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mercredi, 14 mai 2014

Lost in translation 2

"That's how this kind operate. They call up Fart, Barf, and Itch or somebody in the attorney general's office or another bunch of bureaucratic asswipes just like them. They never hit you head-on." (James Lee Burke, Swan Peak, Phoenix, 2008, p. 78)
Ce qui donne en français : "C'est comme ça qu'agissent les gens comme lui. Ils appellent Péteur, Dégueuleur et Gratteur, ou quelqu'un d'autre au bureau du procureur général ou dans une autre équipe de trous-du-cul de bureaucrates du même tonneau. Ils ne vous affrontent jamais en face." (Trad. Christophe Mercier, Rivages/Noir, 2014, p. 100)
Que devient le F.B.I. dans l'affaire ? Il n'aurait peut-être pas été inutile que le traducteur recourût ici à ce qu'Umberto Eco considère comme "l'ultima ratio : la note en bas de page", quitte à "ratifier son échec". (Dire presque la même chose, Le Livre de Poche, 2010, p. 118) Autre solution, le "remaniement radical", "exemple flagrant de licence interprétative", également commenté par Eco (ibid., p. 378 sqq.) : opter pour une solution permettant de conserver, dans la langue cible, la double lecture : monosyllabes triviaux démarquant sans équivoque l'épellation du sigle abominé. Une gageure !
On s'est donc contenté de s'en remettre — une fois encore ! — à la jugeote du lecteur, supposant qu'un amateur de polars doit connaître suffisamment d'anglais pour que l'allusion ne lui échappe pas, ce qui est quelque peu désinvolte. Il ne l'est pas moins, lorsque l'on se résout à l'ultima ratio, de ne pas aller jusqu'au bout de l'élucidation. Expliciter en note une allusion en la rapportant à une citation littéraire dont on ne mentionne pas l'auteur — "Hell hath no fury like a woman scorned" —, ce n'est pas très sérieux. Le lecteur se débrouillera avec Internet — ou il supposera que c'est de Shakespeare. Ce qui, finalement, n'enlèvera rien à son plaisir, car les romans de James Lee Burke sont toujours excellents.

Commentaires

" Bien entendu - mais est-ce bien entendu ? - le directeur de collection doit faire relire et corriger les traductions par des hommes sûrs (ou des dames), ou bien se taper lui-même ce travail.
Bien entendu, le directeur de collection doit être au moins bilingue - et même polyglotte à présent qu'on traduit des Rabouins, des Ritals et des Alboches - ; il doit être très cultivé, posséder une documentation géante, et même savoir le français.
Il doit être beau.
Alors même que ces conditions sont très généralement réunies chez tous les directeurs de la plupart des collections de romans policiers, un os se présente, qui a plusieurs conséquences, de gravité croissante. Il s'agit tout bonnement de la chute de ce qu'on appelait autrefois la culture - devenue ce qu'on appelle aujourd'hui la culture."

(Jean-Patrick Manchette, Chroniques, p. 320)

Écrit par : le moine bleu | vendredi, 16 mai 2014

Excellent. Forcément excellent.
M.D.

Écrit par : C.C. | vendredi, 16 mai 2014

Il est éventuellement possible aussi, que M. Mercier estime que le F.B.I. a tendance à se prendre pour le P.D.G. de l'Amérique.

Écrit par : Patrice | jeudi, 22 mai 2014

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