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jeudi, 18 juin 2015

Les plaisirs du dimanche. Marches, marchés, poupées sans yeux et rosé-pamplemousse

Paresse, procrastination et sollicitations diverses... Je néglige décidément ce blog, que je m'étais promis de tenir jusqu'en août : dix ans, ça suffit. Et puis, il y a la solution de facilité Facebook. La prévalence de l'éphémère et du bâclé, la vaine garrulité, le bruit de fond du village planétaire.
Parler de quoi ? De livres, encore ? De mes derniers achats : un Dictionnaire des littératures de langue française orphelin de ses deux premiers tomes, un beau volume consacré à Carel Willink, un copieux catalogue d'exposition sur Salah Stétié et ses peintres, un plus mince sur les dessins de Félicien Rops ? Intéressant, finalement, ce dictionnaire qui fait commencer la littérature à la lettre M : il nous reste Montaigne et Rabelais, on est débarrassé de Victor Hugo et de Lamartine, mais Rousseau et Voltaire ne sauraient nous consoler de la disparition de Diderot... Je ne connaissais Willink que par quelques tableaux illustrant un article à lui consacré, il y a bien longtemps, dans la revue "Planète". Willink, c'est celui qui met du lama dans les ruines antiques, comme Michaux introduit du chameau à Honfleur. Ses toiles, ses ciels d'orage, ses paysages morts sont d'une oppressante étrangeté. C'est le peintre du silence et du cauchemar.
Parler de quoi d'autre que de livres, de peinture, de pêche à la ligne, des beautés modestes de la campagne bourbonnaise ? Du goût des autres ? Vitupérer, comme toujours l'époque ? Les loisirs de nos contemporains, à l'approche de l'été, multiplient les occasions de s'irriter de tant de sottise et de muflerie. Il serait plus sage de s'en amuser, d'accepter cette insoutenable frivolité dont nous ne sommes pas exempts...

Paresse donc — assumée sans trop de remords. Pour étoffer un peu cette note, je la complète par le copier-coller d’un article donné à notre hebdomadaire départemental :

"Avec les beaux jours, les activités sportives de plein air et les rassemblements festifs populaires attirent chaque week-end — pourvu que le beau temps soit de la partie — une foule d’amateurs ou de curieux. Qu’arrive la fin de la semaine et voici que, pour le plaisir ou la bonne cause, les sédentaires, les oisifs, les indolents, les adeptes du farniente, les intoxiqués des "étranges lucarnes" enfilent le short, chaussent les pataugas, s’arment des indispensables bâtons de marche, de la non moins indispensable bouteille d’eau minérale, et s’en vont marcher en groupe, en troupe, en cohorte. La marche est devenue une pratique grégaire, comme la plupart des loisirs aujourd’hui. Randonnée, "running" ou marathon, l’objectif réside dans le chiffre ; le succès se mesure au nombre de participants comme à la distance parcourue. C’est le retour du "pédestrianisme" à l’anglaise ; les "rêveries du promeneur solitaire" façon Rousseau ne sont plus de saison, pas plus que les flâneries dictées par le hasard ou le caprice. À cela s’ajoute parfois le concept, bien de notre temps, du "défi", de "l’extrême", dévoiement gratuit — et souvent stupide — de la volonté de dépassement ou du sens de la compétition. On voit ainsi, de plus en plus nombreux, des femmes et des hommes qui, certainement, refuseraient d’accomplir dans le cadre de leur vie professionnelle des tâches dangereuses ou répugnantes, payer le droit d’affronter des parcours jalonnés d’embûches, ramper sous des barbelés ou parmi les orties, barboter dans le purin pour le seul bénéfice de finir exténués et meurtris, sous les rires et les quolibets des spectateurs. Étrange masochisme de nos contemporains, pour qui les joies anciennes de la promenade dominicale en famille relèvent de la pure et simple ringardise.
Il nous reste pourtant, si nous ne goûtons guère ces rallyes hygiéniques ou ces frénésies sportives, les petits bonheurs des kermesses, marchés de pays, brocantes et vide-greniers qui ne manquent pas non plus en cette saison. Il y a un pittoresque, une poésie du vide-grenier, un charme dérisoire et attendrissant du kitsch, du bric-à-brac, de l’inutile et du déglingué. Semaine après semaine, dans nos petits bourgs, on retrouve sur des éventaires de fortune, à même le sol, parfois, de semblables épaves, tout un capharnaüm d’objets insignifiants, vestiges d’autres vies, d’enfances perdues comme nous le rappellent ces pauvres jouets, peluches mitées, tambour crevé ou, tombée d’un poème de Queneau, "la poupée sans bras, sans nez, sans yeux". On en éprouve un peu de mélancolie. On s’en console en prenant à la buvette un petit rafraîchissement : un soda pour les enfants et, pour les grands, un rosé-pamplemousse. Dans un gobelet en plastique."

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