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jeudi, 15 octobre 2009

Reliures chagrin

La bibliothèque, toujours. En m’efforçant, une fois de plus, d’évacuer un trop-plein de livres d’une armoire vers une autre, moins encombrée, je retrouve — hasard objectif ? La Galère espagnole (Pin-Balma, Sables, 1998), élégante méditation sur la prolifération et le destin des livres que son auteur, Dominique Autié, m’avait offerte peu de temps avant de disparaître. Style superbe. La rhétorique, ici, n’a rien qui pèse ou qui pose. Elle habille la confidence intime, elle est la forme la plus aristocratique de la pudeur, une autre sorte de politesse du désespoir : "Acheter des livres dont il sait que le temps lui fera défaut pour les lire exhaustivement, c’est, dit le maître de bibliothèque, réduire la mort à un moindre mal." Quelques volumes plus tard, je tombe sur l’un des "cinquante exemplaires strictement hors commerce sur offset bleu" (Éditions du Fourneau, 1988) du Slow Food de Gérard Bialestowski, disparu lui aussi. Nos bibliothèques sont pleines de fantômes.

Commentaires

L'âme étant ce qu'il y a de plus divisible, on peut en déposer une partie dans sa bibliothèque en effet ou, moins prosaïquement, dans un coffre-fort. Mais je crois que l'analogie la plus largement partagée, c'est celle de l'automobile ; n'était le coût excessif de l'opération et la menace écologique qu'il représente, je suis persuadé que des tas d'hommes ou de femmes se feraient enterrer ou incinérer avec leur bagnole. La coccinelle VW n'est d'ailleurs pas loin du scarabée qui figure l'âme chez les Egyptiens.
La divisibilité de l'âme est liée à la totalité et à l'idée exprimée par votre ami qu'on puisse lire un livre de façon "exhaustive". Cela rappelle le fétichisme de Proust, choqué par Sainte-Beuve dont la critique relève presque à ses yeux de la violation de sépulture, ou, plus récemment, cet employé de la BNF qui mangeait des livres rares anciens petit morceau par petit morceau.

Écrit par : Lapinos | vendredi, 16 octobre 2009

Pour que le mal soit encore moindre, un exemplaire du livre en lien vous attend depuis hier soir dans les cales du Bateau-Livre...
Avec mes amitiés.

Écrit par : L.S. | vendredi, 16 octobre 2009

Non point de fantômes, mais de squelettes ; ce qui est plus tangible in fine...

Écrit par : Martin Lothar | vendredi, 16 octobre 2009

@Lapinos : remarques en passant :
Le titre même de l'essai de D. Autier renvoie à la relation associant divisibilité et totalité. "La bibliothèque, écrit-il, est un siphonophore" : un organisme complexe, comme la "galère espagnole" ou "physalia", entité unique, composée en réalité d'une colonie de "polypes non sédentaires".
J'aime bien cette idée d'une coccinelle psychopompe (je schématise un peu).
Quant aux thèmes connexes de la lecture, de la manducation et de la défécation, ils ont déjà donné lieu à de nombreuses gloses (Voir "Lire aux cabinets", dans la revue "Humoresques" n° 22 — "Rires scatologiques", juin 2005). Le motif du livre mangé se trouve, bien sûr, dans Ezéchiel, 3:1-3 et dans l'Apocalypse, 10:9-10...

Écrit par : C.C. | vendredi, 16 octobre 2009

- Autier ne fait que répéter Aristote sur le point de la divisibilité et de la totalité, celle-ci impliquant celle-là... et, c'est là qu'Aristote enfonce tous les profs de maths, la division (l'arc de cercle) contient elle-même les vertus du total (le cercle). La théorie de la relativité et celle de l'entropie sont déjà présentes en quelque sorte chez Aristote qui les situe correctement, au niveau de la rhétorique.
Cela évoque justement les insectes, dont Aristote dit que les morceaux continuent de se mouvoir indépendamment, ou l'aimant dont chaque petit fragment se comporte comme le total.

- Les passages d'Ezéchiel et de saint Jean auxquels vous faites référence me posent justement problème plus que d'autres.

Écrit par : Lapinos | samedi, 17 octobre 2009

Les commentaires sont fermés.