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mardi, 04 avril 2006

Substantifs féminiformes

Extrait d’un mail émanant de la SIÉFAR (Société Internationale pour l'Étude des Femmes de l'Ancien Régime) :

"[…] L’année dernière, pour la première fois dans l’histoire du concours de l’Agrégation de Lettres, les œuvres de Louise Labé ont été mises au programme de littérature française ; elle était la seconde autrice à avoir cet honneur pour le XVIe siècle.
Parmi les produits inattendus de la floraison de travaux généralement consécutive à un tel événement, vient de paraître un livre de Mireille Huchon, professeure de langue française à la Sorbonne (Paris IV), qui remet en cause la paternité de Louise Labé sur le volume des Euvres paru en 1555 et réédité en 1556 […]"

Autrice, professeure ? Voilà assurément des audaces lexicales qui contribuent grandement à libérer la femme !
à
propos du mot auteur, le Robert historique de la langue française indique : "Le mot n’a pratiquement pas de féminin en français d’Europe : auteuresse (av. 1921), autoresse et authoress (1867, chez Taine, anglicisme), ni autrice, plus régulier et ancien ne sont usuels." Pour professeur, le même dictionnaire précise : "malgré la tentative de quelques formes féminines (professeuse, professoresse, une professeur), le masculin est seul en usage en français d’Europe, en parlant d’une femme."
En revanche, on notera que la forme conne ne fait l’objet d’aucune réserve.

Commentaires

Laisse aller les mots...Soit cool....

Écrit par : RPH | mardi, 04 avril 2006

"En revanche, on notera que la forme conne ne fait l’objet d’aucune réserve".

La belle chute !

Écrit par : Le_Duc | mardi, 04 avril 2006

"...qui remet en cause la paternité de Louise Labé sur le volume des Euvres paru en 1555..." Maternité?

Écrit par : eric | mardi, 04 avril 2006

"...qui remet en cause la paternité de Louise Labé sur le volume des Euvres paru en 1555..." Maternité?

Excellent, très cher.

L_D

(Aujourd'hui je distribue les bons points et les punitions)

Écrit par : Duc_Le | mardi, 04 avril 2006

Eu égard au contexte, voilà en effet une "paternité" qui ne manque pas de sel ! Le poids des habitudes langagières est tel que même les féministes les plus vigilantes s'y laissent prendre !

Écrit par : C.C. | mardi, 04 avril 2006

Amusante diatribe. On se lasse de toutes ces "battantes" qui tiennent absolument à se trouver une appellation ... contrôlée. Étrangement, "poufiasse" n'a pas de masculin...

Écrit par : Kate | mardi, 04 avril 2006

"Amusante diatribe. On se lasse de toutes ces "battantes" qui tiennent absolument à se trouver une appellation ... contrôlée. Étrangement, "poufiasse" n'a pas de masculin..."

Patriciakaas non plus.

























(je vais au coin)

Écrit par : Duc | mardi, 04 avril 2006

Je croyais que ce blog avait une certaine tenue littéraire.
Or, voici une information, ou du moins une hypothèse sur Louise Labé qui paraît assez renversante - si du moins il faut comprendre que L.L. ne serait pas l'auteur des pages parues sous son nom - et qui n'est nullement expliquée ni commentée. Par contre, sa forme suscite de grasses plaisanteries d'un autre âge. Quelle déception!

Écrit par : Pierre Enckell | mercredi, 05 avril 2006

Cher P.E. :
La note incriminée se fonde — désolé si je n’ai pas été assez clair — sur un courrier électronique qu’on m’a adressé pour m’informer de la publication, par Mireille Huchon, d’un essai intitulé "Louise Labé : une créature de papier". J’ai d’abord pensé qu’il s’agissait d’un poisson d’avril (vous savez combien les universitaires sont facétieux !), mais l’ouvrage est sorti chez Droz en décembre 2005. Voici la présentation de l’éditeur, telle qu’on la trouve sur Amazon :

