lundi, 14 août 2006
Auch Zwerge haben klein angefangen
J’ai peut-être été un peu sévère, voire injuste, avec Nicolás Gómez Dávila. J’aurais certainement été moins difficile — ou plus indulgent — si je n’avais lu, parallèlement, le Mouvement perpétuel d’Augusto Monterroso. Chez celui-ci, rien de la gravité asine que stigmatisait Montaigne. Le lecteur est séduit par sa feinte désinvolture, une constante ironie et le sens de l’auto-dérision. Toutes qualités essentielles au moraliste comme au littérateur, et qui font cruellement défaut à Gómez Dávila.
Remarquablement efficace sur la courte distance (même si je ne crois pas exact qu’il soit, comme on le prétend, l’auteur de la nouvelle la plus courte qu’on ait jamais écrite), Monterroso pratique également avec bonheur l’art subtil de l’épigraphe, comme en témoigne cette citation d’Eduardo Torrès, en tête de "Taille et poésie" : "Les nains ont une sorte de sixième sens qui leur permet de se reconnaître à première vue." (Mouvement perpétuel, Albi, Passage du Nord/Ouest, 2004)
22:03 Publié dans Mes inscriptions | Lien permanent | Commentaires (7)
Commentaires
La nouvelle de Monterroso:
"Quand il se réveilla, le dinosaure était encore là."
Écrit par : Tlön | jeudi, 17 août 2006
Elle est en tout cas plus courte que celle de Fredric Brown :
"Le dernier homme sur terre était assis seul dans une chambre. On frappa à la porte."
Écrit par : P.U. | jeudi, 17 août 2006
En réalité, la "nouvelle" de Monterroso est donnée pour la plus courte qu'on ait écrite en langue espagnole (sept mots) et non pour la plus courte qu'on ait jamais écrite.
Mais, finalement, je ne suis pas sûr qu'on ait fait mieux — du moins dans le genre "narratif". Sternberg, avec "La perte" arrive à onze mots : "Il était une fois un dieu qui avait perdu la foi."
Écrit par : C.C. | jeudi, 17 août 2006
Oui, vous avez été injuste. Mais si ce sont les pitreries, que vous recherchez, Davila n'est sûrement pas votre homme, en effet.
Écrit par : Ph.B | dimanche, 20 août 2006
Je ne m'intéresse pas spécialement aux "pitreries", et je ne crois pas que les auteurs de "scolies", fragments ou aphorismes que j'aime soient d'aimables farceurs (de Lichtenberg à Ceronetti) ; en outre, sur le contenu, je souscris la plupart du temps à ce qu'écrit Dávila. Mais il ne suffit pas de pratiquer la forme brève pour être profond : on n'est pas toujours très loin des "brèves de comptoir". Il y a de ces truismes, de ces platitudes... J'ouvre au hasard : "Le sourire de l'être que nous aimons est le seul remède efficace contre le découragement." (735) Formule pour plaque décorative en plastique à accrocher au mur du salon.
Écrit par : C.C. | dimanche, 20 août 2006
Je veux bien croire, Constantin, que vous avez de bonnes lectures, je ne connais pas les auteurs que vous nommez. Par contre je connais bien Gomez Davila, c'est un des rares auteurs dont j'aie lu tout ce qu'il a publié, et par chance j'ai pu le lire en espagnol. J'admire ses écrits. Il est peut-être sentencieux. Cela ne doit pas forcément étonner, chez quelqu'un qui écrit des sentences. Mais honnêtement, je crois qu'il ne manque ni d'ironie, ni de profondeur, et je ne trouverais pas mauvais que ses pensées ornent un peu plus souvent les murs des salons (encore que les graver dans le plastique serait un méchant hommage, car il avait ce matériau en horreur). Il y a sans doute des scories parmi ses scolies, et la phrase de lui que vous citez avec dégoût n'est pas de celles qui, de prime abord, m'auraient attaché à lui. Encore qu'il faille se garder d'en juger hâtivement. Il est facile d'en ricaner, mais après tout elle n'est ni fausse, ni mal tournée, ce qui n'est déjà pas si commun. Et il conviendrait de la considérer selon le point de vue particulier de l'auteur sur la platitude et le lieu commun, tel qu'il apparaît dans d'autres phrases de lui, comme les suivantes, extraites de la même oeuvre, bien que ne figurant pas dans la sélection française:
"Lassée de glisser sur la pente commode des opinions hardies, l'intelligence s'aventure enfin dans le territoire broussailleux des lieux communs."
"Je me méfie de toute idée qui ne semble pas démodée ou grotesque à mes contemporains."
"L'originalité intentionnelle et systématique est l'uniforme contemporain de la médiocrité."
"Il y a des sujets sur lesquels celui qui ne dit pas des banalités ne dit que des âneries."
Je n'ai pas sous la main cette édition française, à propos de laquelle j'avais moi-même exprimé de sérieuses réserves, à plusieurs égards, lors de sa parution. Mais tout de même, si réellement vous avez lu les centaines de pages qu'elle compte, je comprends mal que vous n'y ayez vu que "truismes", "platitudes" et "stupidités", et que vous vous en trouviez consolé avec les petites pirouettes de Monterroso-Torres. Ce que je comprends encore moins, c'est qu'il faille vous solliciter dans votre courrier des lecteurs pour vous entendre admettre que vous souscrivez "la plupart du temps à ce qu'écrit Davila". Vous lisez donc un livre dans lequel vous "souscrivez la plupart du temps" à ce qui est écrit, et vous en rendez compte à vos lecteurs en en disant pis que pendre et en en citant les phrases qui vous paraissent le plus ridicules? Libre à vous, si ça vous amuse, mais c'est injuste, en effet.
Écrit par : Ph. B | lundi, 21 août 2006
"Les grosses âneries ne peuvent être dites qu'en place publique." (2102) Ce que j'ai eu le malheur d'écrire semble bien en être la preuve !
Lisez tout de même Ceronetti, "Le Silence du corps", par exemple...
Écrit par : C.C. | lundi, 21 août 2006
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