vendredi, 15 février 2008
Choses vues
Cette semaine, au hasard des routes et des rues :
— Entre Moulins et Nevers, la petite église romane de Mars-sur-Allier. Tympan sculpté, admirable de grâce gauche et naïve. Le Christ, dans sa mandorle, repose la main qui ne bénit pas sur un cube marqué de cinq points. Curieux dé géant qui renvoie peut-être au symbolisme quinaire tel que l’expose Hildegarde de Bingen.
— Un peu plus loin dans la campagne, par groupes ou par couples, des grues cendrées, arpentant les éteules proches de la rivière.
— Champagne et Picardie. Autoroute. Colonnes de fumées blanches dans les lointains. Bouffées d’odeurs indéfinissables, miasmes, remugles de fermentations végétales, de purin de cochon.
— À Wazemmes, à l’entrée d’une courée, un chat mâchuré furète fébrilement dans les immondices tombées des poubelles, au-dessus desquelles on lit DÉFENSE D’URINER, en lettres bancales à la peinture blanche.
12:00 Publié dans Mes inscriptions | Lien permanent | Commentaires (12)
Commentaires
Un amateur (éclairé) d'art roman m'indique que mon "dé" est en fait... un livre. Voilà comment la manie de l'exégèse nous conduit à la "surinterprétation" et aux lectures "désirantes" — ou "délirantes". J'aurais dû me rappeler que "Dieu ne joue pas aux dés" !
Écrit par : C.C. | samedi, 16 février 2008
Mais les légionnaires eux jouent aux dés. Au pied de la croix, souvenez-vous, pour se partager un manteau.
Que le Christ tienne alors un dé sous la main n'est plus tout à fait impossible.
Écrit par : Eléfan | samedi, 16 février 2008
http://remue.net/spip.php?article2303
Écrit par : paul | samedi, 16 février 2008
Et 5 est le nombre des plaies du Christ.
Écrit par : Ph | mardi, 19 février 2008
Comment êtes-vous sûr qu'il s'agit de Jésus ? Et pas de Dieu-le-père, par exemple, souvent représenté assis bénissant la main posée sur un globe terrestre ?
Dans tous les cas l'hypothèse du dé paraît douteuse ; mais celle du livre (cubique) ne me convainc pas non plus. Il est vrai que je suis d'un naturel plutôt sceptique.
Écrit par : Lapinos | jeudi, 28 février 2008
On pourrait encore penser à la "pierre angulaire" : "Hic est lapis qui reprobatus est a vobis aedificantibus, qui factus est in caput anguli." (Actes, 4:11 ou Éphésiens, 2:20)
Écrit par : C.C. | vendredi, 29 février 2008
Mmm, pas mal, je vote pour cette hypothèse, d'autant que les clés de voûte sont toujours marquées d'une façon ou d'une autre.
Écrit par : Lapinos | vendredi, 29 février 2008
Ah oui, et puis je voulais dire que votre jugement sur la "naïveté" de l'art roman est très subjectif. Contrairement au jugement qui consisterait à dire, par exemple, de manière objective, que l'art contemporain est sous-évolué.
Diriez-vous qu'Apollinaire est un auteur naïf ? Je le crois au contraire beaucoup plus subtil et raffiné que n'importe lequel des philosophes patentés qui encombrent le PAF aujourd'hui, mettons Jean d'Ormesson ou Philippe Sollers.
Le Moyen-âge n'est pas plus "naïf" que l'Antiquité grecque par exemple, simplement les solutions sont différentes parce que le contexte est différent. Même "fruste", l'adjectif ne me paraît pas convenir étant donné le niveau de technicité que ce genre de sculpture suppose. Aujourd'hui il n'y a plus guère que les footballeurs ou les chefs cuistots des grands restaurants pour mériter le qualificatif de "techniciens".
Je sais bien que vous ne pensiez pas à mal en reprenant ce poncif, C., mais il y a tellement de béotiens aujourd'hui qui emploient ce type d'épithète pour faire croire à leur propre sophistication qu'il m'a paru préférable de vous contredire.
Écrit par : Lapinos | vendredi, 29 février 2008
Mon "naïf" n'avait rien de condescendant ou de péjoratif. Je pensais plutôt au sens ancien du mot. Cf. Trévoux : "... qui n'est pas concerté, qui n'est pas étudié. Sincerus, ingenuus, candidus."
Écrit par : C.C. | vendredi, 29 février 2008
Je cite : "à l’entrée d’une courée, un chat mâchuré furète fébrilement"
Chapeau ! quelle classe !
Bon sinon, si c'est du "vrai roman" le Monsieur dans sa mandorle est tout sauf le Christ, le Dieu d'Abraham et tous leurs saints.
Qui est-ce ? Je ne sais, mais je suis persuadé que nous sommes là à plusieurs siècles avant nos bons apôtres et de plus à leur grand septentrion. Désolé...
Écrit par : martin-Lothar | samedi, 01 mars 2008
Parce que vous croyez vraiment Copronyme que l'art roman n'est "pas étudié", "pas concerté", architecture ou sculpture ? Au contraire c'est un expressionnisme très "calculé", plus calculé que celui de Van Gogh, par exemple.
C'est un comble qu'en vertu de ce qu'il y a de plus mauvais dans le Moyen-âge, les spéculations vaines d'Eckart ou de Guillaume d'Occam, on en vienne à flétrir d'une certaine façon aujourd'hui ce que le Moyen-âge a produit de plus solide.
Écrit par : Lapinos | lundi, 03 mars 2008
N'est-il pas surtout dommage de n'avoir qu'un terme, aussi controuvé, que "moyen-âge" pour désigner une période d'un millier d'années ?
Mettre dans la même boîte la chute de Romulus Augustule et la chute de Byzance, Boèce ou Augustin et Eckart ou Nicolas de Cues conduit à des aberrations.
Imaginez le salmigondi que l'on obtiendrait en mettant sur le même pied Ronsard, Rabelais, Bossuet, Proust, Kafka et Robbe-Grillet pour ne parler que de littérature ?
Pourtant on fait cela tous les jours quand il s'agit du "moyen-âge".
Écrit par : Alarc'h | mardi, 11 mars 2008
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