samedi, 11 août 2007
Style bête
Dans l’attente d’un colis de livres qui n’en finit pas d’arriver, je me résous à me transporter à la sous-préfecture proche, où l’on trouve encore deux ou trois librairies traditionnelles qui peuvent dépanner le lecteur pas trop regardant. Je rapporte de mon expédition :
Aventures d’un gourmand vagabond, de Jim Harrison ;
Un festin en paroles, de Jean-François Revel ;
Déposition — extraits du journal de guerre —, de Léon Werth ;
Croquis de mémoire, de Jean Cau ;
Envoie-moi au ciel, Scotty, polar de Michael Ginzburg.
Celui-ci, nous dit la quatrième de couverture, "a travaillé comme plongeur, cuisinier, coursier, chauffeur de gangsters, garde du corps de strip-teaseuses, télégraphiste, détective privé, chauffeur de poids lourds, planteur d’arbres, marchand de fleurs, convoyeur de fumier, ou encore (entre autres) transporteur d’une cargaison de mannequins à bord d’un minicar". Se non è vero…
Je crois que c’est la première fois que je lis quelque chose de Jean Cau. J’espérais une plume un peu plus élégamment vacharde. C’est trop souvent lourd, suffisant, écrit dans un style qu’on ne peut qualifier autrement que de bête.
10:41 Publié dans Mes inscriptions | Lien permanent | Commentaires (4)
Commentaires
J'avais lu, il y a trente ans, avec quelque intérêt "La Pitié de Dieu", qui valut le Goncourt à Jean Cau au début des années 1960. L'exemplaire s'est curieusement perdu. J'en ai feuilleté un à la table d'un bouquiniste voilà quelque temps, que j'ai presque aussitôt reposé avec tous les égards dus à un volume plus que quadragénaire (évitons de dire qu'il m'est tombé des mains). Je n'aurais pas songé à qualifier de bête la langue qui filtrait dans les quelques extraits relus ce jour-là. Vous avez trouvé le mot juste, il me semble. C'est terrible, car cette écriture devait l'être déjà (bête) quand j'ai pris plaisir à ce roman. Il faudrait faire la même expérience avec "L'Amour monstre" de Pauwels (chanté par Gainsbourg…), peut-être éprouverait-on la même déconvenue.
En revanche, je viens d'ouvrir "Les Oreilles et la Queue", du même Jean Cau, sur la "culture du toro" (Gallimard, 1961, réédition récente disponible, si je me fie aux librairies en ligne) : je vérifie que ce livre-là a conservé toute sa vigueur. L'édition de 1961, jaunie, avec ses quelques hors-texte en noir et blanc sur papier glacé, n'est pas un objet déplaisant.
Écrit par : Dominique Autié | samedi, 11 août 2007
Les "croquis" de Cau pourraient être intéressants du point de vue de la petite histoire littéraire, ou amusants. Ils le sont rarement. De sa rencontre avec Faulkner, Jean Cau a retenu que celui-ci portait un gilet à carreaux ; et de Koestler, qu'il avait, ivre, traversé la place Saint-Michel à quatre pattes en compagnie d'Albert Camus. Tout cela n'est pas franchement passionnant ! Après cela, c'est un réel bonheur de feuilleter le journal de Léon Werth : une écriture admirable de naturel et de simplicité, une finesse et une intelligence constantes, rien "qui pèse ou qui pose". Un auteur injustement oublié. Mais l'oubli est souvent injuste — et le succès immérité.
Écrit par : C.C. | samedi, 11 août 2007
On ne peut pas être d'accord sur tout et je vous trouve méchant sur Cau, je me demande si ça n'est pas que vous VOULEZ à tout prix le trouver mauvais. CROQUIS DE MEMOIRE est mon préféré des quelques livres de Cau que j'ai lus ou feuilletés, dont certains m'ont déçu, et je dois dire qu'il est un de mes livres préférés tout court. Le sujet peut sembler petit: rapporter des souvenirs de gens, la plupart des gens de lettres, mais aussi d'autres, qu'il a connus plus ou moins longuement, comme Sartre dont il fut le secrétaire, et dont il fait un portrait qui est un chef d'oeuvre d'élégance malgré leur antagonisme, ou Faulkner qu'il a simplement croisé dans un cocktail et a qui il ne peut guère consacrer plus que la page qu'il écrit, et qui n'a rien de honteux. Pour petit que soit le sujet, il n'est pas sans charme et il est réalisé par un bon artisan. Cela vaut mieux que mille vastes et fumeux enculages de mouches sur la destinée du monde. Les deux anecdotes que vous citez n'ont rien d'infâme. Il en donne aussi d'assez croustillantes, si je me souviens, sur Lacan par exemple, et qui font bien sentir le ridicule de ce personnage, à une époque où nul ne s'avisait de lui manquer de respect. Lecteur, n'écoute pas trop le féroce Constantin et va donc par toi-même goûter aux exquis croquis de Jean Cau.
Écrit par : Ph Billé | lundi, 13 août 2007
"Méchant" me paraît un peu excessif. Je dis simplement avoir été déçu par le critique ou le polémiste — qui ne prend pas beaucoup de risques à ironiser sur Ponge ou un Aragon vieillissant —, et surtout par l'écrivain. Relisez la première page de "Notes grêles sur un vieux piano". Quel style ! On dirait d'un instituteur retraité essayant de faire du Joseph Cressot. Ces métaphores ! Moi aussi, cela me réjouit qu'il traite Lacan de "maboul", qu'il fasse un portrait bien sympathique de Queneau, qu'il soit d'une belle honnêteté avec Sartre... Mais, au-delà de la médiocrité de ces petites proses, je reste gêné par la forfanterie du personnage et ses partis pris anti-intellectuels. Camus ou Barthes méritent-ils autant de mépris ?
Écrit par : C.C. | lundi, 13 août 2007
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