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mercredi, 19 décembre 2018

Transparence du temps

Matinée d'hiver fraîche et humide, ensoleillée.
Les bruits domestiques des rassurantes routines quotidiennes se mêlent aux échos d'un quatuor avec piano de Schumann.
Je termine la lecture, commencée hier soir, d'un Modiano acheté par hasard en solderie — ce qui sied à la mélancolie d'un roman où il est question, comme toujours, de mémoire et d'oubli, de visages, de noms, de lieux improbables qui se superposent et se confondent au gré d'incertaines anamnèses.
Mais, après Modiano, c'est "Le Roi pêcheur" de Montale, qui me ramène à mes propres souvenirs :

"On pense
que le Roi des pêcheurs ne cherche
que des âmes.

J'en ai vu, moi, plus d'un
lever sur la vase des mares
des éclairs de lapis-lazuli.

Son royaume se mesure au millimètre,
flèche, il échappe même
aux flashes.

Seul, le Roi pêcheur
possède une juste mesure,
les autres, à peine ont-ils une âme
et peur
de la perdre."

Souvenir d'une adresse, rue Sauffroy, et d'une toile biffée de la rémanence d'un éclair bleu...
J'étais, ce jour-là, "celui qui entre par hasard dans la maison d'un poète"...
"Sur ce dont on ne peut parler, il faut garder la silence."

Commentaires

Merci Michel pour ces mots touchants.
Ce trait bleu reste aussi gravé dans ma mémoire et il a une histoire que mon père m'a racontée bien des fois. Un jour, le peintre Jacques Damville discutait dans son atelier avec mon grand-père Yves Sandre à qui il donnait des cours de peinture. Je ne me souviens plus comment ils en sont venus à parler de tableaux qui n'étaient plus dans l'atelier : Le martin-pêcheur et un tableau avec une vieille carcasse de voiture qui je crois devais s'enfoncer dans un plan d'eau ou quelque chose de ce genre. Pépé aimait beaucoup cette vieille carcasse. Quand mon grand-père a demandé où étaient les deux toiles, Jacques a répondu avec malice : "Jean-Hugues a les deux".... En réalité, Jacques avait peint le martin-pêcheur par-dessus la carcasse ! Et quand j'étais môme, je m'amusais dans le reflet du soleil à chercher la trace de la carcasse qui apparaissait encore en filigrane. L'appartement de mon enfance et de ma jeunesse, cette adresse de la rue Sauffroy où je n'ai plus été invitée depuis un an et demi presque jour pour jour, est le décor de presque tous mes rêves depuis deux ans, mon refuge perdu, tout ce qui restait de mon passé. Le craquement de chaque latte du parquet, l'odeur de la cire, le souffle du poêle qui se déclenche, le bruit de la scie qui découpe les planches de ma maison de poupée, la lumière latérale de fin d'après-midi, nos secrets, toutes nos confidences et nos rires devant le trait bleu... Le vide est abyssal. En dix ans, les rois pêcheurs qui étaient présents partout en France sont devenus une espèce vulnérable, comme la plupart des oiseaux qui se taisent dans les campagnes, les uns après les autres, que trois générations consuméristes ont suffi à faire taire. Chaque visite de l'un d'eux dans mon pré, qu'il soit martin ou pic épeiche, résonne comme le salut de mes parents disparus, qui les ont l'un et l'autre tant aimés, leurs compagnons les oiseaux. Echos de Schumann dont mon fils Hélios jouait sur son violoncelle une des mélodies quelques heures avant que je vienne lire ce message, une mélodie gaie composée en un temps où les oiseaux chantaient encore en chœur à tue-tête, à estourbir les esgourdes. Le soir est frais et humide, sous la lune, le silence.

