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samedi, 05 juillet 2014

Langue verte

Un chanteur oublié ironisait, il y a quelques décennies de cela, sur l'Académie française, affirmant qu'on y avait "l'habit vert, mais pas la langue — verte".
Voire ! Si les Immortels n'usent pas habituellement de la langue verte à proprement parler, certains, pourtant, savent à l'occasion faire preuve d'une réjouissante verdeur de langage :
"La vérité est que le propre de l'homme est de manger et de boire, de chier et de pisser, de dormir et de baiser. Voilà les conditions, sinon suffisantes, du moins nécessaires de la vie. D'autres choses sont agréables, celles-là sont indispensables. Chieur et pisseur, côté ontogenèse et côté synchronique ; baiseur, côté phylogenèse et côté diachronique (voir le Larousse). Allez toujours essayer d'exister à moindre frais. À supprimer une seule de ces activités essentielles, coucou, plus personne pour jouer. On vit fort bien sans art, sans morale, sans Dieu. On peut vivre sans rire. La plupart des gens se passent à merveille de penser. Mais je ne connais personne qui puisse vivre sans pisser."
Ce télescopage du registre trivial et du vocabulaire savant — disons technique — n'est pas sans évoquer la manière de Rabelais, qui dérange moins le vulgaire ou le profane par sa crudité (sa "grossièreté" — prétexte fréquemment invoqué par ceux qui ne l'ont guère pratiqué) que par les hapax ou les vocables savants sur lesquels le lecteur achoppe. Il y a une part de jeu dans ce goût pour le mot rare : allez voir dans le dictionnaire si j'y suis ! On renvoie ici au Larousse ; le Quart Livre s'accompagne, comme on sait, d'une Briefve declaration d'aulcunes dictions plus obscures contenües on quatriesme livre des faicts et dicts heroïcques de Pantagruel. Analogie que d'aucuns jugeront sans doute discutable, lorsqu'ils apprendront que l'auteur du passage cité n'est autre que Jean d'Ormesson (Au revoir et merci, Gallimard, 1989, p. 159).

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