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jeudi, 24 novembre 2005

So The Wind Won't Blow It All Away

La semaine passée, ayant quitté ma thébaïde auvergnate pour profiter quelques jours de l'hospitalité de mon fils — Lorrain par inadvertance, eût dit Vialatte —, je me retrouve plus ou moins en panne de lecture. Voyons ce qu'il y a dans la bibliothèque : Jim Grimsley, Colum Mac Cann, Larry Watson... Brautigan. Pourquoi ne pas relire "Mémoires sauvés du vent" ? Peut-être l'un de ses plus beaux textes, l'un des plus poignants, infiniment triste sous cette désinvolture qui relève de la politesse du désespoir...

J'oublie dès les premières lignes le brouillard et le givre au dehors, la musique en sourdine d'Eberhard Weber ; je suis au bord d'un étang glauque, dans le bruissement des roseaux et le chant des merles, "semblable à des points d'exclamation mélancoliques tapés à la machine une soirée d'été, l'un de ces soirs qui transpirent l'ennui et l'épuisement parce qu'un vent chaud souffle du sud" ; je suis ce gosse au tennis mouillées... l'enfant qui regarde les enterrements de la fenêtre de sa chambre, en pyjama. Il y a aussi la fillette du croque-mort, avec ses mains glacées, le camarade de jeux, qui mourra parce que le fatum vous a conduit à acheter une boîte de balles de 22 plutôt qu'un hamburger... Ce court roman est d'autant plus tragique que le tragique, ici, s'inscrit dans la trivialité d'un quotidien dérisoire, hanté de fantoches... Et, comme dans toute tragédie, marquée par l'effroi et la pitié, la fin, inéluctablement désespérée, trace une croix sanglante sur les illusions perdues. "Si seulement j'avais eu envie d'un hamburger ce jour-là, tout aurait été complètement différent..."

Commentaires

On trouve parfois dans les solderies des parkas à gibecières qui permettent d'emporter un livre ou deux de secours.

À moins que les lois de l'hospitalité auvergnate ne vous obligent à boire, manger et lire ce que votre hôte vous sert ? (Brautigan, tout de même, c'est un peu maigre - mais je n'ai pas lu ses Mémoires)

Écrit par : Lapinos | jeudi, 24 novembre 2005

Brautigan ! un peu maigre !
Lapinos !
ou alors vous confondez finesse et rachitisme .
Mais Brautigan ne se serait pas senti offusquer lui qui savait s'extasier devant "la plus petite tempête de neige" : trois flocons !

Écrit par : hozan kebo | jeudi, 24 novembre 2005

Beaucoup d'écrivains qu'on peut juger un peu "maigres", de "minores", ont une "petite musique" (je sais que l'expression est éculée, mais elle dit bien ce qu'elle veut dire) ou un "charme discret", un "presque rien" ou un "je ne sais quoi" qui nous touchent profondément, qui éveillent en nous l'écho de choses très anciennes, de vagues nostalgies... Clowns tristes, funambules au "bord des larmes" (un beau titre de Renaud Camus) dont les ritournelles en mineur nous trottent lontemps dans la tête. Brautigan est de ceux-là. "So the Wind..." est un très beau texte, à ranger tout près d'autres écrits pudiques et déchirants sur l'enfance : les premiers Truman Capote, "La Maison d'haleine" de William Goyen, "Au revoir, à demain" de William Maxwell, "Pluie" de Kirsty Gunn... Et, dans le domaine français, il faudrait évoquer des choses plus anciennes, peut-être, comme les "Enfantines" de Larbaud, "Le Bonheur des tristes" de Luc Dietrich, "Salomé" de Vialatte... Non, franchement, je ne crois pas que Brautigan soit maigre !

Écrit par : C.C. | jeudi, 24 novembre 2005

Je n'ai lu que le "Monstre des Hawklines" et une histoire de flic à Hollywood, bouquins censés être désopilants mais qui n'ont fait que m'agacer. J'aime beaucoup les parodies, mais là, il y a plus de ficelles que de saucisson, comme dit mon pote originaire d'Aurillac.

Écrit par : Lapinos | vendredi, 25 novembre 2005

L'histoire de flic est sans doute "Un privé à Babylone". En effet, ce que vous avez lu n'est pas ce que Brautigan a fait de mieux — et puis, heureusement d'ailleurs, nous ne sommes pas tous sensibles aux mêmes "petites musiques". Le crincrin de Brautigan, comme celui des clowns d'Esposito, peut être touchant ou exaspérant, selon les goûts...
Lire tout de même "La Pêche à la truite en Amérique", "Sucre de pastèque" ou "La Vengeance de la pelouse"...
J'espère que votre pote d'Aurillac vous a fait découvrir les "tripoux" ? Avec un petit vin d'Auvergne, c'est excellent. Et merde pour le chroniqueur gastronomique du "Figaro Madame", qui se flatte d'avoir laissé 436 euros pour deux au Grand Véfour (chronique de la semaine dernière) !

Écrit par : C.C. | vendredi, 25 novembre 2005

Les tripoux j'en raffole (le vin auvergnat un peu moins). J'en ai mangé justement hier soir, hélas je les avais fait mijoter cinq minutes de trop et ils étaient un peu élastiques.

Si votre chroniqueur gastronomique est celui qui a poussé Loiseau au suicide, son parti-pris branché m'agace, même si j'envie son budget bouffe (10000 €/mois).

Écrit par : Lapinos | vendredi, 25 novembre 2005

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