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dimanche, 25 septembre 2011

Remembrances du vieillard idiot 11

Je ne sais plus en quelle année elle fut, au lycée de M., mon professeur d'anglais (sa féminité débordante la dispensait de revendiquer l'étiquette de professeure — qui eût d'ailleurs paru quelque peu barbare à l'époque). Il me reste d'elle le souvenir d'une jeune femme blonde, pulpeuse et cambrée au-delà de la décence, et une dédicace à l'encre verte, sur la page de garde d'un volume de Poe qu'elle m'avait offert — parce que j'étais un cancre brillant — à la fin de l'année de troisième :
"May you read it in english."
Je ne sais plus si c'est elle — je n'ai jamais su son prénom — qui nous avait donné à lire un merveilleux poème dont, pendant des années, j'ai recherché l'auteur sans que jamais le texte cessât de me hanter :

"... Tell the drummer
the rebels have crossed the river and no one is here
but John with the broken drumstick and half-wit Peg
who shot spitballs at the moon from the belvedere.
Tell the feverish drummer no man is here."

Qu'est-il advenu d'elle ?
Je ne l'ai jamais oubliée...

Commentaires

Très belle note. Et superbe poème de Tennessee Williams, que je vous remercie d'avoir exhumé, et qui ne semble pas lui non plus sans lien avec la "remembrance", ou le "remembrement" — ce qui revient peut-être au même. Il me hante (c'est bien le mot) moi aussi depuis la première lecture, qui date d'une poignée de jours.
Je traque "the word that divides the sky from the belvedere". Celui qui sera capable de me le murmurer ne pourra être qu'un ami. Le retrouvera-t-on un jour ? Il se peut qu'il s'agisse du prénom de votre divine professeur d'anglais...

Kindest regards,

Écrit par : Marsyas | mercredi, 05 octobre 2011

Oui, fort belle strophe qui va me faire aller voir chez ce type qui aurait quelque chose de Tennessee...

Écrit par : Martin Lothar | dimanche, 16 octobre 2011

Le poème de Tennessee Williams se trouve dans le recueil "In the Winter of Cities". Une édition bilingue de ces "collected poems" a été publiée aux éditions Pierre Seghers dans les années 60. Son seul intérêt est sa rareté sur le marché : la traduction, quasi littérale, de Renaud de Jouvenel est parfaitement exécrable.

Écrit par : C.C. | vendredi, 21 octobre 2011

Constantin, pour le fun, pourriez-vous nous livrer cette traduction française "littérale" de cette strophe, par exemple ? (simple curiosité, rassurez-vous)

Écrit par : Martin Lothar | samedi, 22 octobre 2011

"... Conte au tambourineur
que les rebelles ont traversé la rivière et que nul n'est ici
sauf John à la baguette brisée et Peg le demeuré
qui tirait des boulettes de papier à la lune du belvédère.
Dis au tambourineur fiévreux que nul n'est ici."

Écrit par : C.C. | dimanche, 23 octobre 2011

Merci Constantin. Bah, je ne la trouve pas trop mal cette traduc. (c'est le métier le plus difficile au monde, du reste, je pense) Bon maintenant, (oui, je sais, je suis chiant) pourriez-vous nous livrer votre traduction à vous de chez Constantin & Copronyme Ltd ? (Je sens que je vais encore me faire engueuler sur ce coup-là hein !)
Si vous n'êtes point trop énervé et oublieux de ma stupide requête, je vous livrerai la mienne, de translation, brute du contexte de ce poème et de son auteur,que je ne connais encore ni d'Eve ni du vert Adam (si j'ai le temps aussi hein ! — le temps, ce trésor) Bien à vous

Écrit par : Martin Lothar | dimanche, 23 octobre 2011

Bon voilà, c'est fait pour moi et je vous le livre (après, je risque d'oublier) :
Dis au batteur que les rebelles ont traversé la rivière et que tout le monde est parti,
Sauf John et sa baguette cassée et cette ravie de Peg
Qui lançait des boulettes à la lune du haut du belvédère,
Dis au batteur fou que les hommes sont partis.
Bien à vous

Écrit par : Martin Lothar | dimanche, 23 octobre 2011

Et rat homme : "Qui lança des boulettes" (prétérit)

Écrit par : Martin Lothar | lundi, 24 octobre 2011

@ Martin Lothar : Il est évidemment plus facile de repérer les difficultés du texte et les faiblesses de la traduction que de corriger celles-ci ou résoudre celles-là.
"Conte" (pour "Tell") paraît, au mieux, lourd, voire impropre, et semble avoir été choisi, faute de mieux, à seule fin d'éviter la répétition du verbe "dire" : le premier vers cité commence en effet par "I said to him". Quel équivalent acceptable proposer pour "Je lui ai dit, dis..." ? Il n'est guère possible de s'éloigner du mot à mot sans outrepasser les "limites de l'interprétation" et recourir au style indirect libre. Quelque chose comme : "Apaise le tambour : les rebelles ont passé la rivière et il n'y a ici âme qui vive" — "Apaiser" faisant écho à "quiet the drummer" qu'on trouve quelques vers plus haut.
Le traducteur indique en note, dans l'édition bilingue, que "tambour" est, en français, ambigu. Cela ne me semble pas gênant, dans la mesure où le "feverish drummer" de l'original ne l'est pas moins. "Tambourineur", donné comme "bas" par les dictionnaires classiques, est connoté familièrement : je ne le crois pas très heureux. Comment rendre "drumstick" sans avoir à choisir entre la lourdeur ("baguette de tambour brisée") et l'imprécision doublée d'une rupture de l'isotopie ("baguette brisée") ? Daudet emploie dans ce sens "massette", mais c'est apparemment un cas isolé et aucun lecteur ne prendrait le mot dans cette acception...
Reste enfin le problème de "Peg", dont le traducteur fait un prénom masculin et l'unique sujet de "shot", alors qu'il est question, un peu plus loin de "John [who] stood up in his onionskin of adolescence to shoot spitballs at the moon".
Donc :
"Apaise le tambour :
les rebelles ont passé la rivière et il n'y a ici âme qui vive
Seulement John avec sa baguette brisée et Peg la simplette,
qui, depuis le belvédère, ont tiré des boulettes à la lune.
Dis-le au tambour fébrile : il n'y a personne ici."
Bon, pas fameux... Lisons-le en anglais !

Écrit par : C.C. | samedi, 29 octobre 2011

Merci Constantin de cette belle leçon et surtout de ne vous être pas défilé de votre version.
"Lisons-le en anglais" en effet, évidemment, et du reste, ce sont bien ces mots anglais qui m'avaient d'emblée tapé dans l'oeil, voire dans l'âme. C'est encore toute la force de la poésie (s'il en reste) de pouvoir se passer de la contingence des langues, des mots et de la pesanteur de leur truchement, voire du contexte, surtout par ces temps de vrais philosophes de souk.
Qu'importe le flacon...
Cela étant, quand on ne lit ni le chinois ni le martien, il est plus agréable de boire le nectar dans un verre en cristal, un hanap en or que dans la rouille d'une boite de conserve ou que dans une benne à ordure ou à béton...
Bien à vous

Écrit par : Martin Lothar | samedi, 29 octobre 2011

Les commentaires sont fermés.