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vendredi, 16 mars 2007

"This grim, ungainly, ghastly, gaunt and ominous bird of yore..."

Certaines portions de la nationale 7, entre Chantenay-Saint-Imbert et Moulins, sont encore — et pour combien de temps ? — bordées de hauts platanes, où gîte tout un peuple de corbeaux. En hiver, ils tourbillonnent et criaillent en bandes nombreuses au-dessus des champs nus. À l’approche du printemps, ils s’affairent dans les ramures chargées de nids hirsutes et volent par couples. Il arrive alors qu’on en voie d’écrasés sur la route : l’amour distrait leur vigilance.

Commentaires

Ce sont des freux – des bec-galeux –, qui vivent en grandes colonies, vont passer l'été dans le nord de l'Europe et retrouvent leur corbeautière et, parmi celle-ci, leur propre nid à l'approche de l'hiver. L'un des oiseaux dont la vie sociale est la plus élaborée. Les corneilles, au bec noir, mènent une existence solitaire ; dans les villages, tours et clochers servent d'HLM aux choucas, plus petits, les ailes rayées de gris, le genre de voisins extraordinairement turbulents. Il paraît que les couples de grands corbeaux ne sont plus rares, désormais, dans toute la zone pyrénéenne : Corvus Corax, de la taille d'un bon coq, un mètre vingt d'envergure, l'impassible croque-mort des réprouvés qui attend son heure au pied des gibets.
Sans doute pourriez-vous écrire un livre singulier mais nécessaire : La France des corbeaux. En y joignant les pies et les geais, qui sont aussi des corvidés, l'ensemble de nos paysages serait concerné. Jean Follain n'étant plus parmi nous pour l'écrire, quelqu'un doit se dévouer.
[Protéger les corbeaux…, voilà qui justifie pleinement un ministère de l'Identité nationale. Non ?]

Écrit par : Dominique Autié | dimanche, 18 mars 2007

Merci, cher D.A. pour ces précisions ornithologiques ! C'est vous, qui semblez incollable en matière de corvidés, qui devriez écrire l'ouvrage que vous évoquez !
Ces oiseaux, qui n'ont pas bonne réputation, mériteraient bien, en effet, qu'on les protégeât. Les services de la voirie de Lille — qui laissent les merdes de chien et les immondices les plus variées s'accumuler sur les trottoirs — ont su trouver le temps de détruire le nid qu'un couple de pies bien sympathique avait construit dans un arbre du boulevard Victor-Hugo, à hauteur de mes fenêtres...

Écrit par : C.C. | dimanche, 18 mars 2007

Je ne suis pas sûr que ce soit l'amour qui les distraie , mais comme un automobiliste ordinaire , la lutte pour conserver son rang ; j'aime les noix qu'ils laissent tomber l'hiver.

Écrit par : Le Morse | dimanche, 18 mars 2007

On dit, d'ailleurs : Y aller de tête et de cul comme une corneille qui casse une noix.

Écrit par : Dominique Autié | lundi, 19 mars 2007

Il ne faudrait pas oublier Jacques Delamain, qui sur les oiseaux en connaissait un rayon lui aussi ; merci pour la distinction entre freux, corbeaux, corneilles et choucas, ça fait un moment que j'attendais qu'on me la donne. Si j'ai bien compris, dans Paris ce sont donc des corneilles ?

Écrit par : Lapinos | lundi, 19 mars 2007

Le problème vient de leur vocation de charognards. Car un des endroits où l'on trouve le plus de charognes aujourd'hui, c'est sur les routes. Les corbeaux se font écrabouiller en allant manger les animaux qui se sont fait écrabouiller en traversant, en somme.
Il faudrait voir, Lapin, mais habituellement les corvidés citadins sont les choucas. On les reconnaît à laurs tempes grises.
C'est bien de citer Delamain, voilà quelqu'un qu'on ne lit pas beaucoup!

Écrit par : Ph B | lundi, 19 mars 2007

Les corneilles abondent en ville, autour des parcs et jardins. Elles vivent en couples, non en bandes, on les voit donc tout au plus par deux. Je n'ai pas mémoire d'avoir vu des choucas à Paris et en proche banlieue (où j'ai vécu jusqu'à l'âge de 30 ans, à l'époque où je m'étais passionné de façon très addictive pour les corvidés). Toutefois, il conviendrait de lever le nez systématiquement aux abords des églises parisiennes et de quelques autres hauts lieux du genre : on repère d'abord les choucas à leur vacarme, qui se trouve couvert par le bruit de la circulation dans une ville comme Paris. Or, nombre de villes de province hébergent leurs bonnes œuvres de choucas dans les mâchicoulis de leur cathédrale. Donc, c'est à l'œil qu'il faut vérifier leur présence à Paris : on les voit voleter nerveusement, comme dans un film projeté en accéléré. C'est très typique.
Quand au freux, il est plutôt végétarien (la corneille et le grand corbeau sont omnivores). Je suis très perplexe sur les raisons de ces cadavres sur la chaussée. Je ne crois pas un instant à l'inadvertance de ces oiseaux, d'une sagacité et d'une prudence redoutables, qui font à plusieurs centaines de mètres de distance la différence entre un simple bâton et une carabine…