"Mystère et paradoxes entourent le personnage de Louise Labé, à la réputation controversée de courtisane, ainsi que la publication en 1555 de son unique ouvrage, les "Euvres de Louise Labé Lionnoize", dont l'édition originale est ici reproduite dans son intégralité, Trois élégies et vingt-quatre sonnets lui ont assuré une gloire universelle de poète, alors même que l'ouvrage comporte un long "Dialogue de Folie et d'Amour" en prose et qu'il est composé pour un tiers d'écrits dithyrambiques à sa louange, pièces non signées de poètes contemporains qui ne parleront ensuite plus jamais d'elle. A restituer le cercle de ces poètes de Louise Labé, dans le Lyon fastueux du milieu du XVIe siècle, il apparaît que les "Euvres", opération collective élaborée dans l'atelier de Jean de Tournes par des auteurs très impliqués dans la production de ce dernier, ne sont qu'une supercherie brillante. Celle-ci ne devait pas faire illusion au lecteur lyonnais de 1555, habitué aux masques et aux déguisements, aux momeries et aux figures allégoriques comme mythologiques qui hantent Fourvière (le forum de Vénus), attaché à la littérature paradoxale alors à la mode dans cette cité où l'on débat entre néoplatoniciens italiens et français des vertus de l'Amour Le projet marotique ancien de "louer Louise", inspiré du "laudare Laure" de Pétrarque, adapté dans des circonstances très particulières, se révèle finalement comme une mystification de poètes facétieux qui ont cyniquement couché sur le papier une femme de paille dont ils se sont joués."

N’ayant pas lu ce livre, je me garderai bien de porter le moindre jugement sur une thèse pour le moins saugrenue, qui, si elle n’était pas signée par un — pardon : UNE professeurE de Sorbonne ne susciterait sans doute qu’irritation et ricanements parmi les seiziémistes…
Quant à la tenue littéraire de mon blog et au niveau pitoyable de mes grasses plaisanteries, je suis navré qu’ils offensent votre délicatesse. Jarry, à quelqu’un qui s’offusquait qu’il portât à l’enterrement de Mallarmé un pantalon douteux, déclarait : "Vous savez, nous en avons un encore plus sale !" Je serai tenté de vous vous répondre quelque chose du même genre, ou de citer encore Jarry : "Le bon goût, nous l’emmerdons."

Écrit par : C.C. | mercredi, 05 avril 2006

Pierre Enckell faisait peut-être référence à mes messages crétins, cher Constantin. Mais, comme je l'ai dit, je suis allé au coin pour me punir de mes bêtises.
L'honneur de ce blogue est donc sauf.

Écrit par : dux | mercredi, 05 avril 2006

Cher C.C.,

Merci de m'avoir répondu. Le mot "grasses" ne faisait pas allusion à la scatologie (ou à la copronymité) ; dans un Dictionnaire des jurons, j'ai consacré moi-même quelque dix-sept pages et 218 citations à MERDE, ainsi que des articles moins importants à MERDASSE, MERDAZOF, MERDERIE, MERDOUILLE et MERDRE, sans parler de CACA, de CHIOTTE, d'ETRON, etc. A votre dernier alinéa, je pourrais ainsi répondre : Mange.

Ce qui me désole, c'est plutôt les rires gras que j'entends derrière des mots comme CONNE et POUFFIASSE. "Quelle conne" me paraît impliquer un mépris général vis-à-vis des femmes, alors que "Qu'est-ce qu'elle est con" vise avec plus de pertinence le niveau d'intelligence. Peut-être ai-je l'oreille trop sensible.

Quant à AUTRICE et PROFESSEURE : le Dictionnaire historique de Rey ne fait pas autorité, et il y a plus de vingt ans que la langue évolue - lentement, certes, à tâtons - vers une féminisation des noms de profession, provoquant des débats sans fin.