Écrit par : Malineau Violaine | jeudi, 20 décembre 2018

Merci Michel pour ces mots touchants. Ce trait bleu reste aussi gravé dans ma mémoire et il a une histoire que mon père m'a racontée bien des fois. Un jour, le peintre Jacques Damville discutait dans son atelier avec mon grand-père Yves Sandre à qui il donnait des cours de peinture. Je ne me souviens plus comment ils en sont venus à parler de tableaux qui n'étaient plus dans l'atelier : Le martin-pêcheur et un tableau avec une vieille carcasse de voiture qui je crois devais s'enfoncer dans un plan d'eau ou quelque chose de ce genre. Pépé aimait beaucoup cette vieille carcasse. Quand mon grand-père a demandé où étaient les deux toiles, Jacques a répondu avec malice : "Jean-Hugues a les deux".... En réalité, Jacques avait peint le martin-pêcheur par-dessus la carcasse ! Et quand j'étais môme, je m'amusais dans le reflet du soleil à chercher la trace de la carcasse qui apparaissait encore en filigrane. L'appartement de mon enfance et de ma jeunesse, cette adresse de la rue Sauffroy où je n'ai plus été invitée depuis un an et demi presque jour pour jour, est le décor de presque tous mes rêves depuis deux ans, mon refuge perdu, tout ce qui restait de mon passé. Le craquement de chaque latte du parquet, l'odeur de la cire, le souffle du poêle qui se déclenche, le bruit de la scie qui découpe les planches de ma maison de poupée, la lumière latérale de fin d'après-midi, nos secrets, toutes nos confidences et nos rires devant le trait bleu... Le vide est abyssal. En dix ans, les rois pêcheurs qui étaient présents partout en France sont devenus une espèce vulnérable, comme la plupart des oiseaux qui se taisent dans les campagnes, les uns après les autres, que trois générations consuméristes ont suffi à faire taire. Chaque visite de l'un d'eux dans mon pré, qu'il soit martin ou pic épeiche, résonne comme le salut de mes parents disparus, qui les ont l'un et l'autre tant aimés, leurs compagnons les oiseaux. Echos de Schumann dont mon fils Hélios jouait sur son violoncelle une des mélodies quelques heures avant que je vienne lire ce message, une mélodie gaie composée en un temps où les oiseaux chantaient encore en choeur à tue-tête, à estourbir les esgourdes. Le soir est frais et humide, sous la lune, le silence.

Écrit par : Malineau Violaine | jeudi, 20 décembre 2018

Merci Michel pour ces mots touchants.
Ce trait bleu reste aussi gravé dans ma mémoire et il a une histoire que mon père m'a racontée bien des fois. Un jour, le peintre Jacques Damville discutait dans son atelier avec mon grand-père Yves Sandre à qui il donnait des cours de peinture. Je ne me souviens plus comment ils en sont venus à parler de tableaux qui n'étaient plus dans l'atelier : Le martin-pêcheur et un tableau avec une vieille carcasse de voiture qui je crois devais s'enfoncer dans un plan d'eau ou quelque chose de ce genre. Pépé aimait beaucoup cette vieille carcasse. Quand mon grand-père a demandé où étaient les deux toiles, Jacques a répondu avec malice : "Jean-Hugues a les deux".... En réalité, Jacques avait peint le martin-pêcheur par-dessus la carcasse ! Et quand j'étais môme, je m'amusais dans le reflet du soleil à chercher la trace de la carcasse qui apparaissait encore en filigrane. L'appartement de mon enfance et de ma jeunesse, cette adresse de la rue Sauffroy où je n'ai plus été invitée depuis un an et demi presque jour pour jour, est le décor de presque tous mes rêves depuis deux ans, mon refuge perdu, tout ce qui restait de mon passé. Le craquement de chaque latte du parquet, l'odeur de la cire, le souffle du poêle qui se déclenche, le bruit de la scie qui découpe les planches de ma maison de poupée, la lumière latérale de fin d'après-midi, nos secrets, toutes nos confidences et nos rires devant le trait bleu... Le vide est abyssal. En dix ans, les rois pêcheurs qui étaient présents partout en France sont devenus une espèce vulnérable, comme la plupart des oiseaux qui se taisent dans les campagnes, les uns après les autres, que trois générations consuméristes ont suffi à faire taire. Chaque visite de l'un d'eux dans mon pré, qu'il soit martin ou pic épeiche, résonne comme le salut de mes parents disparus, qui les ont l'un et l'autre tant aimés, leurs compagnons les oiseaux. Echos de Schumann dont mon fils Hélios jouait sur son violoncelle une des mélodies quelques heures avant que je vienne lire ce message, une mélodie gaie composée en un temps où les oiseaux chantaient encore en chœur à tue-tête, à estourbir les esgourdes. Le soir est frais et humide, sous la lune, le silence.

Écrit par : Malineau Violaine | jeudi, 20 décembre 2018

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