continuent à nous pisser aux oreilles à qui mieux mieux.

Entendu aujourd'hui à la radio, ceci, de M. Copé — je crois :
"Nous avons toujours dit qu'un état d'urgence c'était un état... d'urgence."

On veut bien admettre, avec Dupriez, qu'il y a "une vérité de la tautologie qui est victoire de l'existence sur les essences" ou que "presque toutes les tautologies s'accompagnent d'une diaphore plus ou moins marquée qui les justifie" (Gradus, 10/18, p. 446-447), on n'en a pas moins le sentiment, en entendant ce genre de propos que le flatus vocis se substitue dans tous les domaines à l'analyse, au raisonnement, à l'argumentation. Ce qui pourrait n'être que verbigération inepte ou sottise jaculatoire est, en fait, moins risible qu'inquiétant, comme le notait déjà Barthes dans son "Racine est Racine" : "... la tautologie est toujours agressive : elle signifie une rupture agressive entre l'intelligence et son objet, la menace arrogante d'un ordre où l'on ne penserait pas. Nos tautologues sont comme des maîtres qui rirent brusquement sur la laisse du chien : il ne faut pas que la pensée prenne trop de champ..." (Mythologies, Points/Seuil, 1970, p. 90)

Commentaires

il y a "urgence" et "urgence" : me souviens de cette question d'un instit autrefois alors que je levais le doigt à cause d'un "besoin" impérieux :
"c'est vraiment urgent ?"
"oui m'sieur'"

il fut bon et me laissa aller soulager mon état d'urgence

Écrit par : hozan kebo | lundi, 02 janvier 2006

Quelqu'un qui a connu les affres de ce genre de besoin pressant — et qui sait à quels expédients il peut conduire — saisit toutes les connotations douloureuses attachées au terme "urgence".
Voir la facétie CCLXVI du Pogge, "D'un jeune homme qui pissa sur la table".

Écrit par : C.C. | mardi, 03 janvier 2006

Cher CC , n'ayant pas votre sapience , j'ignrais tout du Pogge . Mais un type capable d'écrire une "facétie" sur un "jeune homme qui pissa sur la table" , ne pouvait qu'attirer mon attention . Je suppose qu'il s'agit de cestui ci dessous : (pour que tes lecteurs s'enrichissent eux aussi) :
Pogge (Gian-Francesco Poggio) Barcciolini di Guccio, humaniste né à Terranova, près d'Arezzo (Italie), le 11 février 1380, mort près de Florence le 30 octobre 1459. Tout jeune encore, il alla à Florence, où il connut Coluccio Salutati, qui l'initia aux études classiques. Il fut nommé secrétaire apostolique de Boniface IX (1404), et dix ans après, il accompagna, avec l'Arétin, Jean XXIII au concile de Constance.

Au cours d'un voyage entrepris pendant la suspension du Concile, il s'arrêta au monastère de Saint-Gall, où il découvrit de précieux manuscrits contenant l'Institution oratoire de Quintilien, trois livres et une partie du quatrième des Argonautiques de Valérius Flaccus, les Commentaires d'Asconius Pedianus et quelques Discours de Cicéron. Stimulé par cette découverte, il poursuivit ses recherches et trouva, dans d'autres couvents, le De nature rerum de Lucrèce, les Puniques de Silius Italicus, les Odes d'Horace, les Astronomiques de Manilius, le De re rustica de Columelle, etc.

Revenu à Constance, il suivit Henri Beaufort, évêque de Winchester, en Angleterre, où il séjourna quatre ans, pendant lesquels il abandonna pour la théologie les études classiques. De retour en Italie (1423), il fût appelé à Rome pour y exercer ses fonctions de secrétaire apostolique. Il reprit alors ses recherches qui furent partout fructueuses et surtout au Mont Cassin. L'étude des monuments de la Rome antique l'avait aussi amené à s'occuper d'épigraphie et d'archéologie. Quand Eugène IV fut obligé de quitter Rome (1434), Pogge le suivit à Florence. Il s'y maria (1435), se retira dans une villa qu'il avait fait construire près de la ville et se consacra entièrement à sa famille.

En 1433, quand Eugène IV rétablit le siège pontifical à Rome, Pogge l'y suivit et demeura dans cette ville jusqu'en 1453. Il fut alors nommé chancelier de la République florentine; mais, avide de tranquillité, il se démit de ses fonctions en 1458. Durant ses cinq dernières années, il s'occupa à écrire l'Histoire de Florence (en latin), qui fut publiée par son fils Jacob. Elle va de 1350 à 1455 et figure au t, XX du recueil de Muratori. (M. Menghini).


En bibliothèque - Nous avons de lui : Facetiarium liber (Ferrare, 1474), recueil de contes et d'historiettes souvent licencieuses, qui eut un immense succès et qui fut traduit en plusieurs langues; Historia fiorentina, traduite du latin en toscan par son fils (Venise, 1476); De infelicitate principum (Paris, 1474); De nobilitate (Anvers, 1499) ; Historia de varietate fortunae (Paris, 1723).

De son temps Pogge fut avant tout regardé comme le grand maître de l'art épistolaire; il le prouva non seulement dans les correspondances officielles dont il fut chargé, mais aussi dans ses controverses avec Filelfe et Valla.

Écrit par : hozan kebo | mardi, 03 janvier 2006

Merci, cher H.K. pour cette contribution copieuse et fort documentée !
Voici la version de l'histoire reprise par Béroalde de Verville dans le "Moyen de parvenir" (vers 1616) :
« Il […] a volonté de pisser, comme avoit l’abbé De Grandmont quand il vint voir madame l’admiralle. Ce monsieur alloit doüanant sur son mulet, avec intention et pensée d’en descendre, pour pisser, quand il seroit à la porte. Or madame, qui avoit affaire de luy et le vouloit gratifier, sçachant qu’il approchoit, vint au-devant de luy et le surprit ; ainsi il remit sa pisserie à une autre fois ; de quoy il fut trompé, d’autant qu’elle le mena en la salle où le souper estoit preparé. Il se fallut asseoir et faire bonne chere. Cependant monsieur l’abbé estoit en grand’peine, ne pensant qu’à pisser ; puis, voyant que le discours seroit long, il resolut de pisser en sa botte. Vous sçavez comme les abbez les portent ouvertes par en haut, et larges d’emboucheure. Ainsi qu’on apporta le bassin pour laver, il n’en pouvoit plus ; parquoy il avoit mis la main à son engin, et desjà le deschargeoit dans sa botte. Madame pensoit que ce fust son cousteau qu’il serrast (pource que volontiers telles gens en portent un de damas à leur ceinture) et qu’il ne voulust pas laver avec elle. " Vroiment, dit-elle, vous ne ferez point ceste difficulté. " Et ainsi elle luy tira la main, qui emporta aussi le virolet, qui acheva sa descharge dans le bassin. » (chap. 78, « Revers », édition Garnier, s.d., p. 283-284)

Écrit par : C.C. | mardi, 03 janvier 2006

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