mercredi, 28 novembre 2007
Sur la terrasse, tout en haut de la colline, au paradis
Terminé hier Villa Amalia, de Pascal Quignard, acheté avec quelque réticence, la semaine passée, dans une petite librairie de sous-préfecture, qui ne propose guère au chaland que les derniers prix littéraires et des poches jaunis. La première vue qu’on prend du livre, ouvert au hasard est trompeuse. c’est plat, prosaïque... Des dialogues de diseurs de rien :
"Il ne savait que dire. Aussi dit-il :
— Je ne sais pas quoi dire.
— C’est bien ainsi.
— C’est un curieux début d’année.
— Oui.
— Il fait si étrangement chaud, ajouta-t-il. Mon jardin est plein de bourgeons.
— Ah !"
Mais il faut lire. C’est en réalité un texte magnifique, réduit à des bribes arrachées au vide, au silence, à des murmures coupés de blancs. Un texte poignant, tragique, sur le douloureux désir du bonheur, sur la mort. Le paradis est toujours ailleurs, dans l’espace ou le temps ; les menus plaisirs, les instants privilégiés, les joies sensuelles et fugaces ne sont là que pour entretenir nos rêves d’idéal. Nous sommes voués aux bonheurs pluriels et minuscules : la saveur d’un fruit, le bouquet d’un vin, la texture d’une étoffe, l’indicible beauté d’une mélodie qui fend le coeur et l’âme... Il n’est de paradis que perdu. Et c'est ainsi que Quignard est grand.
15:58 Publié dans Mes inscriptions | Lien permanent | Commentaires (5)
Commentaires
On dirait que vous vous laissez aller à votre tempérament, Copronyme. C'est l'hiver, il n'y a plus d'espoir. Vous êtes un climatique, un païen.
Écrit par : Lapinos | jeudi, 29 novembre 2007
Pas mal vu, j'en conviens ! Cela tiendrait-il à quelque atavisme rustique ?
Écrit par : C.C. | jeudi, 29 novembre 2007
Je vous rejoins dans votre paganisme, même crépusculaire. Mais
"Le printemps balaya la peur.
Ce furent les grands jasmins sauvages..."
à relire encore, page 146.
Écrit par : grapheus tis | dimanche, 02 décembre 2007
Il y a aussi, même page, l'anémone et le pavot.
"L'anémone symbolise d'abord l'éphémère [...] elle peut être aussi, côté nocturne, un symbole de beauté offerte et précaire, forte comme l'est sa couleur et fragile comme l'est un corps que ne sous-tend pas une âme. Fleur de sang éclose par le vent et que le vent peut emporter, elle montre aussi la richesse de la vie en même temps que sa précarité."
"... le pavot que l'on offre à Déméter symbolise la terre, mais représente aussi la force de sommeil et d'oubli qui s'empare des hommes après la mort." (Chevalier-Gheerbrant)
Écrit par : C.C. | lundi, 03 décembre 2007
Si je peux me permettre : Le nom sur le bout de la langue.
Quelques pages inoubliables !
Écrit par : Lydia | samedi, 08 décembre 2007
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