vendredi, 10 octobre 2014
Incipit 10
"Un jour d'hiver, comme la tempête faisait rage dans les rues de Toronto, Lilah Kemp, sans le vouloir, laissa Kurtz s'échapper de la page 181 d'Au cœur des ténèbres ." (Timothy Findley, Le Chasseur de têtes, Folio, 2001)
"Si je meurs..." (Audiberti, "Si je meurs", Race des hommes, Poésie/Gallimard, 1968)
"Si je meurs" — curieuse formule, on en conviendra ! —, si je meurs, donc, me sera peut-être accordé de connaître, moi, "chien de lisard", récompense ou punition pour mon "vice impuni", le "statut ontologique du personnage" ; de me glisser, pour l'éternité qu'on voudra bien m’accorder, entre les pages d'un livre, parmi d'autres figurants anonymes ; d'y assumer un petit rôle, laissé en blanc dans la distribution des répliques. Un des bien-ivres de Rabelais, un des innombrables convives fantoches du Moyen de parvenir, un des "assassins" du "Roman d'un déserteur" ... Les "créatures" d'encre et de papier, les "vivants sans entrailles" rêvent, dans le rêve du lecteur, de s'évader — en se cachant, possiblement, comme chez Krzyzanowski, dans la doublure de son chapeau ; le lecteur rêve, dans son rêve, de prendre leur place.
"Mon épouse, ô ma novembre,
sous terre les jours sont lents."
Ils le sont aussi, sans doute, dans les livres que nous avons aimés.
Délicieusement.
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