Écrit par : Dominique Autié | lundi, 19 mars 2007

Ces corbeaux (tout inexact qu'il est, j'emploie le mot par commodité), ces corbeaux écrasés, donc, ne sont pas si nombreux que cela. On en voit quelques-uns en ce moment, et aussi lorsque les jeunes quittent les nids. Il semble, en effet, que ces oiseaux évaluent très bien le danger, piétant tranquillement sur les bas-côtés de la route, comme s'ils se savaient hors d'atteinte des voitures qui les frôlent en vrombissant.

Écrit par : C.C. | lundi, 19 mars 2007

On fait — ou du moins on faisait jadis — dans l'Orléanais, une soupe au corbeau. C'était en fait un pot-au-feu, avec bœuf et légumes. Le corbeau, qu'on y ajoutait pour donner du goût, était retiré en fin de cuisson. On servait le bouillon sur des tranches de pain grillé parsemées de fromage râpé.

Écrit par : Rose Chapotel | lundi, 19 mars 2007

À vérifier : dans la hampe (calamus) particulièrement dure et résistante des rémiges du grand corbeau, on taillait les … (petits onglets – mot à retrouver) qui pincent les cordes du clavecin.

Écrit par : Dominique Autié | lundi, 19 mars 2007

Petits onglets : s'agit-il des sautereaux ?
"C'est une petite languette de bois qui touche les cordes des clavessins ou épinettes avec un petit bout de plume de corbeau, et qui porte par l'autre bout sur l'extremité des touches du clavier. Il est aussi garni d'un petit morceau de drap qui estouffe le son de la corde en retombant, quand on ne veut pas faire de tenuës." (Furetière)

Écrit par : C.C. | lundi, 19 mars 2007

Bien entendu, c'est d'eux qu'il s'agit… les sautereaux.
Il règne chez vous, autour de ce billet, une ambiance qui vient de me rappeler celle qui teinte si étrangement le beau roman de Pascal Quignard, Carus. Il n'y est pas question de corvidés, mais de la langue. Ceux qui se retrouvent, dans la clôture de l'appartement où se déroule tout le récit, peu s'en faut, échangent ainsi de précieuses et inutiles données sur les usages de la langue, d'une langue déjà perdue. Cela dans une sorte de tension à peine soulignée par le narrateur. On ne mesure que tard, dans le récit, combien la présence même des protagonistes est pure déploration.
Vous devrier suspendre ce blog ici, sur cette chronique, et que nous déroulions désormais avec vous l'entretien infini que ces quelques corbeaux morts, sur votre route, fondent en droit.

Écrit par : Dominique Autié | lundi, 19 mars 2007

On pourrait aussi, avec un sentiment moins tragique de la langue, pasticher une "serée" façon Guillaume Bouchet, qui s'intitulerait "Des pies et corbeaulx". On y apprendrait, entre autres, "qu'on fait des corbeaux blancs en les exposant à la fumée du soufre, lorsqu'on les a pris jeunes et dans le nid" ou encore que "quand leurs petits sont éclos, ils les abandonnent, mais que le mâle par un instinct naturel porte beaucoup de viande dans le nid pendant que la femelle couve ; cette viande se corrompt et engendre des vers dont les petits se nourrissent pendant sept jours, après quoi, commençant à noircir, le père et la mère les nourrissent".

Écrit par : C.C. | mardi, 20 mars 2007

Corbeaux, corneilles et geais ont été, au Canada, les premières victimes de cette nouvelle épizootie appelée "virus du Nil occidental" (P'têt ben que Tintin aura rapporté c'te saloperie dans sa boîte à cigares); une maladie que transmettent les moustiques (connus au Québec comme les "maringouins") aux oiseaux qui les mangent et aux humains. Maladie hélas mortelle pour les oiseaux ... seulement.

Écrit par : Kate | mardi, 20 mars 2007

Dominique Autié invite votre blog au supplice des cent morceaux, mon cher C.C. Je me souviens de corbeaux qui attaquaient les poussins, l'année où a été cimenté le sol en terre battue de la cuisine de ma grand-mère ; j'ai gagné plusieurs fois la contrepartie en caramels de la valeur d'une cartouche de fusil. Il fallait pour cela attendre que les oiseaux soient nés, pour monter dans les arbres, les massacrer et leur couper les pattes que l'on ramenait à la mairie ( mais c'était sept ou huit ans plus tard).

Écrit par : Le Morse | mercredi, 21 mars 2007

Eu égard aux nombreux commentaires suscités par cette note, il faudrait peut-être envisager la création d'un blog entièrement consacré aux corvidés ! Une encyclopédie ouverte du corbeau, en quelque sorte.

Écrit par : C.C. | mercredi, 21 mars 2007

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