jeudi, 19 avril 2018
The stuff that dreams are made of
J'ai déjà dit, ici — et à plusieurs reprises, je crois —, le peu de goût que j'avais pour les récits de rêves, qu'il s'agisse de ceux des autres ou des miens propres. Ceux-là ne m'intéressent pas, ceux-ci ressortissent à l'intime et — dans un cas comme dans l'autre — leur dévoilement a quelque chose d'obscène, de trouble et de troublant dans sa dimension chimérique, cet assemblage irrationnel d'images familières, de réminiscences floues, d'obsessions tapies aux limites de la conscience, de vieilles hantises jamais confessées.
Je ne comprends pas que le mot rêve se soit, dans l'usage commun, chargé à ce point de sèmes euphoriques — "voyage de rêve", "séjour de rêve" — et de connotations l'associant à l'inaccessible, à un idéal médiocre marqué au coin du kitsch, à une certaine idée du bonheur, frivole et passablement stupide.
Tous mes rêves — j'entends : nocturnes —, que j'ai du mal à me remémorer tant ils se dissipent vite au réveil, me laissent, faute d'images précises, une impression de malaise, quelque chose qui échappe aux mots, à l'exorcisme du langage ; quelque chose de poisseux, d'obscur ; quelque chose qui tient du remords et de l'effroi. Mes rêves sont pleins, comme les songeries éveillées de Du Perron, de "morts qui nagent et qui volent", grouillent de fantômes hostiles ; rêves sans couleurs et sans joie, où l'on erre, jusqu'au réveil salvateur, au long d'interminables couloirs pénombreux, dans des pièces glaciales et des cours boueuses, à la recherche d'on ne sait quoi, d'on ne sait quelle clef à jamais perdue, prémonition d'une terrifiante éternité...
22:15 Publié dans Mes inscriptions | Lien permanent | Commentaires (6)
Commentaires
Le rêve c'est l'infini à portée des caniches.
Écrit par : Zébra | vendredi, 20 avril 2018
Très cher Constantin, les rêves me semblent également être un véritable foutoir cosmique, et assez proches de la réalité terrestre, ce qui est doublement sidérant.
J'aime beaucoup votre expression "prémonition d'une terrifiante éternité...". Voilà qui est glaçant de lucidité.
Que nous reste-t-il ? Tenter un ultime éclat de rire face à la démence universelle.
C'est une entreprise démesurée, mais nous nous y attelons sans réserve en galopant dans les Steppes rétrécissantes avec nos caprines alliées.
Avez mes plus amicales sidérations,
delorée
Écrit par : delorée | lundi, 14 mai 2018
C'est un bonheur de vous lire et de savoir que tous les blogueurs n'ont pas renoncé à l'écriture vraie pour aller égrener d'éphémères et futiles notules sur Facebook ou Twitter — "réseaux sociaux" où pullulent des "amis" qui disposent de cinq "smileys" pour exposer leurs réactions ou leurs états d'âme. Cela devrait m'inciter à m'y remettre, encouragé de constater qu'il y a "encore du monde, et du beau monde, sur terre"...
Écrit par : C.C. | lundi, 14 mai 2018
L'écriture vraie ? Cela a-t-il un rapport avec la "Pravda" ?
Écrit par : Zébra | jeudi, 17 mai 2018
on revient quelques fois, c'est alors la lecture de vos textes qui est un bonheur. les blogs ne se tiennent plus et tout le monde semble avoir déserté
Écrit par : paul | samedi, 22 septembre 2018
"Video killed the radio star"... Facebook et Twitter ont multiplié les petits Poucets égrenant dans leur course des fadaises qui ne riment pas à grand-chose.
Écrit par : C.C. | samedi, 22 septembre 2018
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