Mais pour en venir au vrai sujet : l'affaire Louise Labé. J'ignore tout, moi aussi, de ce livre. Il y a un site ouvert par la SIEFAR pour recueillir les réactions à son sujet : il ne comprend jusqu'à présent qu'un article sans intérêt de Claude Duneton.
Il y a quelque temps, un informaticien un peu zozo avait cru prouver que les oeuvres de Molière avaient été écrites par Corneille, et avait suscité un immense brouhaha médiatique, malgré les critiques des spécialistes.
Mais Mireille Huchon est une seiziémiste reconnue, qui a entre autres édité Rabelais avec beaucoup de talent, et sa thèse, aussi saugrenue qu'elle puisse vous paraître, mérite d'être sinon acceptée aveuglément, du moins prise en considération. Il y a d'autres exemples littéraires où des hommes écrivent sous un nom féminin, les Lettres d'une religieuse portugaise, par exemple.

Ce qui me navre - et là, vous n'êtes plus en cause -, c'est que ce beau sujet de débat culturel ait été complètement occulté par les medias comme s'il s'agissait de la lubie d'une sorbonnarde, alors que ces mêmes medias accordent une importance démesurée à des sujets bien plus frivoles. En Allemagne, en Angleterre, peut-être même aux Etats-Unis, une hypothèse de ce genre aurait suscité des articles dans plusieurs journaux ou magazines sérieux. Si la littérature française n'est plus prise au sérieux, qu'est-ce qui mérite de l'être?

Écrit par : Pierre Enckell | mercredi, 05 avril 2006

Je ne vois pas en quoi le fait de commenter avec lassitude voire mépris la féminisation de termes que les dictionnaires ont de tout temps donné au masculin soit une atteinte à la qualité de ce blog ou de l'oeuvre de Louise Labbé. À mon avis, la polémique de la "féminisation" de pareilles expressions démontre soit que la littérature manque d'évolution sociale, politique, etc., soit que la société féminine manque de vision pour s'offenser qu'une expression masculine lui porte personnellement atteinte. Si "conne" ou "poufiasse" est une injure à l'intelligence des femmes, ne la méritent-elles lorsque leur discours, sous prétexte littéraire, crée une discussion politico-sociale inutile aux dépens de l'oeuvre même?

Écrit par : Kate | mercredi, 05 avril 2006

P.E. :
Le silence autour de "l'affaire Louise Labé" n'a rien de très surprenant. Les médias ne s'intéressent pas à la littérature, mais aux formes les plus superficielles de la vie littéraire — ou de ce qui en tient lieu —, et seulement à travers ce qu'elle peut présenter d'anecdotique, de tapageur, de cocasse ou de scandaleux : chapeaux d'Amélie Nothomb, chiffres des ventes de Houellebecq, entartage de B.-H. L., etc. La vie sexuelle de Catherine M. est plus propice à entretenir les fantasmes de nos contemporains que les amours de la Belle Cordière, dont les "signes d'amante" paraissent aujourd'hui bien timides...
Quant aux milieux universitaires, on comprend leur embarras. On ne se débarrasse pas de Mme Huchon aussi facilement que du "zozo" auquel vous faites allusion ! Si sa thèse est fondée, tout le monde se trouve gêné de n'avoir pas soupçonné une possible mystification. Il serait assez croquignol d'admettre que "l'autrice" inscrite au programme de l'agrégation n'est qu'un prête-nom ou une pure fiction littéraire — et tout à fait délectable de relire les approches sainte-beuviennes et psychologisantes de l'œuvre !

Écrit par : C.C. | mercredi, 05 avril 2006

- Mais ses entartages à répétition ne constituent-ils pas ce qu'il y a de plus intéressant chez BHL?

Plaisanterie à part, je reviens de chez Gibert où j'ai acheté le livre de Mireille Huchon (il n'est pas à la FNAC des Halles). Commencé à le lire dans le métro et au bistrot. J'en suis à la p. 85 (il en a 483, y compris environ 200 de fac-similé pas toujours net de l'édition originale de L. Labé). Si le public me le demande avec insistance, je pourrai donner mon opinion en début de semaine prochaine, peut-être.

