mardi, 14 mars 2006
"Tout ce foutu fatras culturel..."
"Un livre, n’importe lequel, est pour nous un objet sacré", note Borges dans "Du culte des livres" (Enquêtes, Gallimard, "La Croix du Sud", 1957). Dans La Bande à Bonnot, le film de Philippe Fourastié, Jacques Brel-Raymond la science déclare : "Un livre, ça ne se vole pas."
Que valent aujourd'hui de telles assertions, témoignant chez l'érudit aussi bien que chez le voyou d'une commune révérence pour l'imprimé ? Il y a quelques jours, à la Sorbonne, Gilles de Robien exhibait devant les journalistes les ouvrages anciens déchirés par les anti-CPE. Que les vandales fussent ou non des étudiants n'excuse rien. Il n'y a que les barbares et les brutes pour saccager les bibliothèques — et la presse démagogique pour parler de "dégâts minimes".
17:53 Publié dans Mes inscriptions | Lien permanent | Commentaires (5)
Commentaires
Cher Constantin,
Je n'ai pas de téléviseur. Je n'ai donc pas vu les images en question. Je me méfie quand même du traitement que les journaux télévisés font des manifestations anti-CPE. Pour l'avoir entendu à plusieurs reprises à la radio, je crois savoir que Gilles de Robien aime à diffuser des mensonges et autres approximations. Il ne semble pas trop porter dans son coeur (comme beaucoup de vieux dans notre beau pays, lui aussi, vieillissant) les jeunes. Sauf peut-être ceux qui, bien sagement, étudient en école de commerce et ne revendiquent rien.
Pour ce qui est des livres saccagés, je ne peux qu'être d'accord avec vous.
Cordialement,
Dvx
PS : comment les étudiants-vandales avaient-ils eu accès aux livres anciens ? Ils ne sont pas gardés en lieu sûr ?
Écrit par : dvx | mardi, 14 mars 2006
… les livres "anciens" en lieu sûr, les livres moins anciens en lieu moins sûr, quant aux livres neufs c'est pas sûr du tout (qu'on fasse autre chose que photocopier la page qu'il faut avoir lue pour le TP suivant – quand on ne l'arrache pas, c'est plus pratique et c'est plus sûr).
On entre dans nombre de bibliothèques comme dans un moulin, je vous le confirme. Les bibliothécaires sont, depuis des lustres, formés au dogme qui édicte que le livre est un objet gratuit, sans autre propriétaire que le lecteur-citoyen qui a libre accès à la culture.
Enfin, la vocation d'une bibliothèque est de brûler. Bien que l'ouvrage soit bâclé par un auteur antipathique et un éditeur qui a éradiqué toute référence aux sources (pas de notes en bas de page, ce n'est plus tendance), lire par principe l'étude de Lucien X. Polastron, "Livres en feu – Histoire de la destruction sans fin des bibliothèques", Denoël, 2004.
Exhiber un "vieux" livre abîmé par l'Occupant, c'est agir en ministre illettré pour qui existe un ordre des "livres anciens" – ceux auxquels on ne touche pas. C'est de la pédagogie pour JT de 20 heures.
Il y a la question de la haine du travail, d'une part (qui se hurle ces jours-ci sous mes fenêtres).
Il y a la question du livre. Qui est une autre question.
Je ne vois pas d'ensemble commun, de point de tangence, ces temps-ci, entre ces deux questions, qui justifierait qu'un livre émietté serve de symbole à ce qui advient. Il y a contresens, probablement délibéré.
(Je fraternise au moins sur un point avec dvx : je n'ai pas non plus de téléviseur. Je ne compte plus les années d'abstinence cathodique. Seul les procédés inquisitoriaux du fisc, l'an passé, m'ont rappelé que c'est une faute dont il convient de se justifier.)
Écrit par : Dominique Autié | mercredi, 15 mars 2006
Je regarde très peu la télévision, le hasard me l'a fait regarder ce jour-là, et je dois dire que ce ministre n'était pas très convaincant, j'ai pourtant beaucoup de respect pour les livres anciens, mais là son apparition sentait la mise en scène et le faux, c'était même assez pathétique comme réponse à ce qui venait de se passer...
Écrit par : Ray | mercredi, 15 mars 2006
Cher Dominique Autié,
Je n'ai pas bien compris où vous vouliez en venir mais soit.
Écrit par : dvx | mercredi, 15 mars 2006
S'il n'y a pas d'intersection, il y a peut-être tout de même un point de tangence — une étroite proximité entre la haine du travail et, sinon la haine, du moins le mépris du savoir, à travers ce qui le symbolise.
Les arguments contre le CPE sont édifiants : "On ne pourra plus obtenir de crédit, on ne pourra pas s'acheter une voiture..." On a entendu cela à plusieurs reprises. À quoi rêvent les jeunes gens ? Au crédit à la consommation et à la petite auto... pas celle d'Apollinaire, naturellement !
Écrit par : C.C. | jeudi, 16 mars 2006
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