Écrit par : Pierre Enckell | mercredi, 05 avril 2006

Je ne me sens pas le courage de m'atteler dans l'immédiat à la lecture d'un ouvrage que je devine peu divertissant. C'est pourquoi je compte bien avoir votre avis éclairé sur la question !
Lu l'article de Duneton, dont m'agace la pseudo-bonhomie vacharde et satisfaite : cette façon de parler des poètes lyonnais comme de "lascars" ou des "copains" de Maurice Scève comme "d'estimables rimeurs" est tout simplement insupportable.

Écrit par : C.C. | mercredi, 05 avril 2006

L'un de mes ancêtres s'appelait Maurice Boissard.
Je ne connais pas de Louise Labbesse.

Écrit par : Mauricette Beaussart | jeudi, 06 avril 2006

Au cas où il y aurait des gens que la question intéresse encore, voici une note brève qui tâche de résumer le livre. S'il ne suscite pas de débats dans la grande presse, tant pis pour la grande presse.


Mireille Huchon : Louise Labé, une créature de papier. Genève, Droz, 2006. 483 p. 22 euros.

L’enquête très fouillée et très savante de l’auteur semble montrer
a) que l’ouvrage publié en 1555, Euvres de Louïze Labé Lionnoize, est le seul lieu contemporain où il soit parlé de L.L. comme auteur ;
b) que les autres mentions de L.L., soit sous son nom, soit sous celui de « la Belle cordière », en font plutôt une courtisane, pour parler poliment ;
c) que les « Escriz de divers Poëtes » publiés à la fin de l’ouvrage ne se rapportent pas forcément à L.L., certains d’entre eux ayant été adressés à d’autres femmes ;
d) que d’autres chercheurs ont déjà émis l’hypothèse que certains textes de L.L. seraient dûs à sa collaboration avec des poètes comme Maurice Scève (pour le « Debat de Folie et d’Amour ») ou Olivier de Magny.

D’où sa conclusion (p. 272) que « Les Euvres de Louïze Labé Lionnoize sont une opération collective élaborée dans l’atelier Jean de Tournes [l’imprimeur-éditeur], par des auteurs pour la plupart très liés aux réalisations de cet imprimeur ».
Incidemment, Mme H. remet aussi en cause l’existence réelle en tant qu’auteurs d’autres Lyonnaises, comme Jeanne Flore (ses doutes semblent justifiés) et Pernette du Guillet.

Le cumul de preuves et de témoignages apportés par Mme H. est impressionnant, et paraît souvent convaincant. Mais sa démonstration s’arrête là. Elle ne traite qu’incidemment des vingt-trois sonnets français attribués à L.L., et qui font l’essentiel de sa réputation actuelle. Une étude interne stylistique, linguistique, prosodique parviendrait-elle à déterminer s’ils sont de la même main, ou s’ils se rapprochent des réalisations d’autres poètes ? Vu leur faible nombre, ce serait sûrement difficile.

Quoi qu’il en soit, ce livre a le très grand mérite de réexaminer la question à partir des documents et textes de base, sans tenir compte de toutes les suppositions plus ou moins romanesques accumulées depuis que L.L. a été sacrée auteur canonique.

Écrit par : Pierre Enckell | dimanche, 09 avril 2006

Au fond, que les pièces de Shakespeare ne soient pas de lui, mais d'un autre auteur qui portait le même nom, cela n'a pas vraiment d'importance...
Louise Labé existe en tant qu'auteur "virtuel" ou "idéal" (cf. terminologie de Jaap Lintvelt ou Eco), et cela seul importe — quel que soit "l'auteur empirique" des "Euvres". Le sonnet XIV serait-il moins poignant d'avoir été écrit par un homme ?

"... Et mon esprit en ce mortel séjour
Ne pouvant plus montrer signe d'amante,
Prierai la mort noircir mon plus clair jour."

Toutes ces spéculations érudites, gloses ou élucubrations diverses devraient, au-delà de la controverse savante, nous conduire à nous interroger sur le poids de nos "superstitions littéraires" et sur ce qu'Eco appellerait "le statut ontologique" de l'auteur...

Écrit par : C.C. | dimanche, 09 avril 2006

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